Chapitre 27 : Emma

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Je suis amoureuse de Chase...

Je me répète ces quelques mots en boucle dans mon esprit torturé tandis qu'assise sur une chaise inconfortable, j'attends que Chase ne daigne se réveiller. 

C'est un bien étrange sentiment qu'est l'amour. Indescriptible mais loué par les âmes passionnées depuis la nuit des temps. Comment aime-t-on quelqu'un ? Est-ce qu'il y a des symptômes à l'amour ?

J'ai mal au cœur quand je suis loin de Chase mais je peux très bien supporter son absence. J'ai envie de le sentir près de moi, tout le temps. J'ai envie que nous soyons encore heureux, nous avons le droit de l'être après toutes les épreuves que nous avons traversées ensemble.

Chase dort. D'après les médecins, nous pourrons regagner le château dans les jours qui suivent, il devra ensuite faire très attention et éviter de prendre l'avion quelques temps. Nous allons donc rester en Espagne encore un peu. J'ai appelé le docteur Ramirez, lui expliquant la situation en détails. Étant donné que le psychologue de l'hôpital qui nous traite, nous, survivants du massacre, a opté en faveur que nous ne reprenions pas du service au moins les six premiers mois, le docteur Ramirez m'a donc donné un mois de plus, à contre cœur, je le sais bien mais je m'en fiche.

Lorenzo entre dans la chambre, pâle comme un mort. Sur son visage se lit l'écrasant poids d'une culpabilité qu'il peine à dissimuler. Il se sent responsable de l'état de son ami et pour être honnête, je suis ravie qu'il pense ainsi. C'est terrible de raisonner de cette façon mais je n'y peux rien. Il faut toujours trouver un coupable pour alléger sa conscience.

Aux yeux de tout le monde Lorenzo est cet homme beau comme un dieu mais immature, creux. Les gens lui reprochent ce qui s'est passé en Afrique, son train de vie de débauche a valu la mort à des dizaines de personnes innocentes. Les ragots affolent la toile, les tabloïds se régalent de cette affaire. Le fils du duc d'Espagne est devenu un paria, une bête de foire, un bouc-émissaire.

Il le sait. Il s'en fiche. Du moins c'est ce qu'il nous fait croire.

— Comment va-t-il ? Questionne-t-il en tirant une chaise pour prendre place à mes côtés.

— Il dort. On pourra rentrer demain normalement.

Il acquiesce, le regard rivé vers son ami de si longue date.

L'amitié de Chase et Lorenzo est bouleversante. Elle transcende les décennies, les époques. Ils ont tout vécu ensemble, ils se connaissent avant de savoir parler. Je ne peux même pas imaginer ce que Lorenzo ressent à cet instant précis.

— Il va s'en sortir, dis-je malgré moi. Ce n'est pas une petite infection de rien du tout qui va le tuer.

Et je le pense. Je suis médecin et bien que parfois, il suffit d'un rien pour qu'une vie s'achève, aujourd'hui, il est hors de question que je pense aux mauvaises surprises que peut réserver une maladie. J'ai vu des gens mourir d'une simple chute. J'ai vu des gens mourir pour un rien.

Mais j'ai également vu des gens terrasser le cancer, j'ai vu des gens se battre contre les statistiques qui ne leur laissaient que quelques vulgaires mois à vivre. Alors Chase s'en sortira, on rentrera en Amérique et nous serons enfin heureux.

— Je m'en veux tellement, souffle-t-il sa tête emprisonnée entre ses doigts.

Ses épaules affaissées lui donnent un air de condamné et les cernes qu'il a sous les yeux laissent penser qu'il n'a pas dormi depuis des mois.

En y réfléchissant c'est peut-être le cas.

Je ne le console pas, je n'en ai pas envie. Il ne le mérite pas. Chase était en sécurité au château, au chaud, loin du froid et de la pluie. C'est Lorenzo qui a insisté afin que nous sortions, puérile, aussi mature qu'une adolescente de treize ans en crise.

Dévoile-moi Tome2Where stories live. Discover now