Chapitre 21

897 175 53
                                    

Yoongi avait couru. Il s'était époumoné. Il avait entendu Taehyung partir. Or Taehyung n'avait rien dit avant de s'en aller. C'était bizarre. Alors Yoongi avait trouvé son portable sur le canapé. Taehyung ne l'avait même pas verrouillé. Yoongi n'avait pas l'intention d'y fouiller. L'écran était simplement encore allumé. Et il laissait apparaître des messages. Des messages que Yoongi considérait comme dégueulasses de la part des proches de son ami. Aussitôt, il avait craint le pire. Taehyung en était capable. Dans un instant de profonde détresse, il était capable de tout.

Yoongi s'était senti démuni. Pour la première fois depuis bien longtemps. Il ne savait pas quoi faire. Où chercher Taehyung ? Taehyung ne connaissait pas Tokyo. Il était peut-être déjà perdu. Yoongi non plus, d'ailleurs, ne connaissait pas Tokyo. Comment allait-il le retrouver ?

Yoongi avait eu peur. Tellement peur. Il imaginait déjà son ami les yeux clos. Étendu. Incapable de rouvrir les paupières. Incapable de respirer. Et puis il avait eu un genre d'illumination. Le parc. C'était le seul endroit que Taehyung connaissait. S'il était encore en vie, il était au parc. Il s'y dirigerait par réflexe. Parce qu'il ne connaissait que cet endroit. Et parce qu'il aimait cet endroit. Parce qu'ils y avaient partagé de si beaux moments. Il y était forcément attaché. Il y retournerait probablement. Consciemment ou non. Parce qu'il avait besoin d'un endroit qui le rassure.

Yoongi avait foncé au parc, il avait couru ; pour lui qui détestait courir, ça avait ressemblé à un long calvaire interminable qui lui volait la moindre particule d'air dont se constituait son souffle, qui lui brûlait la gorge – et pourtant, son cœur brûlait d'une manière bien plus douloureuse à imaginer Taehyung, peut-être mort à son arrivée –, pourtant il avait continué, continué, et il avait couru, couru, sans s'arrêter, jusqu'à s'époumoner, jusqu'à ce que sa respiration soit rendue si difficile que chaque sanglot lui donnait l'impression de cracher ses tripes entières sur le trottoir, jusqu'à ce que ses jambes commencent à lui faire mal tant il les sollicitait, lui qui habituellement se contentait de minuscules trajets entre sa chambre et sa cuisine – aucune importance, il fallait qu'il retrouve Taehyung à tout prix.

Il était arrivé au parc, haletant. Et il avait trouvé Taehyung. Ouf. Il était dans leur petit coin. Il pleurait. Il était recroquevillé sur lui-même. Et l'émotion avait submergé Yoongi. La peur, la détresse, le soulagement, aussi, et une infime colère. Mais ce n'était pas à cause d'elle qu'il avait hurlé sur Taehyung. Il n'était pas en colère contre Taehyung. Seulement contre ses proches. Mais pas contre Taehyung. S'il avait crié et agi si brutalement, c'était parce qu'il avait eu peur. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Il fallait qu'il hurle. Parce que quand il courait, il n'avait pas le souffle pour hurler. Il en avait besoin, de hurler. Ça lui donnait l'impression de libérer ses émotions.

Pour une fois, il avait eu besoin de les libérer, ses émotions. C'était rare. Habituellement, il n'était même pas sûr d'en ressentir. Là, il avait fallu qu'il les laisse jaillir. Il avait pleuré. Beaucoup. Plus que quand il s'était égratigné le genou, quand il avait quatre ans. Et sa mère lui avait dit qu'il avait beaucoup pleuré, ce jour-là. Mais Yoongi était certain d'avoir encore plus pleuré pour Taehyung. Ça avait été long. Ou bien le temps était vraiment passé lentement. Il ne savait pas trop. Il avait eu tellement peur qu'une minute avait ressemblé à une heure. Quand il le cherchait... une éternité semblait être passée. Oui, il avait vraiment eu peur. Il ne savait pas trop comment le dire autrement. Son cœur lui avait fait si mal...

Alors il ne s'était pas contrôlé. Pour une fois, il avait laissé ses émotions parler. Parce qu'il ressentait. Il ressentait beaucoup de choses bizarres avec Taehyung. Mais il avait compris. Il avait compris qu'il l'aimait. La peur avait révélé l'amour.

Yoongi lui avait demandé s'il pouvait... Taehyung avait acquiescé.

Désormais, donc, ils s'embrassaient. Ils s'embrassaient de manière si douce. C'était pur. Ça faisait bien longtemps que Yoongi n'avait plus senti cette chaleur. Celle de lèvres posées sur les siennes. Qu'est-ce qu'il aimait ça. Les lèvres de Taehyung étaient douces. Vraiment très douces. Un peu humides, aussi. Ses larmes.

À la croisée des suicides [Taegi]Where stories live. Discover now