Chapitre 29

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Le reste de la journée, Taehyung et Yoongi l'avaient passé ensemble. Les deux garçons avaient travaillé sur la chanson du compositeur qui souhaitait à tout prix que son cadet soit la voix qu'on entendrait sur ses refrains. Taehyung avait tenté de lui opposer qu'il ne s'agissait que d'un guide, mais son copain avait répliqué que non, finalement il ne s'agirait pas que d'un guide : tant pis pour ses employeurs, cette chanson, elle demeurerait la leur. Celle dans laquelle ils exprimeraient leurs peines, leurs frustrations, et celle grâce à laquelle ils se débarrasseraient pourtant de leurs émotions négatives.

En vérité, ils désiraient faire de ce morceau leur catharsis : ils espéraient qu'il les libérerait de leurs douleurs pour leur permettre ce nouveau départ auquel ils n'avaient pas cru mais qu'ils entrevoyaient désormais. Un nouveau départ... Taehyung avait beau se répéter ces deux mots, il les trouvait magnifiques et enthousiasmants. Yoongi l'avait affirmé, lui aussi approuvait : il faudrait du temps. L'aîné avait été à ce point détruit par la solitude, et son petit ami par ses proches, qu'il s'avérait impossible que tout soit oublié en un claquement de doigts. Faire table rase impliquerait des mois (des années, peut-être) et des efforts.

Or, au soir de ce cinquième jour qu'ils passaient ensemble, les deux jeunes gens voulaient songer qu'ils y parviendraient, que tôt ou tard ils se sentiraient heureux autant qu'épanouis.

Ils se couchèrent et s'endormirent le sourire aux lèvres, un sourire qui traduisait leurs espoirs.

Au matin suivant, les deux compagnons ouvrirent les paupières sur ce qui leur apparut comme un jour nouveau. Il n'existait pourtant aucune différence entre la veille et ce matin-là, mais il leur semblait que quelque chose avait changé – quelque chose en eux, peut-être. Le ciel s'assombrissait alors même qu'à leurs yeux, le temps s'était adouci.

Après quelques banalités échangées, les deux garçons s'embrassèrent un court instant et se levèrent. Aussitôt, ils se mirent au travail : Yoongi avançait sur sa prochaine chanson, sous le regard bienveillant de Taehyung qui, quant à lui, relisait ses paroles pour une énième prise de ses refrains. Son aîné lui avait pourtant affirmé, la veille, qu'il avait enregistré exactement ce dont il avait besoin. Or, son cadet estimait pouvoir faire mieux. Yoongi lui avait donné quelques conseils et avait déclaré qu'il trouvait sa voix immensément plus belle quand elle demeurait brute, quand on sentait qu'elle n'avait pas été échauffée.

Les deux garçons y passèrent leur matinée. Une fois le soleil à son zénith, Taehyung détenait le fichier parfait : un de ses essais lui avait paru particulièrement concluant, et en l'écoutant à son tour, Yoongi avait ajouté qu'il pensait qu'ils avaient là tout ce que le jeune homme pouvait produire de plus sublime. Ça avait beaucoup ému Taehyung, honoré de pouvoir offrir son chant à ce morceau dont chaque prise voyait naître une larme orpheline aux coins de ses yeux.

Il chantait bien plus que le refrain de Yoongi, il chantait son âme.

Le parolier, pour sa part, avait avancé sur son prochain travail : il avait composé une mélodie qui, quoique bouleversante, traduisait avant tout une bonne humeur paisible. C'était quelque chose de tranquille, une ballade poignante dont Taehyung interprèterait une grande partie.

En effet, Yoongi en avait déjà écrit le texte. En entier. Il lui avait suffi d'à peine une heure. Dès lors que son petit ami, imprégné par les mots de sa chanson précédente, avait commencé à enregistrer quelques essais, son aîné s'était à ce point senti porté par sa voix et sa présence qu'il lui avait semblé se faire frapper par les flots grondants de l'inspiration. Vers après vers, il lui avait fallu peu de temps pour achever son ouvrage. Impossible de décrire ce qu'il avait éprouvé : c'était le pouvoir qu'exerçait Taehyung sur lui, tout simplement.

À la croisée des suicides [Taegi]Where stories live. Discover now