Chapitre 18 : Chase

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Allongé sur mon lit, les bras noués derrière ma tête et une chaude couverture rabattue sur mon corps, je contemple avec une certaine lassitude un pigeon posé à ma fenêtre. Il sautille et de temps à autre regarde autour de lui.

Ce n'est pas intéressant, mais aux aurores, à l'aube d'une nouvelle journée, après une énième nuit à être abattu par le flot sombre de mes pensées, je ne trouve rien d'autre à faire que de regarder ce stupide oiseau pour éviter à mon cerveau de disjoncter.

Je ne dors presque plus, c'est infernal. Il suffit que mes paupières se ferment pour que d'horribles scènes se jouent devant moi, des scènes où rien ne se passe comme prévu, des scènes où Emma n'en sort pas indemne, où Lorenzo crève d'une balle dans la tête et où je me retrouve six pieds sous terre. Dormir m'est devenu insupportable, moi qui ai toujours apprécié une bonne nuit de sommeil.

Toute ma vie, j'ai pensé que mon lit était un refuge, une sorte de sanctuaire où tous mes problèmes n'existaient plus. Parfois, j'attendais le moment de me jeter sur mon lit avec impatience, appréciant sans équivoque le meilleur moment de la journée, retrouver mon cocon et sombrer dans un profond sommeil.

Jamais je n'aurai pensé que ce même lit deviendrait une guillotine, un endroit que je voudrais éviter à tout prix.

C'est fou comme les choses peuvent changer.

Ces derniers jours, j'ai compris que je ne vis plus, je survis. Je me réveille le matin, je pars à la banque, je travaille toute la journée puis je rentre chez moi, conscient que je ne dormirai pas et que je devrai affronter exactement la même journée le lendemain.

Je ne pense plus, je veux simplement que ça s'arrête, que tout redevienne comme avant. Je ne veux plus faire de cauchemars, je ne veux plus être tétanisé au moindre bruit que j'entends, je ne veux plus être au bord du malaise chaque fois que j'entends quelqu'un crier. Je n'en peux plus, je suis fatigué, anéanti et pour peu s'il n'y avait pas Emma ou ma mère, je serai tenté de me laisser mourir.

Mon réveille sonne, me rappelant douloureusement du quotidien infernal qui m'attend.

Le pigeon s'envole, libre et part affronter l'enfer hivernal que représente la ville. Il se fera peut-être dévorer par plus fort que lui aujourd'hui, il reviendra à ma fenêtre s'il est chanceux mais ce monde ici bas est cruel, les faibles gens n'y ont pas de place alors il est très probable que je sois la dernière personne à l'avoir vu en vie. Quelqu'un se souviendra au moins de lui.

Je sors de mon lit à contre cœur et file sous la douche, je ne prends pas la peine de régler la température de l'eau, elle est glaciale, elle pénètre ma peau telle des milliers de petites aiguilles et réveille chaque muscle encore endolori.

C'est le meilleur moyen de commencer une journée.

Je m'habille ensuite, en vitesse puis prends quelques secondes afin d'admirer le reflet peu flatteur que me renvoie mon miroir. Mes cernes auraient eu le mérite d'être plus prononcées que celle de Gaara et c'est peu de le dire. Ma peau est affreusement pâle et mes joues se creusent à mesure que les jours défilent.

Je soupire en nouant ma cravate, parfaitement conscient que je ne suis plus que l'ombre de moi-même, un damné et quelque part, je ne peux pas empêcher une voix mesquine de me dire que je mérite peut-être tout ce qui m'arrive.

Après tout, n'est-ce pas vrai ? J'ai été une horrible personne, un connard fini et j'ai blessé beaucoup de gens autour de moi, je les ai insultés, rabaissés et j'ai fait de leur vie un enfer. Alors pourquoi devrai-je être pardonné ? Si j'avais un physique disgracieux, aurait-ce été different ? Pourquoi mériterai-je de la clémence ?

Je ne suis pas de ces héros de romans à l'eau de rose qui agissaient de la sorte parce qu'ils étaient torturés. Moi, j'aimais simplement exhiber ma supériorité au monde entier, montrer aux autres que j'étais bien au dessus de ce qu'ils seraient, que je pouvais me comporter tel l'ordure que j'étais impunément.

Je ne suis plus cette personne. Cette personne à présent me répugne mais je pourrai la mépriser autant de fois que je le voudrai, elle fera toujours partie intégrante de mon passé. J'ai été cette personne et c'est grâce à cela que je suis l'homme que je suis aujourd'hui. Renier cela ne sert strictement à rien, j'assume les erreurs que j'ai commises même si je ne compte plus jamais les refaire.

On fait des erreurs, on s'en rend compte, on essaie de changer et on avance.

Emma : Comment tu te sens ?

Je souris en lisant le message d'Emma, sentant une chaleur familière se nicher au creux de ma poitrine, enveloppant mon cœur meurtri et malade. Avant, je n'aurai jamais cru qu'elle pourrait me pardonner, j'ai cessé d'y croire mais à présent, elle est peut-être ce peut-être ce petit rayon timide dans un ciel englouti de grisailles.

Chase : Je fais de mon mieux, tu n'as pas à t'inquiéter.

Puis saisi d'une étrange sensation, je décide de lui envoyer un autre message.

Chase : Tu es de garde aujourd'hui ?

Emma : Non.

Chase : Ça te dit de manger un morceau ce soir ?

Je prends une profonde inspiration lorsque je me rends compte de ce que je viens de faire. Je viens de l'inviter à dîner et pour la première fois de ma vie, j'appréhende la réponse. Et si elle refuse ? Et si elle se rend soudainement compte que je ne mérite pas le moins du monde la seconde chance qu'elle accepte de m'offrir ?

Les secondes passent et mon rythme cardiaque augmente à vue d'oeil. J'ai seulement envie de la voir, m'évader. Avec elle, je peux m'autoriser à penser à autre chose même si elle a vécu la même chose que moi.

Elle me comprend, me soutient.

Emma : Viens me chercher à l'hôpital dans ce cas après mon service.

Je souris. Sincèrement. Je suis ravi à l'idée de passer du temps avec elle hors de l'hôpital où je rends visite à Lorenzo presque tous les jours. Ça change un peu.

Aujourd'hui, au bureau, j'ai une raison de sourire. J'attends avec impatience le moment où je me rendrai à l'hôpital.

Pour une fois que j'ai une bonne raison de me réjouir, je ferai en sorte que tout se passe bien car je sais que je n'ai aucun droit à l'erreur.....

Dévoile-moi Tome2Where stories live. Discover now