8. Interrogatoire paternel (partie 1)

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Assise sur l'un des coussièges dans l'embrasure de la fenêtre de sa chambre, Jamesina travaillait à broder l'encolure d'une tunique. Elle avait commencé cet ouvrage quelques jours auparavant en espérant que ce travail minutieux lui permettrait de se changer les idées, mais elle devait se rendre à l'évidence : c'était un échec. Elle ne parvenait pas à se concentrer. Toutes ses pensées restaient tournées vers le clan MacDonald de Clanranald et en particulier vers Cailean. Les yeux dans le vague, absorbée dans ses souvenirs, Jamesina n'entendit pas les pas précipités qui martelaient le colimaçon menant à son étage. Elle sursauta lorsque la porte s'ouvrit avec fracas.

— Jamesina !

La jeune femme eut à peine le temps de se lever que son père la serrait dans ses bras.

— Pè... père ?

Mo nighean ! Mo nighean ! Loué soit le Seigneur ! Tu es vivante !

La stupeur laissa la place à un brusque accès de joie. Pour la première fois depuis son retour, elle se sentit enfin chez elle.

Il y avait si longtemps que son père ne l'avait pas serrée contre lui ainsi. Vaincue par l'émotion, Jamesina se laissa aller dans l'étreinte paternelle. Des sanglots irrépressibles la secouèrent pendant de longues minutes.

— Je suis heureux de te retrouver ! Je commençais à perdre espoir de te revoir un jour.

Muette, les yeux mouillés de larmes, Jamesina fixait son père sans dire un mot.

— Nous t'avons cherchée pendant des semaines ! Où étais-tu ? Que t'est-il arrivé ?

— Doucement, Lachlan ! Laisse-la se remettre de sa surprise. Nous ne t'attendions pas si tôt, l'admonesta lady Iseabail.

— Quand le messager m'a annoncé que Jamie était à Duart, j'ai quitté la cour en toute hâte. J'ai fait mener un train d'enfer aux chevaux pour rentrer.

— Nous devrions nous asseoir, suggéra Gavin qui avait suivi son père. Je pense qu'il est temps d'avoir une discussion à propos de ce qu'il s'est passé depuis que Jamie a quitté Edzell Castle.

— Je vais faire monter de quoi boire et manger. Je suppose que tu dois être affamé, Lachlan ?

Aye. J'ai le gosier sec et le ventre vide, approuva le chef MacLean.

Gavin alla prendre sa sœur par la main et la guida jusqu'à son lit où il la fit asseoir. Puis il déplaça les deux chaises à haut dossier qui trônaient près de la cheminée et les installa face à Jamesina. Le chef MacLean s'installa aussitôt dans l'une et Gavin prit place dans la seconde.

— Alors, mo nighean, conte-nous ce qu'il t'est arrivé.

Jamesina savait que son père ne manquerait pas de l'interroger dès son retour. Elle avait plus ou moins réussi à se soustraire aux questions de son frère pour gagner du temps et essayer de se préparer à ce moment tant redouté. Malheureusement, toutes les phrases qu'elle avait préparées dans sa tête lui faisaient défaut. Elle avait beau fouiller dans ses souvenirs, rien ne venait. La peur d'être percée à jour par son père et son frère paralysait son esprit. Lady MacLean lui apporta un court instant de répit en revenant dans la chambre accompagnée d'une servante. Celle-ci posa le plateau sur la table avant de retourner à ses tâches tandis qu'Iseabail servait à son mari et son fils deux chopines d'ale. S'avisant de la pâleur de Jamesina, elle remplit ensuite une timbale d'hydromel pour sa fille et la lui apporta.

— Tiens, Jamie, bois un peu. Cela te fera du bien.

Se doutant qu'évoquer ce qui lui était arrivé serait éprouvant pour Jamesina, elle s'assit ensuite sur le lit à côté d'elle et lui prit la main dans une tentative de réconfort.

L'épouse de la réconciliationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant