Chapitre 19 : la voie de la guerre

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Assis sur le rebord du socle de la statue, le dieu de la guerre est une masse de muscles, grand comme trois hommes, à la peau noire cendreuse, dont les énormes mains et sa face sont maculées de morbides teintes rouges.

D'épaisses protections métalliques lui enserrent chevilles et poignés, tandis que son torse nu et athlétique se soulève sous sa respiration puissante.

Quant à son visage, encadré par une barbe et une crinière de cheveux blancs, il est tout en angles rudes, barrés par une bouche garnit de crocs et percé, en guise d'yeux, de deux troues abyssale où brillent de petites pupilles incandescentes.

Il abaisse paresseusement son regard vers Keigo, à genoux, avant d'esquisser un sourire de fauve.

« Cesse tes courbettes, saleté de piaf. »

C'est une terrifiante voix grondante, comme une armée en pleine charge, qui coule de sa gorge.

L'homme-ailé se redresse, quoique toujours légèrement incliné, tandis qu'il demande :

« Que nous vaut cette visite ? »

« Cela fait quelque temps que je suis vos petites histoires. J'ai simplement pensé que c'était le moment d'intervenir. »

Il relève ses pupilles de feux vers Denki, qui se dresse toujours devant moi, comme pour me protéger.

« File lui la fille. »

L'Oni avale sa salive, avant de rétorquer durement : « Pourquoi ? »

« Pourquoi ? Parce que je te l'ordonne. » ricane le dieu, haussant ses énormes épaules.

« Tu ne fais rien pour rien. Pourquoi ? »

« Ahahah, Denki ! Réfléchis donc ! À ton avis, que va faire le petit Katsuki, quand il va apprendre que sa protégée n'est plus ici ? Et, qui plus est, qu'elle est chez son vieux rival ? » Il passe une langue râpeuse sur ses grosses lèvres cloquées, pendant qu'il poursuit avec gourmandise, « Le conflit... la dispute... la guerre ! J'ai si hâte... »

J'ai alors la surprise de voir les épaules du blond tressauter de... rire ?!

« La guerre ? Mais... tu rêves ! Pourquoi penses-tu que les Rois sont toujours qualifiés d'amis ?! Mais parce qu'ils ont vécu bien trop de choses ensemble pour ne serait-ce que se discuter ! Ok, ces deux-là cultivaient une forme de rivalité, mais ils ont bien trop de respect et d'affection, l'un pour l'autre, pour faire ce que tu crois ! Sans compter que les Rois sont tous de forces égal... »

« Denki... » prévient le dieu, ses épais sourcils se fronçant sous la contrariété. Mais l'Oni persiste dans sa lancé :

« J'ai participé à la transformation de mes amis ! Je t'ai obéi quand tu m'as ordonné d'entretenir la rage d'Eijiro ! J'ai même accepté de freiner les communications entre lui et Katsuki ! Son compagnon d'armes favori ! Mais là... c'est juste complètement stupide ce que tu me demandes ! Je... »

Le dieu le pointe alors de son index, ce qui fait aussitôt s'effondrer à terre le pauvre Denki, le souffle court !

« Ne profite pas trop de ma patience. Tu es mort au combat. Temps que tu seras sur un champ de bataille, il n'appartiendra qu'à moi de me rappeler que tu n'aurais jamais dû te relever. » articule le dieu, avant d'ajouter vicieusement, « Or, je te rappelle que ces montagnes ont été le théâtre de guerres territoriales pendant des siècles ! »

Il baisse enfin le doigt, laissant le blond reprendre une respiration de ressuscité, alors qu'il conclut dans un rictus cruel :

« Et puis, il serait dommage que je doive priver Eijiro de son amant adoré, n'est-ce pas ? C'est pour toi qu'il a achevé sa transformation en Roi, après tout. »

Il fait alors un geste à l'intention de Keigo, qui avait tout observé sans réagir. Un geste dans ma direction. Comme s'il m'offrait à l'Homme-ailé !

Puis il disparaît comme il est venu, ramenant l'esplanade à son état initial.

Keigo s'approche à pas lent de moi, ignorant un Denki à terre qui le foudroie du regard, m'avalant dans sa large ombre.

Arrivé à ma hauteur, il se penche pour me chuchoter mielleusement : « Je te laisse le choix... Tu m'accompagnes de ta propre volonté ? Ou dois-je t'emporter par la force ? »


*

Eijiro et Katsuki arrivent en vue de la capitale, quand le Roi de la Colère lève les yeux vers le ciel.

« Tiens ? Il s'en va lui ? »

Son comparse met sa main en visière, pour observer à son tour.

« C'est Keigo ? Qu'est-ce qu'il foutait chez toi ? »

« Je ne sais plus trop... Cela fait quelques jours qu'il me tannait à propos d'un truc soi-disant important... »

« Mouais. Content qu'il se barre. Je n'ai jamais pu le saquer... »

« ...C'est moi où il a quelque chose sous le bras ? On dirait quelqu'un... »

Le Bestial n'a pas l'occasion de répondre, car une odeur qui lui est bien connue vient de lui arriver.

Il tourne un regard furibond vers le haut du chemin, où il découvre Tsuyu, suivi d'Eri, qui court à leur rencontre !

« Toi... » commence-t-il à gronder, sa rage affluant.

Mais elle ne lui laisse pas le temps d'en dire plus.

« Votre majesté ! Keigo vient d'emporter Ochaco ! »

Si Katsuki avait été sur son territoire, la nature en personne aurait hurlé à l'unisson avec lui !

Mais puisque ce n'était pas le cas, il éructa par lui-même un retentissant : « QUOI ?! », qui fit s'évanouir sa sujette, trop réceptive à son aura.

« Et merde. Il ne manquait plus que ça. » Commente Eijiro.

L'ère des maudits - 2 - le Roi de la colèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant