43 / Être têtu comme une mule

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– Tu le connais ? demande Cesarina dès qu'elle se retrouve seule avec Céleste.

– Oui. Malheureusement.

– Pourquoi, malheureusement ? C'est un bon patron, tu sais.

– Je n'en doute pas. Mais... c'est compliqué.

– Bah ! Rien de compliqué. S'il te trouve à son goût, n'hésite pas ! Un bel homme comme ça, ça se refuse pas !

– Cesarina ! dit Céleste en souriant. Il ne s'agit pas de ça du tout ! Nous nous détestons ! Je suis la meilleure amie de sa sœur et de son frère. Et il n'apprécie pas !

– Ah ! Je ne l'aurais pas cru comme ça !

– Bah ! C'est pas grave ! C'est juste que j'ignorais que je travaillais pour lui, en fait.

– Et ça change quelque chose ?

À bien y réfléchir. Non. Ça ne change rien. Céleste a besoin de ce travail. Elle espère juste que Galeazzo Malatesta ne va pas intervenir pour qu'elle soit virer. Bon, après leur dernier échange, il ne sont plus en si mauvais termes. Et puis, elle a accepté les cadeaux... Céleste soupire. Elle déteste déjà cette situation. Ah ! Porca miseria ! C'est encore pire qu'elle ne le pensait ! Elle a bien accepté les cadeaux, et en plus, elle travaille pour lui !

Malgré la confusion dans ses pensées, Céleste doit rapidement se focaliser sur les taches qu'on lui a assignées. L'après-midi passe vite, mais elle réussissent à finir à l'heure. Elles se quittent devant les portes de l'entrée de service en se souhaitant de bonnes fêtes de fin d'année. Elles portent toutes le foulard offert par la française sur leur uniforme si terne de femmes de ménage. Cesarina glisse une petite boite dans la main de Céleste au moment de partir et l'embrasse.

– Prends soin de toi, piccia. Et surtout haut les cœur !

Céleste attend qu'elle soit toutes parties pour ouvrir la boite. Une petite broche ravissante en forme de chat noir endormi l'attend, posée sur un petit morceau de velours pourpre. Céleste accroche immédiatement son cadeau au revers de son manteau et quitte l'entrée de service pour rentrer à l'appartement. Elle aime bien marcher dans la ville, le soir. Elle aime observer les visages des autres. Elle imagine mille vies.

– Je vous raccompagne ?

« Cazzo ! Pourquoi fait-il ça ? »

Céleste se tourne vers Galeazzo. Manifestement, il l'attend depuis un moment. Plusieurs mégots sont écrasés dans le cendrier extérieur de la porte principale. Cendrier qu'elles ont nettoyé ce matin.

– Vous devez être fatigué. Vous voulez que je vous ramène en voiture ?

Céleste éclate de rire.

– En voiture ? Mais... ce serait totalement stupide et beaucoup plus long... je ne suis pas une petite vieille ! Et une journée de travail n'empêche pas de marcher... alors, non. Non au deux, en fait.

– Pardon ?

– Non, je ne veux pas que vous me rameniez en voiture. Et non, je ne veux pas que vous me raccompagniez tout court.

Galeazzo fronce les sourcils. Il a été poli et même plutôt gentil. Pourquoi le prend-elle comme ça ? Il s'est approché. Il voit que si ses paroles ont été dites avec légèreté, elle est très sérieuse. Elle semble contrariée.

– Je voulais juste être...

– Serviable ? Bien. C'est bien. Vous avez été serviable. Mais vous êtes mon patron... en plus d'être... enfin...bon, vous voyez...donc...

– Non, je ne vois pas.

– Pardon ?

– Non, je ne vois pas où est le problème. Nous ne sommes plus au 19ème siècle. Par ailleurs, je ne suis pas vraiment votre patron. J'emploie la société qui vous a embauchée, nuance. Sans compter que je vous connais par ailleurs.

– Pourquoi faites-vous ça ?

– Quoi ?

– Ça ! Tenter d'être sympa avec moi ! Nous savons tous les deux que nous... nous ne nous entendons pas ! Pourquoi faites vous ça ! Cazzo! Je ne vous ai rien demandé ! J'ai accepté vos putains de cadeaux ! C'est pas assez ! Votre conscience est encore travaillée par le fait que je sois la « pauvre » française amie de vos frères et sœur ? lui lance-t-elle d'une voix grave presque grondante.

– Mais ça n'a rien à voir ! s'exclame-t-il.

Quelques personnes les regardent en passant, mais peu leur importe. Ils se font face. Et alors qu'ils s'affrontent du regard, Céleste et Galeazzo sentent grandir quelque chose d'inattendu entre eux. La jeune femme s'écarte brusquement, comme soudain consciente du danger d'être aussi près de lui. Et pas parce qu'il pourrait faire quelque chose d'incongru comme l'embrasser, mais plutôt parce qu'elle pourrait faire quelque chose d'incongru comme accepter ses baisers. Elle tourne les talons et s'enfuit. Une fois de plus, elle concède la victoire à Galeazzo Malatesta.

Romance à l'italienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant