L'épouse de la réconciliation

2. Retrouvailles

Les retrouvailles entre mère et fille se passèrent mieux que ne l'avait espéré Jamesina. Après de longues embrassades, lady Iseabail s'occupa d'elle comme si elle était encore un petit-enfant. Elle ordonna qu'un bain lui soit préparé et lui fit monter un repas chaud dans sa chambre. La dame MacLean avait perçu l'épuisement de sa fille et elle ne posa aucune question, se contentant d'être attentive au confort de Jamesina. Après avoir congédié les servantes, elle assista elle-même la jeune femme pour sa toilette. Lady Iseabail ignorait ce que sa fille avait vécu, mais elle savait que quelque chose d'extrêmement grave s'était passé. Jamesina avait changé et cela n'était pas dû seulement à son exil à Edzell Castle. Un voile de tristesse semblait l'envelopper. La douleur qu'elle descellait dans son regard l'inquiétait profondément.

Elle lava les cheveux de sa fille avec application, s'astreignant à procéder avec lenteur dans l'espoir de lui apporter un peu d'apaisement. Du bout des doigts, elle lui massa le cuir chevelu puis la nuque. La docilité avec laquelle la jeune femme se laissait faire renforçait l'appréhension de sa mère. Après avoir soigneusement rincé la chevelure de Jamesina, lady Iseabail enduisit un linge de savon. L'un après l'autre, elle souleva les membres de la jeune femme et les frotta avec douceur. Jamesina appuya sa tête sur le rebord du baquet et ferma les yeux, laissant sa mère la laver comme si elle n'était encore qu'une fillette. Sentant qu'elle commençait à se détendre sous ses soins, lady Iseabail tenta de susciter ses confidences :

— Je suis heureuse de te retrouver sauve. Nous craignions le pire.

Comme Jamesina ne disait rien, elle poursuivit :

— Quand le messager du comte de Crawford s'est présenté pour nous demander de renvoyer l'escorte qu'il t'avait fournie pour rejoindre Duart, nous avons compris que vous aviez rencontré des difficultés sur la route. Ton frère s'est aussitôt rendu à Edzell Castle pour informer ton oncle David que vous n'étiez jamais parvenus à destination et il a ensuite essayé de retrouver votre piste.

Une nuée de frissons dévala l'échine de Jamesina. Elle se contracta tandis que les images de l'attaque de son escorte s'imprimaient derrière ses paupières closes.

— Que vous est-il arrivé ?

Lady Iseabail ne put ignorer la tension soudaine qui raidissait les muscles de sa fille. Elle nota la chair de poule qui hérissait la peau de Jamesina et les petits tremblements qu'elle ne pouvait réprimer.

— Que s'est-il passé, Jamie ? demanda-t-elle en chuchotant.

— Pas maintenant.

— Jamie...

— Je vous en prie, Mère ! l'interrompit Jamesina en s'asseyant brusquement dans le bain. Je suis épuisée.

Sensible aux larmes qui emplissaient peu à peu les yeux de sa fille, la dame MacLean pinça les lèvres mais n'insista pas.

— Maintenant que tu es propre, tu as besoin de te restaurer et de dormir.

— Je n'ai pas faim.

— Néanmoins, tu vas manger. Une soupe épaisse te réchauffera et te redonnera des forces. Allez, debout !

Lady Iseabail lui présenta un drap sec et Jamesina se leva, dégoulinante. Avant d'avoir pu esquisser un geste, elle se retrouva enveloppée dans le tissu tiède et frictionnée. Une fois sortie du baquet, sa mère l'attira devant la cheminée et acheva de la sécher avec un autre drap. Elle lui fit ensuite revêtir une chemise sèche et l'enroula dans un plaid avant de la pousser dans la chaise à haut dossier placée devant l'âtre. Elle jeta quelques briques de tourbe pour raviver le feu puis, sans plus de cérémonie, elle posa sur les genoux de sa fille le plateau qu'une servante avait apporté et l'enjoignit à manger.