13/ Ne pas pouvoir échapper aux Malatesta

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– Je suis tellement désolé. Céleste ! Pardonne-moi... j'ai été un vero cretino, hier soir... J'avais bu un truc...

– Plusieurs trucs, tu veux dire ! dit Céleste de l'autre côté de sa porte de chambre.

Elle a carrément refusé de lui ouvrir quand il est venu s'excuser. La jeune femme entend quelqu'un murmurer. Sans doute Pia lui donne-t-elle des conseils ? C'est son frère, après tout. Et elle regrette que leur amitié se ternisse à cause de cette fin de soirée désastreuse.

– Allez, basta cosi, vous deux ! Laissez-là tranquille !

Si Gianna s'en mêle, c'est que l'affaire lui parait suffisamment grave pour nécessiter son intervention.

– Allez, piccolina, ouvre maintenant.

– Nonna Gianna, je suis encore très en colère contre Giù, commence Céleste en laissant entrer la vieille dame.

– Bah ! Je sais ! Che cavolo ! Il ne tient pas l'alcool ! Il le sait ! Hein ! Mais pas moyen ! Faut qu'il fasse l'idiot ! Et devant ses frères ! Enfin ! Surtout devant le grand ! Ce week-end, ça va pas être la fête pour lui ! Tu peux me croire !

– Je fais quoi, moi, avec toute cette histoire ! La soirée avait si bien commencé...

– Bah ! Tu mets un mouchoir dessus !

– J'oublie ?

– Non. Tu n'oublies pas ! La leçon doit être retenue ! Sinon, il recommencera. Tu sais maintenant ce qui peut arriver. Je te fais confiance pour éviter le pire avec lui. Mais il t'aime bien, tu sais. Et je sais que toi aussi, tu l'aimes bien.

– C'est vrai. Je m'entends bien avec lui. Et avec Pia et Battista aussi.

– Mais pas avec le grand.

– Galeazzo... il est si... énervant ! dit-elle en grimaçant.

– Demande-toi s'il a eu le choix.

– Le choix de quoi ?

– D'être comme il est.

Céleste penche sa tête de côté. C'est un tic qu'elle a quand une question lui demande une réflexion plus approfondie. Elle ne connaît pas assez les Malatesta pour pouvoir répondre.

– Je te laisse...

Gianna ouvre la porte et fait tomber ses deux petits enfants qui s'étaient appuyés au battant pour écouter la conversation.

– Ma dai ! Vous avez été élevés par qui ? s'écrie la nonna en levant ses mains vers le ciel.

– Par toi, nonna ! fait Giù en souriant, tandis que Pia se jette dans les bras de Céleste pour se faire pardonner.

Pour une fois, son frère n'en profite pas pour faire de même. Il se tient encore sur le pas de la porte, l'air penaud.

– Allez ! Dai ! Viens stupido ! Tu n'as pas intérêt à me la refaire celle-là !

– Jamais ! Promis ! Juré ! Jamais ! s'exclame Giuseppe en sautant au cou de la jeune femme.


La nuit a été courte et chargée en émotions. La matinée n'a pas été moins mouvementée. Céleste espère sa journée moins foisonnante en surprises désagréables ou non. Elle commence malheureusement par ne pas trouver de place à la bibliothèque. À croire que tous les étudiants ont pris de bonnes résolutions et se sont tous levés à l'aube pour travailler !

Elle se rabat donc sur les archives municipales, qui elles, sont beaucoup moins sollicitées puisqu'on n'y a accès que sur autorisation. Autorisation qu'elle possède puisqu'elle doit y consulter des manuscrits et autres documents médiévaux régulièrement.

Mais là encore, de nouveau, une déconvenue l'attend. Sa table habituelle a été réquisitionnée par une élève architecte pour disposer des plans. Elle doit se rabattre sur une petite table mal éclairée dans un coin de la salle de travail. Elle s'attelle à un lot de lettres particulièrement difficiles à déchiffrer. Mais elle n'arrive pas à se concentrer. La question de nonna Gianna tourne dans sa tête. Pour quelle raison Céleste tient-elle tant à trouver la réponse ? Elle n'apprécie pas Galeazzo. Peu lui importe les raisons de son comportement en général.

À la fin de la matinée, n'ayant réussi à rien de satisfaisant, elle sort et décide d'aller se balader. Ça participe aussi à son travail d'étudiante, puisque le cœur de la ville est encore cette magnifique cité médiévale dont elle étudie l'histoire. Il n'est pas difficile d'imaginer ce qu'elle a appris dans les livres. Et là, au détour d'une rue, elle s'arrête net.

Sur un petit carré de pelouse, entre deux rues étroites, un adolescent s'exerce à lancer un drapeau. Céleste reste là à le regarder faire pendant un long moment. Il est doué. Il rate peu. Il doit s'entraîner pour une quelconque fête de quartier ou pour le Palio.

– Ça ne se fait pas d'encourager une contrada ennemie... à moins que tu ne l'espionnes pour lui voler ses secrets !

Céleste se retourne brusquement pour se retrouver nez à nez avec Giambattista Malatesta.

– Alors, ça ! Il y a, quoi ? Des milliers de gens dans cette ville, et je tombe encore sur un Malatesta !

– On dirait que ça ne te fait pas plaisir ? Et j'y suis pour rien si Giù est un cavolo !

– Mais si, ça me fait plaisir ! Mais reconnaît que la coïncidence est étrange !

– Bah ! Tu es dans le quartier de mon lycée. Je devrais me demander si c'est toi qui ne nous poursuis pas !

Céleste éclate de rire. Autant pour elle ! Le hasard est juste étonnant parfois.

– Tu m'accompagnes ?

– Où vas-tu ?

– Je rentre.

Romance à l'italienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant