Les cris du moineau

[Texte 10] - Le discours du bonheur

La jeune fille brune fit un immense sourire, illuminant la scène. Elle tapota trois fois sur le micro, avant de commencer timidement:

"Bonsoir, cher public. Vous êtes si nombreux à m'écouter, que je ne pourrais oublier de vous remercier. Je pourrais m'amuser à compter vos prunelles, qui étincellent dans le noir de l'indifférence, mais j'ai à vous parler d'une chose incroyablement importante. Parmi cette foule qui s'étend devant moi, cette masse uniforme, je sais qu'il y a une majorité qui rejette la vie parce qu'ils la croient trop difficile. J'ai compté les prunelles humides, en arrivant sur cette estrade, voyez vous. Ce sont peut être vos amis, votre famille, ou bien encore de parfaits inconnus. Peu importe qui ils sont, qui vous êtes, vous avez tous eu ces soirées interminables pendant lesquelles vous pleuriez votre malheur. Ce que vous ne savez pas, c'est qu'en faisant cela, vos démons vous engloutissent un peu plus chaque heure qui passe... Jusqu'à vous faire oublier la lumière. Elle reste là, vous savez, elle demeure enfouie dans vos cœurs mutilés. Vous l'avez rejetée, vous l'avez blessée, mais elle n'est jamais partie. Et vous, vous ne voyez que votre propre douleur, ce malheur superficiel. Vous n'imaginez pas la force de l'espoir. Vous en avez peut être peur, finalement, alors vous l'envoyez paître violemment. Il vous accompagne comme on épaulerait un ami, et vous le considérez comme un ennemi. La vie a toujours quelque chose de magique, si on la considère à sa juste valeur. Alors pleurez à genoux, et restez emprisonnés dans votre quotidien monotone tant que vous le pouvez; moi, je me relèverai grâce à l'espoir."

La jeune demoiselle quitte la scène sous les yeux ébahis du public, un immense sourire aux lèvres. Elle regarda une dernière fois la foule avant de sortir telle un mirage, laissant un rayon lumineux percer l'obscurité à travers une porte ouverte. Sur un mur était gravé délicatement: Le bonheur demeure lorsque vous fuyez.