Chapitre 2 : arrêt à Melessia

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Les montagnes se rapprochent de plus en plus, alors que la terre sous nos pieds entame une lente montée.

Après environ encore deux heures de chevauché, je note l'apparition de ruines de maisons.

Plus nous avançons, plus elles se multiplient et s'agrandissent.

Aucun doute possible : nous nous dirigeons en direction d'une ancienne et importante zone d'habitations.

Et en effet, après plusieurs minutes de marche, se dresse soudain devant nous une saisissante vision :

De hautes tours pointent leurs sommets fracturés vers le ciel, qui surplombent les restes décapités des maisons, au milieu d'un tortueux entrelacs de ruelles et d'escaliers serpentant en un macabre labyrinthe.

Il s'agit du squelette grisâtre d'une ville.


Où que mon regard se porte, seule la mort règne en ces lieux qui avaient pourtant dû abriter une floraison de vie en son temps.

« Nous sommes à Melessia, si je ne dis pas de bêtise. » murmure Tsuyu devant moi, presque plus pour elle-même que pour moi, « Je crois que les messagers venant à la Forêt ont dit passer souvent par ici... Mais qu'il vaut mieux ne pas y trainer plus que nécessaire. »

Je hoche distraitement la tête. Moi non plus je n'ai pas envie de m'attarder.

Cet endroit me met mal à l'aise...

Mon amie donne un coup de talon au Vazours, avec l'intention de lui faire accélérer le pas, mais à la place, le plantigrade se fige, sourd aux appels que sa maîtresse commence à multiplier à son intention.

« Mais que t'arrive-t-il ? »

Tsuyu se penche pour venir fixer son regard dans celui de sa Créature... et son langage corporel se tend instantanément.

« Ochaco... Il faut qu'on se cache. Vite. »

Sans plus d'explication, elle saute à terre, attrape le Vazours par sa mâchoire et le force à avancer vers une construction percée d'un large troue suffisamment grand pour nous permettre de nous abriter avec l'animal.

Une fois à l'intérieur, je prends le temps d'inspecter à mon tour l'expression de notre monture... Un frisson me parcourt.

Ses yeux sont exorbités par une peur visible.

Quant à Tsuyu, avec son visage plissé par l'inquiétude et son regard vissé vers l'extérieur, dans l'attente, elle n'est pas sans me rappeler avant-hier, quand elle avait repéré le Larbin-draconique.

Un souvenir dont j'aurais préféré me passer.

Je me glisse à ses côtés, pour chuchoter du bout des lèvres : « Qu'est-ce qu'il y a ? »

« Je ne sais pas. » Me répond-elle sur le même ton, « Mais c'est sûrement un monstre du Roi de la Colère, particulièrement dangereux. »

C'est alors qu'une imposante forme se détache des ruines, au loin.

Avec sa peau grise au motif couleur sable, la chose doit pouvoir se fondre dans le paysage avoisinant, mais au milieu de la ville, nous pouvons sans trop de difficulté l'observer.

Dans une marche lourde, il s'approche en dodelinant le compact amas de muscles qui lui sert de corps sous des plaques osseuses en pointe. Sa tête courte, qui m'évoque celle d'un blaireau dont la mâchoire laisse sortir deux grosses dents dressées vers le haut, se tourne paresseusement de droite à gauche.

Ses petits yeux jaunes s'arrêtent finalement sur quelque chose.

Il lève l'une de ses imposantes pattes, munies de quatre griffes allongées, qu'il abat au sol !

Quand il la relève, il tient ce qui s'apparente à un long et épais serpent écarlate que je distingue mal, mais dont la tête semble être celle d'un renard, qui crache désespérément de rage !

Le prédateur pose son postérieur à terre, avant d'adopter ce qui ressemble à une position assise... et d'enfourner sa proie dans son énorme bouche.

S'en suis une interminable séance de mastication sur fond de cris sifflants du pauvre serpent.

Son repas achevé, le monstre se roule en boule, dans une visible intention de dormir là.

Alors que commence un grondement que j'identifie comme un ronflement, Tsuyu se redresse et se tourne vers moi.

« Le Vazours ne va pas pouvoir quitter cet endroit tant que cette chose sera dans le coin. Je crains que nous soyons bloqués ici pour le moment. »


*

Puisque le soleil se cache petit à petit derrière les montagnes, nous avons résolu de dormir ici.

Après avoir rapidement réfléchi à la question, nous avons monté le camp, quoi que sans allumer de feu.

Nerveuse, je ne peux m'empêcher de me tendre à chaque fois que j'entends un bruit un peu trop fort.

Le pire a sûrement été lorsque le monstre, dans son sommeil, à projeter sa grosse queue dans un morceau de mur, l'exposant proprement...


Après notre repas, Tsuyu s'est couchée et s'est vite endormi.

Autour de nous, le silence de la nuit n'est troublé que par le ronflement du monstre au loin. Le pire est que l'on s'y habitue...

Pourtant, le sommeil tarde à me rattraper.

Beaucoup trop de choses me sont arrivées en trop peu de temps.

Mon arrivé dans la Forêt, ma rencontre avec le Roi-bestial, l'étrange relation qui a commencé à s'amorcer entre nous, mon entrevue avec le Dieu de la chasse accompagné de la révélation sur mes origines, l'attaque du Larbin, ma fuite avec Tsuyu... et bien sûr, maintenant, notre arrêt forcé, à cause de la créature.

Au-dessus de moi, peins sur le plafond, se trouve une fresque.

Faute d'autre activité, je commence à la détailler.

Elle est vieille, écaillée et fissurée.

Mais je distingue des êtres, visiblement humain, surplombés par des mains paumes ouvertes vers eux, comme si elles offraient quelque chose.

L'un des hommes semble arborer une paire d'ailes, tandis que l'autre est entouré de flammes bleutées. 

Entre eux se trouve un objet que je n'identifie pas vraiment. Une coupe, peut-être ?

Le regard perdu dans la fresque, je ne m'aperçois pas vraiment que je m'endors petit à petit.


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L'ère des maudits - 2 - le Roi de la colèreWhere stories live. Discover now