Chapitre 4 : convois

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La pluie battante a fini par se calmer. Sous les pas du Vazours, la terre est boueuse, mais la créature, habituée à vivre dans les marais, s'en moque.

Cependant, au fil de notre avancée, l'humidité ambiante se tarit petit à petit, asséchée par un soleil qui semble avoir décidé de se réapproprier la moindre parcelle inabritée de ces terres. Et ce, à grands coups de rayons caniculaires !

À contrario, à chaque fois que notre chemin de montagne nous plonge dans l'ombre, la température chute, en même temps que le vent redouble !

À croire que les quatre éléments se sont donné le mot pour nous assaillir à tour de rôle...

Tantôt suante, tantôt frigorifiée, je ne peux que compatir pour Tsuyu qui, contrairement à moi, bien à l'abri dans la Forêt, n'avait encore jamais voyagé par tous les temps pendant de longues périodes.

Pourtant, sa détermination force le respect : elle ne s'est pas plein une seule fois. Ses grands yeux demeurent rivés vers l'avant, le regard inflexible et attentif au chemin, à l'affût du moindre problème que pourrait rencontrer notre monture pour avancer.

Faute d'occupation, je profite des rares moments où le temps nous épargne un peu, pour détailler les alentours.

Nous avons quitté Melessia le matin même, nous sommes à présent en milieux d'après-midi, et nous avons enfin rejoint les montagnes à proprement parler.

Le Vazours progresse sur des chemins pentus, juste assez large pour lui, qui me donne une belle vue sur le vide qui s'agrandit toujours plus en dessous de nous.

D'autre part, depuis que nous avons quitté la ville, j'ai noté que la flore a commencé à se diversifier de nouveau. Nous sommes visiblement sortit des terres ravagées par les anciennes guerres et la rage du Roi de la Colère.


Après un temps indéfini, Tsuyu fait soudain s'arrêter le Vazours, juste devant un tournant.

Curieuse, je me penche pour distinguer ce qu'elle a bien pu voir...

Je découvre ainsi une sorte de carrefour de chemins provenant d'un peu partout, convergeant en un seul, au pied d'une titanesque cloche ouvragée ! Et sur ces chemins : des gens. Beaucoup, de gens.

Tous sont accompagnés d'animaux ou de créatures, qui leur font office de montures ou à côté desquels ils marchent. Mais tous s'en servent pour transporter des sacs ou des caisses.

Plus par réflexe que par réels soucis de discrétion, je chuchote à l'oreille de mon amie : « Que se passe-t-il, à ton avis ? Où vont toutes ces personnes ? »

« Aucune idée... »

Elle n'a pas l'occasion d'ajouter quoi que ce soit, qu'un pas lourd commence alors à se faire entendre... derrière nous.

Impossible de se cacher où que ce soit : le chemin étroit ne permet aucune manœuvre.

Nous sommes donc condamnés à voir arriver derrière nous... un ours géant, noir et blanc.

Plus grand que notre Vazours de deux bonnes têtes, il porte sur son dos, accrochée à l'aide de sangles, une petite construction de bois protégé du soleil par une sorte de tente de toile.

Aux commandes se trouve un homme encapuchonné, aux lobes d'oreilles curieusement allongés d'où pendent des perles argentées et dont la bouche entrouverte traduit une certaine surprise en nous découvrant.

« Oh ! Euh... pourriez-vous avancer, s'il vous plaît ? Le festival est ce soir et je ne voudrais pas être en retard... Comme vous, j'imagine ! »

Tsuyu et moi échangeons un regard, puis mon amie talonne notre monture pour lui faire reprendre la marche. Nous n'avons pas le choix : il va falloir nous mêler à cette marche, quelle qu'elle soit !

Après une bonne minute au cours de laquelle nous nous rapprochons de plus en plus des autres personnes, la voix de l'homme derrière nous se fait de nouveau entendre :

« Je n'ai jamais vu de créatures comme la vôtre... De quel village venez-vous ? Je ne savais même pas qu'il y en avait un autre que le mien qui soit desservi par ce chemin ! »

Ses intonations n'expriment aucune méfiance, juste une simple curiosité.

« Hum... » Je donne un coup de coude, paniquée, à Tsuyu qui répond à ma place :

« Va... Vazourci ! »

« Vazourci ? Incroyable, je n'en avais jamais entendu parler ! Comme quoi, on en apprend tous les jours ! »

Il se tourne vers la petite construction derrière lui, pour appeler :

« Et toi, Kyoka ? Tu connaissais ? »

De sous une couverture émerge alors une adolescente aux cheveux mauves et aux mêmes lobes d'oreilles allongés que son aîné, au détail près que les siens sont décorés de perles.

La susnommée Kyoka me dévisage de ses yeux verts, l'air boudeuse, avant de secouer la tête par la négative, puis de retourner sous ses couvertures.

L'homme m'adresse un sourire désolé.

« Il ne faut pas lui en vouloir. Elle ne souhaitait pas venir, mais sa mère l'a forcé à m'accompagner... Au fait, qu'avez-vous prévu d'offrir au festival, vous ? Je sais que je suis un peu un moulin à parole, on me le dit souvent, mais vous n'imaginez pas à quel point ça me fait plaisir d'avoir, pour une fois, quelqu'un avec qui discuter sur ce chemin ! »

J'improvise un : « Euh... Nous... Nous apportons des... des fruits ! Des fruits de notre village ! », tandis que je tapote mon sac, comme s'il contenait lesdites offrandes.

Dans l'ombre de sa capuche, je vois les sourcils de l'homme se soulever de surprise, alors qu'il s'exclame :

« Eh bien ! Vous ne devez pas être riche par chez vous ! Un si petit sac... J'espère pour vous que ces fruits sont bons ! »

« Très ! » s'empresse de répondre Tsuyu.

Le silence s'installe, lourd de malaise.

Derrière nous, l'homme a fini par se résoudre à se taire, ayant enfin compris que nous n'étions pas très portées à la discussion.

Heureusement, nous sommes libérés de son attention par notre arrivée parmi les autres locaux, ce qui donne de nouveaux interlocuteurs à l'homme.

De notre côté, nous ne pouvons que croiser les doigts pour ne pas avoir commis une grave erreur.

De notre côté, nous ne pouvons que croiser les doigts pour ne pas avoir commis une grave erreur

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Perché en hauteur, un homme se tient, accroupit sur rebord de falaise, ses sourcils froncés sous la réflexion, alors que ses yeux suivent les mouvements de la foule.

L'ère des maudits - 2 - le Roi de la colèreWhere stories live. Discover now