11 - Boba

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Gonaïves, Haïti

10 Novembre.

Hôpital Général. 11:57 PM


- Soyez forte, madame, vous y êtes presque. Poussez !

Un puissant cri déchira le silence de la nuit pour aboutir au fond d'un couloir vide, obscur et sans vie. Un peu vers 6 heures, cet après-midi, une femme enceinte à été amenée aux urgences. Elle était en mauvais état et semblait agitée. Son mari, Albert Rosier couvert d'inquiétude affirma que sa femme avait longtemps dépassé les neuf mois de grossesse. Mysticisme ? Superstition ?

11:58

Le deuxième cri s'abattit sur les persiennes. Dehors, une pluie diluvienne battait son plein sur la ville. Matilde attrapa le médecin par la manche de sa blouse.

-    Sortez cette chose de moi.

-    C'est à vous de pousser, madame, respirez profondément pour trouver des forces, sinon, c'est la césarienne.

-    Oui, faites le je vous en supplie, je n'en peux plus.

-    Une dernière tentative, si ça ne marche pas...

Une rafale de vent vint se cogner contre les fenêtres, le cœur du docteur Wilio chancela. Des sueurs froides perlaient son front et il avait du mal à respirer. Depuis la déclaration du mari, le docteur avait une drôle de sensation. La peur au ventre. En plaçant les faits dans le temps, en partant du mois des dernières règles, aujourd'hui, cette femme était à son quarante-huitième semaine. Déjà plus de 20 ans d'expérience dans le domaine, et il n'avait jamais rencontré de pareil cas. Il était anxieux, dépassé par les événements. Matilde à été transférée ici parce que le médecin à l'hôpital où elle avait suivi durant sa grossesse avait refusé de lui prendre en charge. Pourquoi lui, il l'avait fait ? Wilio ne s'attendait pas à une chose pareille. Mais si lui aussi il refusait d'accoucher cette femme, elle mourra et son enfant probablement.

11:59

Le bébé montra sa petite tête informe. Une lueur d'espoir brilla dans les yeux du docteur Wilio, mais pas pour longtemps. Imprudemment, il mordit sa langue. Matilde rassembla toute son énergie comme l'avait conseillé le docteur et poussa de toutes ses forces. Le bambino languit Wilio une fois encore. Sans prendre le temps d'inspirer Matilde essaya une autre fois, et donna tout.

12:00

Au moment où, la cloche d'une ancienne église, sonna les coups de minuit, un bébé noir tout frêle, dégoulinant d'une substance visqueuse explosa en pleurs. Il glissa jusqu'aux mains du médecin qui l'attrapa avec soin et tendresse avant de la déposer sur le ventre de Matilde. Il laissa échapper un souffle de soulagement.

Ce sourire d'extase, ce regard langoureux. Malgré les propos qu'elle a tenue tout à l'heure concernant la nature de l'enfant, la femme semblait vraiment l'aimer. C'était son premier enfant. L'infirmière qui assistait le docteur prit le bébé et alla le nettoyer. Enfant normal, sexe masculin, de 3 309,18 grammes. Le seul souci, il était marqué au front, l'infirmière sursauta à la vue de la marque et faillit laisser tomber le bébé. C'était une croix au sens inversé.

En attendant, le médecin, lui, finissait son boulot. Matilde plongea dans une douce torpeur.

Et n'aura plus jamais conscience.

***

- Bon ! Je vais rentrer, prendre une douche et me changer, si t'as besoin de quoique ce soit, n'hésite pas.

Jacob se retourna vers elle. Depuis environ une dizaine de minutes, un silence s'était installé entre eux. Si Patricia ne s'était pas pointé, auraient-ils eu la force d'arriver jusqu'au bout. Ils étaient à deux doigts de s'embrasser. Un baiser qui aurait tout changé, un baiser qui, passionnant ou pas aurait laissé des traces. Manque de lucidité ? Réjouissance ? Reconnaissance ?

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