[Texte 21, Partie II] - Rêveries éphémères

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Un son strident perce mes tympans, lourd de sens. "Bienvenue en enfer" semble-t-il ricaner. Mes prunelles hagardes s'ouvrent brutalement, ne saisissant pas encore ce terrible changement d'univers. Un plafond immaculé répond à leurs questions muettes. À mes côtés, le réveil continue de hurler des âneries, un tel tas de futilités... En un éclair, il se retrouve au tapis, gisant pitoyablement sur la moquette délavée. Ce retour à la réalité m'arrache un long soupir désespéré. Évidemment, ce rêve était trop beau pour être vrai. Mon cœur se serre tandis que j'écarte mes couvertures blanches. Ma peau blafarde se confond avec elles. Je balance mes jambes contre le bois sec de mon lit, le regard perdu dans les abysses du vide. Envie de rien. Comme dans mes doux songes. Et pourtant, pourtant, tu n'arrives pas pour me donner la foi, le courage d'encaisser cette nouvelle journée vide de sens. Les bribes de ces rêveries me collent encore à la peau, et je suis enivrée par des sensations perdues à jamais. Tes yeux de velours gris me parcourant, embrassant mon âme. La chaleur de tes bras accueillants. Ton parfum qui m'avait tant manqué. La douceur de ta voix, tes éclats de rire, ton sourire irrésistible... Et pourtant, tu n'es pas là. Le matelas est gelé, ma chambre froide, sombre, triste. Le reflet de mon coeur déçu. Bientôt, d'abondantes larmes glissent le long de mes joues, suivent les courbes de mon cou pour s'éclater sur le sol. Un an passé à t'oublier. Je pensais que tu n'étais plus rien pour moi, je croyais être enfin parvenue à tourner cette page funeste. Mais tu es là, tu hantes encore mes nuits. Et tu me manques de nouveau. Mes sanglots ne s'arrêtent plus. Je me hais. Je te hais. Je nous hais. Je veux que tu me laisses en paix, que tu partes pour de bon. Non. Je veux que tu reviennes, que tu me prennes dans tes bras dans la réalité, pas seulement en rêve. Je veux te sentir tout près de moi, en chair et en os. Je souhaite du fond de mon âme que ces illusions n'en soient plus. Je souffre de ton absence, je me tais pour paraître forte, parce que personne ne me comprendrait, mais j'ai mal. Je ne parviens pas à panser mes blessures, viens le faire pour moi, je t'en prie... Je me perds dans ce monde de fous, j'ai besoin de toi pour avancer. Tu étais le seul à ne pas me considérer au travers des rumeurs, mon seul ami, mon pilier, mon tout. Ces pestes ont tout gâché. Redonne moi une autre chance, je me fiche si je dois te dévoiler mes failles pour cela mais... Ne m'abandonne pas, ne laisse pas la poussière s'accumuler sur notre précieuse amitié. J'ai peur d'affronter la tempête à présent, je me sens tellement seule, si démunie... Prends ma main, ne les laisse pas me détruire. Tu n'es plus là pour entendre mes prières, tu n'es plus qu'un morceau d'un passé révolu. Cette pensée fait redoubler mes pleurs. Comment t'atteindre de nouveau? Comment te faire entendre ma voix brisée? Je suis faible, tu le sais bien. Malgré tout ce que je laisse paraître, je suis aussi fragile d'un frêle moineau. Je chante joyeusement jusqu'à ce que la vie ne broie ma belle espérance. De multiples frissons parcourent ma chair, me forçant à me lever. Le cœur lourd, j'entrouvre mes rideaux pâles, et la grisaille d'un ciel diluvien éclaire à peine mon visage rougi par mes larmes cristallines. Un jour de plus, une énième mascarade. Mes doigts fins se promènent le long de la vitre glacée, touchant une pluie aussi inaccessible que toi. Je ferme les yeux, percevant presque ton souffle chaud au travers du mien. Une buée nostalgique se forme devant moi, dessinant des rosaces éphémères. Mes espérances flétrissent de concert avec elles. Je suis enfermée dans une tragédie dont je ne vois pas la fin. Il faut me résigner; tu n'es plus là. Tu ne le seras plus jamais. Je serai condamnée à parcourir un chemin solitaire, ne croisant jamais le tient. Ta présence est morte mais pas ton souvenir. Et ça me tue à petits feux. Je finis par me tourner vers la lueur artificielle du couloir, exécutant mon rôle avec peine, le cœur plus lourd que jamais. Mais ai-je le choix, au fond? Le temps ne s'arrêtera pas pour t'attendre avec moi. J'ai mal, mais je dois continuer ma marche funèbre. En ignorant mes rêveries éphémères.

Les cris du moineauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant