La douleur

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Il y a une semaine, j'apprenais que mon père et moi allions déménager. Loin, très loin de ma ville natale, qui est Seattle. Dans laquelle j'ai passé les dix sept dernières années. Et c'est également dans cette ville, que mes parents se sont rencontrés. Ils étaient assez jeunes lorsque je suis née. Malheureusement, ma mère perdit la vie en me mettant au monde. Je n'ai d'elle que des photos et les anecdotes racontées par mon père. A vrai dire, il n'aime pas trop parler de ma mère. Il me livre des bribes d'histoires lorsqu'il est nostalgique, mais ça s'arrête là. Depuis ma tendre enfance, j'imagine ma mère sans savoir précisément quel genre de personne elle était.

Je n'ai certainement pas à me plaindre. J'ai eu une enfance heureuse et épanouie, même si le manque d'une mère se fait parfois ressentir. Mon père a subvenu à tous mes besoins, tout en restant autoritaire. Mais en grandissant, il a été pris davantage par son travail. Je ne le voyais que rarement à la maison. Et cela n'allait pas changer dans notre nouvelle vie, puisqu'avec sa mutation, il allait avoir encore plus de responsabilités. C'est sûrement pour cela que je suis très vite devenue autonome. Aidant mon père comme je le peux, en gérant la maison de A à Z et en me gérant moi-même par la même occasion.

Mais je peux également compter sur ma tante, Rachel, qui vit à New York, et qui nous rend visite dès qu'elle le peut. Elle a pris le rôle de pilier pour mon père, qui se trouve être son grand frère. Elle l'a beaucoup soutenu suite au décès de ma mère. Et elle veille sur moi comme une grande sœur. Je peux totalement me confier à elle. Rachel a gardé son âme d'enfant et la manière dont les adolescentes voient les choses. Elle est devenue ma confidente et elle est toujours de bon conseil.

Au lycée je suis assez bonne élève. Même si je ne sais absolument pas ce que je voudrais faire plus tard, la cuisine et la publicité sont des métiers qui m'intéressent. J'aime pouvoir me laisser plusieurs possibilités, bien que, celles-ci soient totalement opposées. En attendant je préfère me concentrer sur mes études, en pensant que peut être l'opportunité se présenterait à moi le moment venu.

Mais ma vie simple et paisible s'est compliquée récemment. Quand la jalousie s'est installée entre ma meilleure amie Anna et moi. Tout ça à cause de Jason, le garçon qu'elle aime. Il s'est avéré être bien trop intéressé par moi ou du moins par mon physique. Alors un froid s'est installé entre nous, nous éloignant l'une de l'autre.

J'avais beau repousser les attentes de Jason, sa décision de tirer un trait sur notre longue amitié était irrévocable.
Me laissant toute seule.

Puis quelques jours après, une rumeur a été lancée. Comme quoi, j'étais devenu la trainée du lycée. Qu'apparemment, j'avais couché avec Jason et ses acolytes. Celui-ci n'a bien sûr pas démenti. Trop fier de son égo surdimensionné, il s'est plutôt vanté et amusé avec ses amis de cette situation. Dès lors, il m'était impossible de prouver la vérité. Je ne pouvais que fuir les regards des autres. Des regards pervertis sur mon corps.

Les jours d'école sont devenus un vrai calvaire. Dans le couloir, je pouvais entendre les messes basses des autres élèves. Ceux là, ne se gênaient pas pour me bousculer et faire tomber mes affaires. Ou bien de me renverser mon plateau repas par terre. On m'avait même enfermé dans les toilettes, déversant un seau d'eau froide sur ma tête. Ca les faisait bien rire, eux, qui m'avaient pris comme leur bouc émissaire.

Et un soir, en rentrant à pied chez moi, Jason et son groupe m'attendaient. Ils sentaient l'alcool à plein nez et m'avaient bloqué l'accès dans la ruelle que j'emprunte d'ordinaire, où il n'y avait malheureusement, aucun passant pour me venir en aide. Ils avaient commencé à être trop entreprenants. Me collant et m'insultant de part et d'autre. J'avais essayé tant bien que mal de me frayer un chemin mais ils avaient commencé à poser leurs sales mains sur moi. Et quand Jason avait entrepris de relever ma jupe, je lui avais infligé un coup sec dans ses parties. Ce qui le fit tomber à genoux en criant de douleur et de colère. J'en avais profité pour m'échapper très loin, prenant le premier bus qui arrivait non loin d'une station. Heureusement, ils étaient trop éméchés pour me suivre.

J'étais rentrée chez moi en larmes, choquée par ce qui venait d'arriver. Cette rumeur avait pris trop d'ampleur pour que je le supporte et elle avait fini par m'anéantir peu à peu.

A partir de ce moment-là, j'avais fini par me renfermer sur moi-même. J'avais perdu confiance en moi. Et j'avais donc fini par me camoufler dans un tas de tissu fade et sans forme. Je n'étais plus la fille qui rayonnait et qui prenait soin d'elle. Et jusque là, je n'avais jamais éprouvé de gêne vis à vis de mon corps.

J'avais honte que les gens me voient ainsi alors que je n'avais rien fait. J'avais également peur que cela atteigne les oreilles de mon père ou de ma tante.

Quand mon père s'aperçut que mon comportement et que mes tenues vestimentaires avaient changé, il avait mis tout cela sur le compte d'une crise d'adolescence.

Il m'était impossible de me confier sur ce qui m'était arrivée ces dernières semaines.

Alors quand mon père m'annonça qu'on allait quitter Seattle pour de bon, mon cœur s'était empli de soulagement. J'allais pourvoir m'enfuir de tout cela et recommencer à vivre ailleurs.

Et si c'était lui Où les histoires vivent. Découvrez maintenant