1 - La croisée des chemins

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- Maman aurait été fière de toi, mon grand. Tu as réussi petit frère.

- On a réussi, corrigea-t-il.

À l'intersection de deux rues obscures la voiture s'engouffra à toute allure. Marcel tourna la tête pour parler à son frère.

- On va fêter ça, cette fois c'est toi qui choisis.

Imprudemment sa voiture quitta la route, lorsqu'il retourna le regard, il faisait face à un bus tous feux allumés.

Le choc était si violent que le pare-brise fut brisé d'un seul coup. Les éclats de verre résonnèrent dans l'habitacle, dans un bruit aigu et perçant. Ils sentirent la carrosserie crier sous la violence de l'impact. Puis vinrent des voix, des exclamations, des appels à l'aide, et de cris « Nap mande'w gras papa. » « Oumenm ki gen tout pouvwa. » « Papa di yon mo souple. » Marcel tourna la tête, vers le côté passager, encore sous le choc et la vision troublée, il le vit seulement en train de le regarder et semblait surpris par la situation dans laquelle ils s'étaient retrouvés. Puis il sentit une douleur aiguë vriller sa boîte crânienne suivi d'une chaleur insupportable.

Lorsque Marcel ouvrit les yeux, il était debout dans un couloir d'hôpital. Il ne se rappelle pas avoir entré, ni même quitté une salle d'hôpital, la dernière chose qu'il se souvient c'est de ce terrible accident qu'il a eu avec son petit frère de 27 ans. Marcel sentit la tension qui émanait des lieux. Il n'a jamais vraiment aimé les hôpitaux. L'ambiance de merde et cette peur qu'on pourrait, d'une minute à l'autre être diagnostiqué d'une maladie incurable qui pourrirait le reste de votre existence. Honnêtement, il préférait mourir sur le coup que d'être esclave d'une maladie ou s'entendre condamner par un médecin qui ferait semblant d'être touché par son état.

Je les emmerde tous, ils ne me trouveront pas, disait-il assez souvent.

Mais aujourd'hui, chose étrange, il s'était retrouvé, sans le vouloir, dans un couloir d'hôpital. Faute à cette quantité exagérée d'alcool qu'il avait ingurgité la veille. En se retournant, il faisait face à un médecin qui passait par là, avec une démarche qui se voulait pressée.  De bonne grâce, il arriva à l'esquiver. Le médecin entra dans une chambre. C'est étrange, il lui aurait percuté de plein fouet, si'l n'avait pas eu l'idée de se retirer à temps. Le médecin était suivi d'une jolie infirmière, qui elle semblait paniquée. Cette dernière lui rappela sa mère, il ne l'avait pas vraiment connue. Lorsque Miriam est morte, il n'avait que 11 ans. Marcel garde encore des photos d'elle dans son portefeuille. Mince, de grande taille, et sourire charmant. Il avait quelques souvenirs d'elle, c'est vrai, mais des souvenirs flous qui se dégradaient avec le temps. Parfois il entend sa voix et son rire aux éclats. Avec les années, ils se faisaient moins précis, et l'homme se faisait croire à lui-même que tout ça n'était que le fruit de son imagination, mais tout de même n'arrêtait pas de s'y accrocher.

Par curiosité, Marcel suivit le toubib dans la chambre. La pièce était resplendissante, lumineuse, il pouvait ressentir l'énergie qui la traversait. Il ne savait pas ni comprenait pas comment mais il le sentait, c'est tout. Le sol sous ses pieds semblait émettre une vibration, une onde singulière. C'était la première fois qu'il avait cette sensation enivrante. Il se sentait vivant, exister. Il pouvait entendre les médecins ainsi que des patients parler, prier, pleurer ou se lamenter jusqu'à l'autre bout de l'hôpital. Et sa peur ressurgit instantanément.

Ils était soit sous sédatif soit on lui avait fait ingérer une substance suffisamment forte pour faire taire les douleurs qui l'assenaient. Soyons sérieux, avec un accident de cette ampleur il a dû se faire péter une ou deux côtes. Soudain il pensa à son jeune frère. Il fit un coup d'œil sur sa droite. Son frère était allongé sur un lit.

- Si on ne fait rien, on va le perdre, exclama l'infirmière avec de la peur dans la voix.

Marcel s'approcha d'eux mais saisi par un sentiment étrange, il s'immobilisa, pour la première fois depuis quelques minutes il eut l'impression qu'il ne respirait pas. Sur un lit derrière le docteur et l'infirmière, il était lui aussi allongé. On eût dit qu'il dormait. Marcel était dépassé par les événements. Comment est-ce possible ? Comment ça se fait que je sois... et soudain il prit conscience d'une chose. Il n'était pas matériel.

- On recommence, fit le médecin en tenant entre ses mains un défibrillateur.

Le docteur recommence, encore et encore avant d'abandonner. Le bip de l'appareil connecté à son frère émit un son long et continuel. L'homme fixa la montre à son poignet.

- Heure du décès, 10 heures.

- Non, cria-t-il de toutes ses forces

Mais personne ne semble entendre quoique ce soit.

Une ombre lui troubla son déplacement. Lorsqu'il jeta un coup d'œil à l'entrée de la porte, quelqu'un d'autre venait de pénétrer dans la salle. Grand de deux mètres, un long costume noir tout déglinguer, dans sa main droite, il tenait un long bâton contenant une lame d'une trentaine de centimètres. Malgré l'état actuel de sa composition, il sentit son être tout entier frémir.

Lorsque l'homme arriva devant le lit de son frère, Marcel vit Jacob se mettre debout. Il lui jeta un regard triste en suivant le personnage d'Halloween. Et soudain l'évidence lui sauta aux yeux. Cet homme, c'est LA MORT.

- Attends, non, qu'est-ce que tu fais ?

Comme son frère ne lui répondit pas, il s'adressa au géant.

- Arrêtez, ne faites pas ça. Il y a forcément un autre moyen.

L'homme continua sa marche. Marcel essaya de retenir son petit frère, mais n'y arriva pas.  Il continua à crier de toutes ses forces.

- Je ferai tout ce que vous voulez, je vous en supplie, arrêtez.

Arrivé devant la porte, l'homme s'arrêta soudainement. Marcel leva la tête. Sans se rendre compte, il était déjà en face de lui.

- Tu proposes quoi, mortel ? demanda-t-il.

Sa voix semblait secouer l'enceinte.

- Tout ce que vous voulez ?

- Mais tu es encore en vie, tu as une chance de t'échapper d'ici, de cet état. Tu es seulement en coma. Ton heure n'est pas encore arrivée.

Marcel fit un coup d'œil vers son lit. Il dormait à poings fermés. Son visage était serein. Cette image glaça son être.

- Prenez moi à sa place, c'est par ma faute qu'il est mort, par pitié, je vous en prie. Il est beaucoup trop jeune.

- Ça ne marche pas comme ça. En plus toi aussi tu es jeune.

Si'l était composé de chair et de sang, il aurait pleuré toutes les larmes de son corps, mais dans son état il en fut incapable.

- Alors ça marche comment ? balbutia-t-il.

- Et bien, je ne vois qu'une seule solution. Tu vas travailler pour moi, fit l'homme d'une voix qui résonna dans tous les parois de l'établissement.


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