11🎄 Un Lac de Sérénité

117 29 186
                                    

Le vent matinal lui caressant délicatement les joues, Zoey crispa ses doigts sur son précieux contenant dans une vague tentative pour se protéger de cette agression glaciale. Ses tresses heurtaient ses épaules au rythme de ses foulées alors que son bonnet azur entravait les mouvements de ses cheveux châtains tout en réchauffant ses oreilles. Soufflant dans son épaisse écharpe pour réchauffer le bout de son nez plongé entre les mailles, la jeune femme grimpait la colline avec autant d'empressement que d'appréhension. Au moins, il ne neige pas, songea-t-elle en scrutant de ses yeux plissés les rayons du soleil, lumineux mais dépourvus de chaleur, poindre à l'horizon.

Provoquant un doux craquement à chaque pas, ses pieds s'enfonçaient pourtant dans une épaisse couche blanche, vestige des épais flocons tombés des nuages nocturnes. Les rais dorés de l'astre diurne se reflétaient sur la nappe cotonneuse et nimbaient le paysage d'une vive et pure lueur. Éclatante comme la foudre, tendre comme le chant des oiseaux. L'atmosphère hivernale ne dérangeait pas Zoey, mais le contraste entre le froid environnant et la tiédeur que dégageait son corps sous l'effort picotait désagréablement sa peau sous ses couches de vêtements et irritait sa gorge à chaque respiration. Tel un volcan au cœur de l'Arctique, elle semblait bouillir parmi le gel oppressant. Une coulée de lave aussitôt réfrénée par une vague de glace. Un jet de magma figé par le givre environnant.

Avec la volonté de presser le pas, la jeune femme ralentit au contraire la cadence, ses muscles déjà endoloris par la marche énergique qu'elle effectuait. Provoquant un nuage blanchâtre malgré son écharpe de laine, elle expirait de manière plus bruyante à chaque foulée. Bon sang, on dirait une vieille machine à vapeur, se réprimanda-t-elle, déplorant son manque d'endurance. N'ayant jamais été particulièrement sportive, elle tentait cependant de maintenir un exercice physique régulier et d'intensité faible, s'efforçant ainsi à bouger sans pour autant la dégoûter de la pratique. Cependant, ces derniers mois l'avaient détournée de ses habitudes et elle avait préféré employer son temps à rester auprès de sa famille et au chevet de sa mère. On accordait rarement de l'importance à sa propre santé, lorsque celle de ses proches était menacée.

Vicieuse, la maladie avait frappé sans prémices, foudroyant avec puissance et imprévisibilité pour délivrer un diagnostic irréversible, une sentence au caractère inéluctable. Une issue fatale et irrévocable. Sa mère, victime aléatoire de la faux impitoyable de la Mort, avait accepté avec dignité son sort, refusant de lutter vainement face à une force plus oppressante qu'elle, s'interdisant l'espoir de prolonger sa vie au détriment de la présence de ses proches. Zoey, elle, avait pourtant refusé d'abandonner, s'était insurgée face à la renonciation de la malade, révoltée devant l'injustice de la situation... avant de laisser le désespoir et le chagrin la gagner, brisant les barrages de colère qu'elle avait érigés pour les maintenir à distance. Tout va bien, lui avait alors assuré sa mère en la serrant dans ses bras, comme si elle n'était pas celle qui était à plaindre, maintenant, on peut profiter l'une de l'autre.

Atteignant enfin le sommet de la colline, Zoey poussa un soupir pour exprimer le soulagement avec lequel elle mettait fin à son ascension et repoussa ses sombres souvenirs dans les confins de son esprit. Rechignant à abandonner son fardeau même pendant l'espace de quelques instants seulement, elle entreprit d'étirer ses articulations douloureuses en le pressant fermement contre sa poitrine. Alors qu'elle cambrait son dos et ouvrait ses épaules, la jeune femme ferma les yeux et inspira profondément l'air frais et vivifiant que le vent porta jusqu'à elle, comme une bouffée de courage et de soutien. Un souffle d'espoir et de réconfort. Un accès d'encouragement et de résignation.

Elle n'avait jamais réussi à comprendre comment sa mère avait accepté si sereinement la situation. À sa place, Zoey savait pertinemment qu'elle aurait été abattue, qu'elle aurait crié son indignation au monde entier, qu'elle aurait laissé sa colère éclater contre quiconque. Et dans le dos de la malade, elle avait hurlé, rugi, beuglé, tonitrué jusqu'à s'en arracher la voix pour que l'univers sache à quel point la vie était odieuse. Pourquoi persistait-on à la trouver magnifique alors qu'elle continuait inlassablement à voler les personnes qui nous étaient chères, comme un enfant jaloux dérobe les jouets d'un autre ? Mais maintenant, elle savait. Un éclair de lucidité venait de la frapper, là, alors qu'elle s'enivrait du vent glacial et de la légèreté qu'il lui apportait. Le diagnostic n'avait été qu'une confirmation pour sa mère ; au fond, quelque part, elle avait déjà conscience qu'un dérèglement s'était enclenché dans son corps. Et qu'elle n'en réchapperait pas.

Calendrier de l'Avent 2022 [Terminé]Where stories live. Discover now