Chapitre 13 : convaincre

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Tsuyu considère la dénommée Hannya d'un œil critique.

En dépit de sa taille d'enfant ainsi que de sa voix douce et posée, elle ressemble bien plus à l'image que l'on pourrait se faire d'une rebelle.

« Sans vouloir être indiscrète, pourquoi ce masque ? »

À côté d'elle, Kyoka se tend , probablement choquée de ce manque de respect envers son idole, mais Tsuyu l'ignore, ses grands yeux fixés dans les trous noirs et inexpressifs du masque d'Hannya.

Mais celle-ci ne semble aucunement s'en offusquer.

« Je lutte contre des Onis. Or l'un des meilleurs moyens de lutter contre quelqu'un, c'est de réfléchir à sa manière de penser, en se mettant à sa place. Donc je porte les traits de mes adversaires. »

Sur ces mots, elle fixe la fille-grenouille, comme pour juger de sa réaction. 

Face à ce regard déstabilisant, celle-ci finit par concéder : « Je vois... Je suppose que ça a du sens. »

Kyoka les interrompt là-dessus :

« Hannya... J'ai dit à mon père que je rentrerai dans la soirée... Est-ce que je peux vite te mettre au courant de la situation ? »

« Tu sembles bien agitée... Je t'en prie, parle ! »

Elle lui fait aussitôt part d'absolument tout ce que Tsuyu a accepté de lui dire.

La cheffe des rebelles l'écoute attentivement, aussi immobile qu'une statue de pierre, effet qui se trouve renforcé par son masque métallique.

Quand l'adolescente termine, Hannya lui fait signe qu'elle peut partir, ce qu'elle s'empresse de faire.

Une fois la jeune fille loin, Hannya reporte son regard sur Tsuyu, avant de l'entraîner jusqu'à une salle adjacente, coupée du bruit de la pièce principal.

Là, se trouve une peinture des montagnes, vers laquelle la cheffe des rebelles lève la tête, comme si elle était en contemplation...

« Ces hauteurs sont particulièrement déconnectées du reste du monde... Presque hors du temps... Aussi nous savons très peu de ce qui se passe dans les autres territoires. Et nous sommes d'autant plus portés sur l'autonomie excessive, l'isolationnisme et la méfiance des étrangers. »

La fille-grenouille écoute cette tirade, sans savoir où son interlocutrice veut en venir.

« C'est pourquoi il va t'être difficile de te faire accepter et écouter ici, en as-tu conscience ? »

« Eh bien... Kyoka et vous m'avez paru bien ouvertes à m'écouter, pourtant... »

« Kyoka a encore la chance de jouir de l'ouverture d'esprit de la jeunesse, tandis que moi j'ai celle de l'ancienneté et de l'expérience. Je suis prête à entendre et écouter absolument chaque voix. »

« Vous parlez comme une personne âgée... Mais vous n'avez pas l'air si vieille que ça... »

Hannya émet un petit rire amusé.

« Tu ne dirais pas ça sans mon masque, crois-moi. »

Puis, sans laisser le temps à la jeune fille de réfléchir à ces paroles, elle se retourne et claque dans ses mains !

« Bien ! Dis-moi tout ! Explique-moi plus précisément les raisons de ta présence ici avec ton amie ! Choisis bien tes mots : le sauvetage de celle-ci pourrait dépendre de ta capacité à me convaincre. »


*

Le Roi de la Colère n'a toujours pas bougé, quand son regard se fait soudain vitreux, tandis qu'il demande doucement :

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Denki fronce les sourcils. Il n'a jamais vu un tel phénomène...

« Moi ? »

Mais son Roi l'ignore, reprenant :

« ...Oui, mais aussi je suis content de te revoir, mais tu ne m'as pas répondu... »

Son expression se fait perplexe.

« Ce qui est à toi ? »

Nouveau silence.

On dirait une conversation...

« Quelle fille ? »

Denki se fige. Il pense avoir deviné avec qui son souverain parle et il n'aime pas la tournure que prend cette étrange discussion.

« ...Je suis désolé, mais tu n'as pas le droit d'être ici. C'est chez moi. »

Le corps du Roi se crispe, comme sur la défensive.

« Navré vieux frère, mais je ne peux pas faire ça. La première fois ne t'a pas suffi ? Elle... »

Il s'interrompt.

« Ce n'est pas... »

Une secousse travers le sol, conséquence de l'agitation du volcan qui est lié aux sentiments du Roi.

« C'est... Nan, c'est impossible... Combien de temps s'est-il écoulé ? »

Denki gifle son souverain sans prévenir.

Le coup réveille brutalement celui-ci !

« Qu... quoi ? »

Le blond agrippe le Roi par l'épaule.

« Eijiro écoute moi bien : la guerre contre les humains existe toujours et c'est sa faute à ELLE, tu te rappelles ? »

« Ou... Oui... Mais... Je... Il... »

« Je ne sais pas ce qu'il t'a dit, mais il ne doit pas te faire douter : peu importe la manière, la guerre doit continuer à vivre, tu te souviens ? »

« Oui... Peu importe la forme ou la manière... La guerre doit vivre. Oui... oui... »

Presque comme un somnambule, il affirme sa prise son kanabō, puis quitte la pièce.

L'Oni blond l'observe s'éloigner.

Puis une fois sûr d'être seul, il s'autorise enfin à fondre en larmes.

« Pardon... Eijiro... Pardon... ...Toi... tu es un enfoiré, tu le sais, ça ?! »

La présence, qui était brièvement apparue pour lui tapoter avec satisfaction l'épaule, s'estompe aussitôt dans un ricanement rauque.

« ...Il faut qu'elle parte... Le plus vite possible... Non... Maintenant. »

L'ère des maudits - 2 - le Roi de la colèreWhere stories live. Discover now