46/ De Charybde en Scylla

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– Mlle Melville ? Aurais-je oublié que vous étiez invitée ?

Céleste se retourne lentement vers Alessandro Malatesta en camouflant sous une serviette en papier, le petit four qu'elle s'apprêtait à avaler. Le rouge lui est monté aux joues, lui donnant un air charmant.

– Je suis désol...

– Papà ! Tu ne vas pas commencer à embêter Céleste ! Elle est venue sur mon invitation et sur les injonctions de nonna Gianna, comme Petrus ! Et elle ne te dérangera pas. Tu le sais très bien. En plus, je crois que tu lui dois des excuses.

Céleste et Alessandro réagissent en même temps.

– Olimpia, je t'en prie, n'en rajoute pas...

– Pia, ma fille. Tu devrais mesurer tes paroles. Tu as peut-être 21 ans, mais je suis toujours responsable de tes dépenses...

– Tu me couperais les vivres parce que tu n'apprécies pas une de mes amies !!! Papà ! Tu ne trouves pas que c'est toi qui exagères...

– Je crois que cette conversation devrait soit s'arrêter là, soit se poursuivre ailleurs, dit alors une voix près d'eux.

La discussion entre le père et la fille, bien que très calme et à voix murmurante, n'a pas échappée à certains convives qui observent d'un air interrogateur.

– Tu as raison Galeazzo. Ça n'est pas le moment. Mlle Melville, profitez bien de cette soirée. Quant à toi, Pia, je veux te voir dès demain à mon bureau. Seule.

Sur ces paroles, Alessandro tourne les talons pour s'occuper de ses invités.

Pour détendre l'atmosphère, Petrus propose à Pia de valser comme d'autres couples le font déjà avec virtuosité sur la piste de danse au centre de la pièce. Étonnée, la jeune italienne se laisse entraîner, laissant son aîné et Céleste seuls près du buffet.

– Je vois que vous avez fait un effort vestimentaire tout particulier ce soir, Mlle Melville. Tout en discrétion et finesse, dit alors Galeazzo à Céleste avec un petit sourire moqueur.

– Toujours aussi charmant ! s'exclame-t-elle à voix basse. Inutile de faire tant d'efforts pour moi, M. Malatesta. Vous feriez mieux de rejoindre la reine de la savane qui vous tient chaud depuis le début de la soirée, finit-elle en s'éloignant vers les portes-fenêtres donnant sur le jardin.

Car, oui, contrairement à Galeazzo, Céleste a vu l'aînée des Malatesta dès qu'elle est entrée dans la salle de réception du palazzo. Et elle avait constaté avec amertume qu'il avait une femme à son bras. Une très belle femme, sûre de son pouvoir de séduction et de ce que serait sa fin de soirée si elle s'y prenait bien.


Céleste est furieuse. Une fois de plus, Alessandro et Galeazzo ont réussi à la mettre en colère ! Ils lui gâchent sa soirée ! Elle ne peut même pas se réfugier auprès de Giuseppe pour alléger sa peine. Il est collé à Sofia. Elle ne se voit pas en cinquième roue du carrosse.

Dès qu'elle est dehors, elle regrette son manteau. D'un autre côté, le froid sec lui fait du bien. Elle s'appuie à la rambarde de la terrasse, choisissant un coin d'ombre épais pour être tranquille, au cas où d'autres auraient la même idée qu'elle.

Pourquoi est-elle venue ? Elle s'est laissée convaincre par Pia, Giù et Gianna. Mais elle le regrette maintenant. Surtout si cela doit avoir pour conséquence une décision aussi grave que la fin d'une abondance pécuniaire pour son amie. Elle aurait aimé discuter avec Gianna. Comprendre son insistance à l'amener ici. La nonna est parfois très étrange avec elle.

– Ah ! Vous êtes là. J'ai cru que vous alliez encore vous enfuir à pied et sans manteau.

Galeazzo se tient sur la terrasse à moins de deux mètres d'elle. Il est seul. Instinctivement, elle recule jusqu'à toucher la rambarde est. Un bref instant, elle envisage de bondir vers la porte-fenêtre la plus proche, mais à quoi cela aurait-il rimé ? Galeazzo Malatesta n'est pas une menace. Il est seulement désagréable avec elle. Et elle en a pris son parti. Elle est capable de l'être également. Elle l'a prouvé à plusieurs reprises.

– Je prenais l'air. C'est interdit ?

– Reconnaissez que mon hypothèse se tenait.

– Très bien. Je le reconnais M. Malatesta. Et maintenant que vous avez pu voir que je ne suis pas en train de m'enfuir, vous pouvez retourner à vos occupations et à vos convives.

– Pourquoi êtes-vous toujours aussi agressive envers moi, Mlle Melville ?

– Pourquoi êtes-vous toujours aussi désagréable, M. Malatesta ?

– Je crois que j'aime bien vous mettre en colère, dit-il en se rapprochant dangereusement.

Romance à l'italienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant