17 🎄 Le Bal de Noël

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La musique s'élevait sans retenue dans le gymnase du lycée Saint-John, donnant un rythme effréné aux flocons épais tombant du ciel. Les élèves, apprêtés dans leurs habits élégants, baissaient la tête pour éviter de leur mieux les intempéries en s'en protégeant de leur manteau. Certains glissaient leur écharpe sur leurs cheveux afin de couvrir leur coiffure alors que d'autres gardaient leur bras au-dessus de leur visage pour conserver un maquillage immaculé. Depuis le siège passager de la voiture, Alicia observait ses camarades s'agglutiner à l'entrée de la salle comme des guêpes sur un morceau de viande et soupira, provoquant un nuage de buée sur la vitre.

La jeune fille était en réalité mal placée pour les critiquer : elle avait elle-même passé du temps à se coiffer et à se maquiller, non pour recevoir des compliments mais simplement parce qu'elle appréciait l'exercice. Puis, elle aimait cette impression qu'elle avait de créer d'éphémères sculptures capillaires et tableaux poudreux. Des compositions vivantes et uniques. Des confections aussi fastidieuses à créer qu'aisées à effacer. Pourtant, elle doutait que l'image émanant d'elle soit celle d'une artiste. Les filles qui se maquillaient étaient tout de suite rangées dans la catégorie « superficielles sans cervelle » ; et elle ne voulait même pas penser à la façon dont étaient désignés les garçons affectionnant cette activité.

-Ça va aller, ma grande ? demanda le père d'Alicia, assis derrière le volant de la voiture.

-Oui, papa, ne t'en fais pas, répondit l'intéressée en se tournant vers lui pour lui adresser un sourire.

-Tu sais que c'est impossible, ça, lui rappela-t-il. Tu n'es pas obligée d'aller à ce bal si tu n'en as pas envie, Alicia.

-Je le sais, papa, soupira la jeune fille. Seulement... ce sera encore plus difficile après, si je n'y vais pas.

-C'est toi qui décides, marmonna l'adulte. Mais ne laisse personne t'approcher de trop près si tu ne leur as pas donné la permission. Et si j'entends quoi que ce soit...

-Tu te chargeras toi-même de son éducation, compléta Alicia. Je sais, papa. Mais tout ira bien, je te le promets.

Un sourire attendri étira les lèvres du chauffeur, adoucissant son visage aussi efficacement que l'arôme de chocolat chaud illumine les yeux d'un enfant. Dix-sept ans avaient passés depuis la naissance de sa fille, et pourtant, il lui semblait qu'il venait tout juste de la tenir dans ses bras pour la première fois. Mais elle n'avait plus rien d'un bébé, ni même d'une petite fille. Ses traits évoquaient déjà la jeune femme qu'elle devenait de jour en jour, et ses yeux bleus brillaient d'une maturité que lui-même n'avait jamais acquise.

-Ta maman serait tellement fière de toi, lui confia-t-il alors.

-Et toi, tu l'es ? l'interrogea l'adolescente, la voix grave et sérieuse.

-Qu'est-ce que c'est que cette question ? la réprimanda-t-il avec amusement. Évidemment que je suis fier de toi. Je le serai toujours.

Émue, Alicia lui offrit un sourire sincère qui réchauffa son cœur. Au fil des ans, son père avait été son seul confident fidèle et attentif ; mais plus elle grandissait, et plus elle s'apercevait que les mots les plus importants étaient parfois ceux que l'on ne prononçait pas. Je veux ton bonheur et ton bien-être, lui soufflait les iris bleu-gris de son père. Le reste m'importe peu. Élançant son buste par-dessus le frein à main, la jeune fille referma ses bras autour des épaules de l'adulte, qui lui rendit son étreinte avec force et affection. Un étau d'amour qui murmurait confiance et gratitude. Reconnaissance et sécurité.

-Je t'aime, papa, murmura-t-elle alors.

-Je t'aime aussi, Alicia, lui assura-t-il. Plus que tout au monde. Va t'amuser, maintenant, ajouta-t-il en se séparant d'elle. Si jamais tu t'ennuies, appelle-moi. Et si jamais on t'ennuie...

Calendrier de l'Avent 2022 [Terminé]Where stories live. Discover now