Chapitre 13. Suppositions (Partie 1/2)

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Duart Castle, un mois plus tard

Depuis que sa mère avait révélé sa grossesse à son père et à son frère, Jamesina était plus apaisée. Qu'ils n'ignorent plus son état l'avait libérée d'une grande partie de ses angoisses. Elle était toujours mélancolique et repensait souvent à Cailean et sa famille, mais la petite vie qui grandissait en elle lui avait donné une énergie nouvelle. Maintenant que les nausées s'étaient estompées, elle avait retrouvé l'appétit ; ses joues étaient de nouveau pleines et roses et sa silhouette s'était un peu étoffée. Sa taille avait épaissi, mais pas suffisamment pour que son état soit visible. Sa robe et le tartan qu'elle drapait dessus parvenaient encore à dissimuler l'arrondi de son ventre. De sorte que seuls ses parents, son frère, Eilidh et Malvina, la servante que lady Iseabail lui avait attribuée au sortir de l'enfance, avaient connaissance de sa grossesse. Si sa famille était rassurée de la voir en meilleure forme, leur inquiétude quant à son avenir était toujours très prégnante. Alors que la jeune femme effectuait sa promenade quotidienne, le chef MacLean vint trouver son épouse dans le solarium. Installée sur un coussiège et nimbée par les rayons du soleil qui filtraient à travers le grand vitrail de la croisée, la dame MacLean brodait une tunique de lin. À l'arrivée de son mari, elle leva la tête de son ouvrage, surprise par son intrusion. Elle remarqua que les rides de son front étaient plus marquées que d'habitude, signe de sa préoccupation.

— Que se passe-t-il, Lachlan ? Que me vaut l'honneur de ta visite ?

— N'ai-je point le droit de venir discuter avec mon épouse ? grommela le chef MacLean.

— Bien évidemment, mais tu avoueras que c'est plutôt inhabituel. Je suppose que tu as une raison particulière pour quitter tes occupations et monter jusqu'ici ?

D'un signe de la main, lady Iseabail invita son mari à s'asseoir sur le coussiège qui lui faisait face, mais il préféra rester debout. Il se dandina d'un pied sur l'autre pendant quelques instants avant de se décider à parler.

— J'ai informé le Conseil des Anciens de la condition de Jamesina.

— Son état n'est pas encore visible, tu aurais pu attendre, Lachlan ! protesta son épouse.

— Attendre quoi ? Il va bien falloir qu'ils l'apprennent, cet enfant ne va pas disparaître ! Nos Anciens sont peut-être vieux et commencent à avoir l'ouïe dure et la vue basse, mais ils ne pourront ignorer longtemps les ragots qui ne tarderont pas à se propager.

Consciente de la justesse de son analyse, lady Iseabail pinça les lèvres de contrariété avant de demander avec appréhension :

— Quelle a été leur réaction ?

— Ils n'ont pas sauté de joie, tu t'en doutes bien ! Comme nous, ils ont été horrifiés par ce que notre fille a subi. Ils sont d'avis que nous devons à tout prix préserver l'honneur de Jamesina. Le mieux serait de l'éloigner de Duart jusqu'à la naissance et qu'elle ne revienne qu'une fois l'enfant confié aux soins d'une famille.

— Jamais Jamie n'acceptera d'abandonner son enfant !

— C'est ce que j'ai dit aux Anciens. L'autre solution est de la marier dans les plus brefs délais.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, Lachlan. Elle m'a déjà dit qu'elle refusait de se lier à un homme qui ne toucherait pas son cœur.

— Il faudra pourtant qu'elle le fasse.

— On ne peut pas lui demander d'épouser un inconnu. Surtout si elle ne supporte plus qu'un homme l'approche ! Sans compter que je doute que nous trouvions un homme qui acceptera de bon cœur de reconnaître un enfant qui n'est pas le sien !

L'épouse de la réconciliationWhere stories live. Discover now