37/ Le premier piège de nonna

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Gianna est rentrée tôt avec tout un tas de bonnes choses à manger. Céleste s'est jetée dessus comme la misère sur le pauvre monde. Elle n'a presque rien avalé de consistant la veille. Le plat de biscotti laissé à son intention est quasiment intact.

La nonna lui a raconté brièvement la soirée, y compris le mélodrame autour de Francesca. Elle s'abstient cependant de relater les conversations intimes des Malatesta.

Gianna scrute la jeune française avec acuité. Elle a noté son haussement de sourcil à l'évocation de Francesca. Le petit pli de contrariété qui apparaît quand elle décrit la scène dans la bibliothèque. Le petit sourire amusé quand elle arrive au moment où Azzo envoie balader son père et Francesca.

La vieille italienne est satisfaite. Elle ne s'est pas trompée. Reste maintenant à arriver à mettre ces deux-là dans une situation favorable. Et justement, elle a une idée. Olimpia et Giuseppe ne reviendront que le lendemain, leur père voulant les garder auprès de lui encore une journée. Elle a donc une fenêtre de tir limitée, mais suffisante.


Azzo est debout devant la porte de l'immeuble. Ses bottes enfoncées dans la neige qui subsiste en certains endroits ombragés. Combien de fois a-t-il gravi les marches jusqu'au 3ème étage pour retrouver Gianna et son amour un peu sec qui remet toujours les idées en place ?

Après la mort de Fausta, Galeazzo avait pensé devoir grandir plus vite. Mais sa grand-mère lui avait montré qu'il était lui-même un enfant. Que son rôle n'était pas de s'occuper de ses frères et sœur, mais de les guider en montrant l'exemple. Il avait pris cette tâche très au sérieux. Comme tout le reste. Gianna avait toujours été une figure importante dans sa vie. Un point d'ancrage nécessaire.... Même si parfois elle parlait de manière énigmatique et le laissait dans le flou. Comme la veille.

Nonna Gianna lui a demandé de venir la chercher à une heure un peu tardive. Elle a juste sous-entendu que sa dernière locataire serait sortie, qu'il pouvait donc monter sans crainte.

À ces mots, il avait tiqué. Pourquoi aurait-il craint de se retrouver en présence de Céleste Melville ? Il n'a pas peur d'elle. Elle éveille bien des choses en lui, mais pas la peur. Certainement pas la peur. La contrariété oui, pour une raison qu'il ne veut pas élucider pour le moment. Tout est trop confus.

Il a besoin de temps. Et puis, il a promis de ne plus jamais interférer dans la vie de la française, et elle lui a bien fait comprendre que c'était exactement ce qu'elle souhaitait.

Il n'a pas peur de Céleste Melville. Elle n'existe simplement plus dans son avenir proche ou lointain, quoi qu'en pense certains membres de sa famille. Et quand bien même, cette perspective provoque chez lui une colère encore plus grande que celle qu'il ressent parfois en sa présence.


Il entre dans l'appartement et file directement à la cuisine, royaume incontesté et incontestable de sa grand-mère. Il la trouve vide. Il s'arrête un instant pour inspecter les plats sur la table. Tout est prêt à partir, recouvert de film plastique, sauf un qui a juste été mis de côté avec un simple couvercle. Il se doute de la destinataire de cette portion gargantuesque. Galeazzo sourit en pensant au cœur immense de sa grand-mère.

Il prélève un morceau de pane frais dans l'assiette de Céleste et passe au salon. Personne.

L'inquiétude commence à s'agiter en lui. Nonna n'est plus toute jeune. Un accident est vite arrivé. Elle n'aurait quand même pas osé l'abandonner maintenant ? Mourir à noël aurait été une faute de goût plus que discutable !

Il passe dans sa chambre. Vide. Et ce silence... Maintenant, il est vraiment inquiet.

Il passe dans toutes les pièces de l'appartement principal.

Puis il se souvient que nonna a l'habitude de faire le ménage dans les chambres de ses locataires. Il s'engage dans le couloir silencieux et tente d'ouvrir les portes les unes après les autres.

Les deux premières sont fermées à clé. Salles de bains vides. La troisième chambre s'ouvre sur le royaume d'Olimpia. Il n'entre même pas. Si Gianna avait été là, il l'aurait vue.

Il s'arrête un bref instant devant la quatrième. Celle de Céleste. Il ne sait pas comment il sait que c'est la sienne, mais il sait. Il connaît cette chambre. C'est celle qui lui correspond le plus.

Il lui semble entendre un gémissement.

Gianna !

Romance à l'italienneWhere stories live. Discover now