Chapitre 6 : en recherche de pardons

29 6 0
                                    

Après de mornes terres mortes, des ruines abandonnées, et des chemins tortueux serpentant parmi des falaises, c'est au tour d'un nouveau paysage de s'offrir à nous : celle d'une ville en fête, que les humains parcourent joyeusement, au milieu des maisons de bois colorés qui se mêlent aux cerisiers en fleurs !

Bien que la nuit ait enveloppé de son sombre manteau les montagnes, l'obscurité ne règne aucunement en ces lieux : outre la lueur de la lune au-dessus de nous, des lanternes orangées brillent de partout. Que ce soit au mur des maisons, sur des bornes aux intersections, ou à des fils tendus entre des poteaux, comme pour imiter des étoiles...

Les gens rient, discutent, chantent, échangent des accolades, boivent ensemble, exhibent des marchandises ou les offrandes qu'ils ont apportées (bien que j'en ignore encore et toujours la raison d'être) ...

Chacune des formes de vies présentes respire simplement la joie d'être là !

Pour l'instant, Tsuyu et moi restons à proximité du Vazours, dans un coin à l'écart, où toutes les montures et autres créatures sont parquées... Nous hésitons.

Je peste entre mes dents :

« J'ai eu beau tenter de tendre l'oreille, je n'ai rien appris sur ce festival... Ils ne fêtent certainement pas que le solstice, quand même ! »

Mon amie, quant à elle, marmonne sans interruption, visiblement perdue dans ses pensées.

Quand elle émerge enfin, sa mine est grave.

« Je me suis efforcé de me remémorer tout ce que j'ai pu apprendre sur ce territoire, grâce à mon réseau, mais... niet ! »

« C'est bien ce qui me semblait : vous n'êtes pas d'ici. »

Nous sursautons à l'unisson, alors que nous cherchons l'origine de cette voix féminine...

« Levez les yeux, idiotes. »

Perchée sur le dos de l'ours noir et blanc de l'homme que nous avions rencontré à l'aller, la fille de celui-ci se tient, assise en tailleur, un demi-sourire sardonique et un regard ironique braqué sur nous.

« Vous êtes, mais TELLEMENT pas discrètes... c'est impressionnant ! »

Elle se laisse glisser au sol à côté de nous, tout en souplesse.

La légère armure qu'elle porte me fait froncer les sourcils. C'est complètement différent des tenues que nous avons observées depuis nos débuts dans ces montagnes.

« ...Kyoka, c'est bien ça ? »

Demande ma camarade, l'air aussi soupçonneuse que moi.

L'intéressée acquiesce.

« Exact. Et vous, Ochaco et Tsuyu ? »

C'est à notre tour de hocher la tête, quoique plus doucement.

« Eh bien, si vous ne voulez pas finir par attirer l'attention d'un Oni, je vous encourage à vous joindre à la foule ! Vous venez ? Je vais vous expliquer deux ou trois trucs si vous avez l'intention de survivre ici. »

Nous laissons notre monture patauger dans un plan d'eau voisin aux enclos, puis nous emboitons le pas à notre nouvelle guide improvisée.

Maintenant que nous progressons à travers le peuple du Roi et que je peux les observer de plus près, je comprends un peu mieux les paroles prononcées plus tôt par Kyoka : appuyé à un mur à l'écart, s'intéressant mollement à un étal, immobile comme une statue dans l'ombre d'un arbre, ou au contraire marchant au beau milieu de la foule, des hommes et des femmes peuvent être entraperçus, leurs fronts ornés de cornes plus ou moins épaisses.

Les Onis sont là, silencieux, mais attentifs, scrutant les passants, qui s'écartent d'eux avec malaise.

S'ils ne paraissent pas menaçants, il ne fait aucun doute qu'ils sont, et ont conscience d'être, les maîtres des lieux.

Enfin, notre guide nous fait nous arrêter à trois mètres d'une estrade sur laquelle, petit à petit, les offrandes des humains sont déposées.

« Chance ou malchance, vous êtes arrivé ici pour le solstice d'été... »

Kyoka se tourne vers nous.

« Vous n'avez réellement aucune idée de l'évènement dans lequel vous êtes tombés ? »

Elle ne nous laisse pas l'opportunité de lui répondre.

« Ces offrandes sont l'incarnation la plus palpable de la chaîne qui nous relie à notre passé... Elles sont là pour nous permettre de mendier le pardon du Roi de la Colère. »


*

Avec le soleil qui finit de disparaître dans son dos, le dénommé Denki saute de rocher en rocher, de plus en plus haut, sans effort, la petite Eri toujours accrochée à ses épaules

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

Avec le soleil qui finit de disparaître dans son dos, le dénommé Denki saute de rocher en rocher, de plus en plus haut, sans effort, la petite Eri toujours accrochée à ses épaules.

Au fur et à mesure qu'ils montent, le temps s'assombrit, alors qu'ils sortent de la zone protégée, pour passer à la partie volcanique des montagnes, où le château du Roi de la Colère se dresse au milieu des fumerolles.

Enfin, ils arrivent au sommet.

La jeune fille descend des épaules de son aîné, tandis que celui-ci laisse tomber la forme humaine qu'il avait adoptée pour ne pas effrayer la foule, au profil de sa plus puissante vraie apparence.

Le duo s'avance ainsi sur le chemin de briques brunes, bordé de lave, sans se préoccuper de la chaleur produite par celles-ci.

Une fois la porte passée et quelques couloirs traversés, ils pénètrent dans la salle du trône.

Là, au centre de l'imposante pièce, le Roi de la Colère somnole, écroulé dans son siège.

« Il est vraiment sortit de son lit juste pour venir se rendormir ici ? » questionne ironiquement la petite Oni.

Un chifoumi effectué avec sa cadette plus tard, le blond va à la rencontre de son souverain, qu'il secoue doucement par l'épaule.

« Cris lui dans l'oreille. Moi je l'ai réveillé comme ça, la dernière fois. » Suggère la jeune fille, devant l'absence de réaction du Roi.

« Et provoqué une éruption, surtout... Mais qu'est-ce qu'on a raté dans ton éducation, sérieusement ? » Lui répond Denki sans s'arrêter de secouer l'épaule du dangereux endormi.

Un grondement de gorge semblable à celui d'un fauve commence petit à petit à se faire entendre, tandis que le souverain émerge enfin du monde des rêves.

Sa bouche pleine de crocs s'entrouvre, alors qu'il demande d'une voix encore somnolente :

« Hein ? ...Quoi ? Ah... Denki ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

« On est le jour du solstice, tu te souviens ? Ce soir, c'est le festival. »

« Ah, oui, oui, c'est vrai... »

Il déplie son corps tout en muscle pour se relever.

« Alors, allons-y. J'ai des gens à pardonner. »

L'ère des maudits - 2 - le Roi de la colèreWhere stories live. Discover now