° Epilogue

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Juin 1912

- C'est fou ! Tu es si sûre de ce que tu avances là ? dit-il en fixant son bâton de promenade appuyé sur le pot de fleur du café.

- Nous en avons déjà parlés,, rit-elle en tournant une mèche de ses cheveux roux entre les doigts, Elle tient beaucoup à lui, peut-être même qu'elle l'aime. Mais elle est jeune, elle a du temps devant elle, ne t'en fais pas.

- Oui, mais tout de même ! J'ai quand même quelques doutes, dit-il en détournant le regard, nerveux.

Le petit café était bondé. Dans la rue d'à côté, il entendait les acclamations des femmes qui tenaient absolument à réclamer et obtenir leur droit de vote. Il ne pouvait que les encourager, sachant qu'il leur faudrait encore six longues années avant qu'on ne le leur accorde. Margret les avait rejoint, après qu'elle soit revenue de la manifestation où elle avait décidé de se rendre en compagnies de ces nombreuses autres femmes visionnaires.

- À votre place, je n'aurai aucun doute là dessus, très cher, dit cette dernière, Le petit a un charme fou et il le sait, si bien qu'il en joue. Un irrésistible jeune homme, je trouve.

- Tss, dit-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Il observa la foule de femmes au dehors, sentant la frustration dans son sang. Il se sentait si impuissant de ne rien pouvoir faire. Ce type était. . . malsain. Mais ca ne semblait pas être ce qu'elle pensait.

-Tu vas t'en remettre, rit-elle en déposant une main sur sa cuisse ce qu'il le détendit aussi, Je suis sûre qu'il ne lui fera pas de mal.

- Il n'a pas intérêt, siffla-t-il, Je n'y manquerai pas, de l'avertir de ce que je lui ferais si jamais il la fait souffrir. Dès que nous nous reverrons.

Elle éclata de rire, sûrement face à la détermination dont il faisait preuve.

- Tu sais, j'ai dit qu'elle était amoureuse de lui, mais il n'est pas blanc comme neige non plus!

- J'en étais sûre ! s'exclama Margret en tapant dans ses mains.

- Quoi ?! Mais il ne peut pas. . .

- Ne sois pas bête, dit-elle, Tu n'as pas remarqué l'inquiétude qu'il éprouvait pour elle. On aurait dit toi lorsque Falk m'approchait trop. Toujours sur la défensive quand il s'agissait de veiller sur moi. (Elle éclata de rire) Il ne nous aurait jamais laissés faire, si nous avions réellement souhaité prendre son sang. Il m'aurait sans doute tuée pour la protéger elle.

Ses yeux s'assombrirent soudain alors qu'il revoyait le canon du pistolet pointé droit sur elle. Elle le regardait avec un sourire qu'elle voulait apaisant, puis son sérieux revint.

- J'espère qu'elle ne reverra pas le comte de ci-tôt. Ou ,au moins, qu'elle nous rendra visite avant.

Margret soupira et se leva, emportant avec elle sa tasse de thé :

- Ce comte, pesta-t-elle, Ne m'en veuillez pas, mais je vais rejoindre mes charmantes amies dans la foule. Elles, elles ne parlent ni de comte, ni de chronographe, ni de récolte de sang. Je sens que vous n'allez pas changer de sujet pour un moment.

Et sur ce, elle s'en alla en faisant virevolter ses jupons autour d'elle. Il reposa son regard dans celui de la femme qu'il aimait. Ses yeux verts s'étaient voilés d'inquiétude.

- Tout s'est passé si vite. Je n'ai même pas eu le temps de tout lui expliquer.

- À qui la faute ? maugréa-t-il, le nom du fautif flottant dans l'air entre eux deux.

- Il voulait simplement la protéger ! S'il te plaît. . .

- Hmm. . .

Les acclamations se rapprochèrent, les femmes manifestantes devaient être de leur côté de la rue à présent.

- J'espère juste qu'il ouvrira les yeux assez tôt, reprit-il, toujours méfiant.

- Nous sommes tous passés par là, voyons. Ne lui rejette pas la faute. Il est de ta famille tout de même, le sermonna-t-elle, Et tout comme toi ou moi, il a grandi dans les aphorismes des Veilleurs et dans un but bien précis ; découvrir le secret des secrets. Sauf que lui, il a dû recommencer notre mission du début.

- Un lavage de cerveau, c'est bien ce que je dis.

Elle soupira. Il avait raison, elle le savait, mais il était d'accord pour dire que son neveu-cousin-je sais pas trop quoi avait eu une tâche bien plus compliqué à faire qu'eux. Eux n'avaient eu qu'à élapser de temps en temps dans une pièce toute poussière au fin fond des caves de Temple, afin d'éviter des sauts incontrôlés. Lui avait été à toutes les époques pour rencontrer tous les voyageurs. Et Dieu sait ce qu'il avait dû faire d'autre.

- Tu sais, reprit-t-il, Je ne pense pas qu'elle reviendra nous voir avant de revoir le comte. Elle l'a déjà rencontré hier. Enfin, c'était hier pour elle. Mais après nous avoir croisés ici, je pense très fortement que mon frère n'hésitera pas à les envoyer tous les deux le rencontrer une nouvelle fois. Pour lui faire parvenir les récents évènements.

Elle pinça les lèvres, sembla perdu dans ses pensées. Elle ne dit rien et lui non plus. C'était assez compliqué pour eux. Ils ne savaient pas quand ils allaient la revoir, ni s'ils allaient la revoir, même si sa tendre compagne était persuadée que si. Puis soudain, celle-ci lui sourit, ce genre de sourire qui le rendait tellement niais, qui le faisait tomber encore plus amoureux d'elle qu'il ne l'était déjà. Elle se leva, prit sa main, et le tira de sa chaise.

- Elle est forte, ne t'en fais pas. Et si mes intuitions sont bonnes et qu'il est prêt à tout faire pour elle comme il l'a été ce matin, alors ils devront s'en sortir. Ensemble, dit-elle très confiante, Ensemble, comme nous l'avons été tous les deux. Arrête de ruminer des idées noires et suis-moi.

Il ne dit rien, ne bougea pas, levant seulement un sourcil inquisiteur.

- S'il te plaît. Allons manifester.

Jamais il n'avait su résister aux charmes de sa bien-aimée, alors il soupira et se laissa entraîner sur le trottoir par elle, sous les cris de la foule qui avait fini par arriver près du café. Margret était là, mêlée aux femmes qui criaient, riaient, protestaient. Elle tirait sur son bras, lui faisant comprendre qu'elle souhaitait accompagner Margret dans sa manifestation, mais lui n'en avait pas envie, ne voulait pas s'en donner la peine. Il fallait juste qu'il patiente six ans. Six ans et les femmes pourront dire haut et fort leurs pensées. Plutôt enthousiaste à l'idée de se joindre à ces femmes, elle insista comme une enfant.

- S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plait.

- Bon, très bien princesse. Prête ?

- Prête, si tu es prêt.

Et elle l'entraîna au plein milieu de cette foule de bras et de jambes, avec un grand éclat de rire, lui la suivant avec des étoiles dans les yeux, sous les cris, les acclamations, les musiques, et la bonne humeur des Londoniens.

Blanc DiamantWhere stories live. Discover now