[Texte 20] - Ode Marine

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Les vagues écumeuses s'écrasaient contre les falaises effritées avec fracas.
Des oiseaux marins hurlaient de leurs voix perçantes des prières à leur déesse.
Une fillette, assise calmement au bord du précipice, pleurait silencieusement sa détresse.
La tempête arrivait, tandis que la mer se fracassait violemment contre les parois.
Le sel se mêlait aux larmes cristallines de l'enfant maussade en une triste alchimie.
Son cœur se suicidait comme celui de l'océan, mais bien vivant demeurait son esprit.
Les cumulus cotonneux firent place à des amas grisâtres, grondant de concert.
L'étendue aqueuse se déchaînait, extériorisant une rage indicible, et frappa le tonnerre.
La fillette n'avait peur que du genre humain, et louait avec les mouettes la puissance des éléments.
Oh comme son désespoir était grand! Elle ne pouvait retrouver la sérénité qu'aux creux du féroce vent.
Sa respiration sifflante se cala sur les plaintes du ciel, et déjà elle se sentait revivre.
Son regard balayait cet effrayant tableau avec une lueur apaisée, paradoxe de la passion.
Ses cheveux s'envolaient derrière elle, s'entremêlant au gré de la brise sauvage, et de cette folle danse ils étaient déjà ivres.
Un éclair fusa dans le ciel sombre, un flash qui de son cœur remua les tréfonds.
La pluie, sage et fine, se fit abondante et battante, fouettant avec violence le minois pâle de l'enfant.
Et elle, dans le chaos de cet orage, trempée jusqu'aux os mais heureuse, elle souriait gaiement.
Elle se leva subitement, faisant tomber quelques gravats dans l'immensité de la mer.
Les lumières fugaces se succédaient, aveuglantes, et pourtant elle tenait bon.
Elle entrouvrit ses lèvres gercées et se mît à hurler, se révoltant contre la terre entière.
Les bourrasques sifflaient à ses oreilles des absurdités, mais jamais elle ne recula; elle était d'une ténacité sans nom.
Sa voix redevint murmures, minuscules balbutiements dans la grandeur de ce déchaînement de la nature.
Pourtant elle ne se démonta pas, et cria de nouveau, contant à l'océan ses moindres blessures.
Privée de mère, la petite devait bien se confier à quelqu'un.
Les Hommes ayant trahi sa confiance, elle trouva du réconfort dans le souffle marin.
Lorsque la tempête se calma enfin au bout de longues heures de violences, la fillette vit l'astre diurne s'élever dans le lointain.
Et un énième matin s'annonçait, une nouvelle souffrance, et pourtant elle éclata de rire.
L'océan, éternel complice, se remît à lécher doucement la base des grandes falaises et semblait lui aussi sourire.
Le sel des larmes s'était noyé dans la mer, l'enfant ne voulait plus s'apitoyer.
Combien même elle se sentirait mal, elle savait que l'océan serait toujours là pour elle, et qu'elle pourrait, autant qu'elle le souhaitera, offrir toutes ces déceptions à l'écume muette.

C'était son ode marine, secret perdu dans l'innocence de l'enfance.

Les cris du moineauWhere stories live. Discover now