[Texte 8] - Tourbillon infernal

14 4 0
                                    

Une foulée de plus, deux foulée, puis trois. Une jeune fille courait dans l'obscurité grandissante de la nuit. L'astre pâle éclairait doucement son visage pâle, et ses cheveux d'or. Au creux de ses mains, elles tenait un objets fermement: une coupe argentée. Elle grimaçait à chaque fois qu'une goutte se brisait dans l'herbe fraîche d'une prairie, tout en continuant, espérant abréger cette course folle. Pourtant, on ne pouvait discerner derrière elle que les ombres de la végétation environnante. Elle jeta un énième regard furtif à l'horizon, avant de le reporter sur le récipient. L'eau pure formait des ondes à chaque fois que la fillette posait un pied à terre. Elle se remémorait les paroles des Grands Sages de son village, terrifiée:

"Cette coupe te préservera des ténèbres qui te poursuivent. Ils ne peuvent rien tant que l'eau n'est pas renversée dans sa totalité."

Elle avait préféré fuir, ayant tout de même peur de ses démons, malgré cette objet, qui devait la protéger. Une mauvaise voix dans sa tête vint compléter la prophétie des Sages, en sifflant:

"Elle se répandra. C'est le destin."

La jeune fille fut prise de frisson, ne s'arrêtant toujours pas. Ses poumons commençaient à brûler dans sa poitrine, et sa gorge s'asséchait au fil des mètres. Mais, reprise par ses angoisses, elle accélérait, ne sachant jusqu'à quand elle pourrait tenir. Elle devait tenir.
~
Malheureusement, on n'échappe pas si facilement à son sort. Son pied droit se prit dans une racine, et elle lâcha la coupe étincelante sous les rayons de la lune. Elle vit avec horreur et impuissance le liquide s'échapper, voler quelques instants dans l'air pesant. Non. L'objet se fracassa sur le sol en même temps que la fille. Non. L'eau brillait dans la nuit, tel une pluie d'étoiles. Non. La beauté de ce spectacle aurait subjugué le cœur de cette fillette sensible, s'il n'avait pas été aussi terrible. Les premières gouttes frôlèrent, touchèrent enfin l'herbe verdoyante. Elles se brisèrent, elles se brisèrent comme le cœur de cette jeune fille. La totalité du liquide limpide frappa le sol avec une force inouïe, projetant des gerbes de diamants. Et elle, trempée, regardait tout cela avec une frayeur sans nom, tétanisée. L'eau se répandit doucement, redevenue calme, inquiétante, et continuait de courir dans les crevasses de terre sèche. Elle formait un joli miroir nacré, reflétait la lune argentée. Le liquide déposait délicatement de petites perles de rosée sur les brins d'herbe, abreuvait le sol craquelé. De petites vaguelettes vinrent lécher les mains écorchées de la fillette, indifférentes , froides. Aucune couleur ne se reflétait dans l'étendue formée, seulement le noir opaque du ciel nocturne et le blanc éclatant de l'astre. Des joyaux vinrent troubler la surface lisse; la fille pleurait. S'en était finit d'elle, elle se pensait perdue. Son reflet l'énerva tant, qu'elle le frappa violemment, ne supportant pas que l'eau reste ainsi muette devant son chagrin. Ses larmes continuèrent de tomber, brisant de petits bruits sourds et réguliers le silence ambiant. Elles soulevaient de petites gerbes, qui retombaient en une étrange danse, veillée par le clair de lune. Et la flaque vide s'étendait encore, accueillant ces pleurs amères avec froideur, engloutissant peu à peu les prairies. L'étendue devint un mystérieux et magnifique lac, reflétant à présent le regard désespéré de cette fillette, qui se noyait dans ses propres larmes. Son corps sombrait injustement dans les profondeurs de cette eau, à la fois pure souillée.
De tranquilles vaguelettes venaient lécher le rivage, tandis que le reflet de la lune veillait sur ce monde redevenu calme, et inquiétant.

"Ne vous noyez pas dans des troubles futiles, vivez la vie sans que l'on vous l'ai dictée"

Les cris du moineauWhere stories live. Discover now