CHAPITRE II - Tessa

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La peur n'évite pas l'échec. Tomber est parfois nécessaire. Nécessaire pour avancer, nécessaire pour se construire, nécessaire pour apprendre. Pour grandir.

Ces mots écrits par ma mère défilent en boucle dans ma tête.

Anxieuse, je relis son texto envoyé quelques heures plus tôt. Je le ressasse pour m'en imprégner, pour bien l'assimiler. Tel un mantra qui me permettra de faire front face à cette journée qui s'annonce.

Elle connaît mes appréhensions.

Elle connaît mes craintes.

Elle connaît mes failles.

Elle me connaît plus que je ne me connais moi-même.

Mon alliée, ma meilleure amie, ma protectrice et ma force. La blancheur ainsi que la pureté de la colombe, la douceur qu'est son reflet mêlée à la fermeté de sa bravoure. Elle me relève et me guide. Jamais de jugements, toujours de bons sentiments.

Je soupire tandis que mon regard se porte sur le paysage qui défile. Ma main gauche vient trouver place sur le pendentif qui orne mon cou, une petite croix en argent. Du bout des doigts je l'effleure d'un mouvement lent et régulier. Un geste qui a tendance à se répéter lorsque je suis nerveuse, oppressée.

Pour ne rien arranger, la chaleur est étouffante malgré les vitres un peu entrouvertes. Ma peau devient moite, collante. L'air est irrespirable. Je relève mes cheveux ondulés pour les attacher en un chignon négligé, permettant à ma nuque de recevoir une brise rafraîchissante illusoire. Les vêtements que je porte n'aident en rien. Un jean basique, mes fidèles Converses noires aux pieds et un tee-shirt en coton du même ton. Une tenue que j'ai voulu sobre au vue de l'endroit où je me rends. 

À mesure que les kilomètres qui nous séparent de la Huntsville Unit diminuent, mon cœur martèle de plus en plus fort dans ma cage thoracique. Pour une raison qui m'échappe, je redoute ce moment. Celui où je me retrouverai face à ces détenus qui pour la plupart, ne reverront jamais l'extérieur. Des hommes qui n'ont plus rien à perdre, des hommes captifs de leurs erreurs. Des hommes pour qui la réalité de l'existence est tout autre.

Comment peut-on basculer dans une déraison telle où le prix à payer est l'absence de liberté ?

Comment peut-on commettre l'irréparable sans penser à tout ce que cela peut engendrer ? Cet acte cruel qui appose un point final à plusieurs vies. Celui des victimes, bien sûr, mais aussi la leur. Car en accomplissant ces atrocités, ils signent aussi pour mourir en retour.

Cette prison est la seule habilitée à appliquer la peine de mort, ici, au Texas. C'est donc là que se trouve l'unique chambre d'exécution de l'État.

Attendre de disparaître.

Attendre de partir.

Quelques années pour certains, un temps interminable pour d'autres.

En fin de compte, c'est peut-être ça, la véritable punition. Patienter entre ces murs tout en sachant que la seule issue, l'ultime conclusion, sera votre dernier souffle.

Un frisson d'horreur me glace l'échine.

—Ne divulgue aucune information personnelle, ne parle pas de toi. Concentre-toi sur eux et leur quotidien.

Les recommandations de Samy m'arrachent une légère grimace.

—Tu me l'as déjà répété vingt fois, je dis en posant mes yeux sur lui. J'ai compris, ne t'en fais pas.

Une main sur le volant et l'autre sur le levier de vitesse de sa veille Ford Mustang, son attention ne dévie pas de la route.

—Je te le répèterais vingt fois, trente fois, cinquante fois, si il le faut, Tessa. Ces types ne sont pas des anges. Ce sont plutôt le genre à te sauter à la gorge pour un misérable mot sorti de son contexte. Méfie-toi.

Affronte-moi Where stories live. Discover now