16 - La salle des souvenirs

131 2 2
                                    



En titubant, il regagna la porte de sortie du vieux restaurant. La musique binaurale avait à présent quelque chose de mélancolique et d'insupportable. La vision troublée, Marcel essaya de ne pas chuter en s'appuyant sur une table. Il n'avait pas le droit à l'erreur. Jusqu'ici son plan avait fonctionné, il avait endormi son jeune frère et échangé les billets. Le vieil homme ne va pas apprécier, mais il l'emmerde. Si ceci était la deuxième étape alors il était prêt à affronter la suivante et celle d'après. Si l'égocentrisme était un défaut, l'altruisme en était un autre tout aussi dangereux. Mais ça aussi, Marcel l'emmerde. Convaincu de faire le bon choix, il avançait avec assurance. Jacob va vivre et lui, il va peut-être en enfer, mais avant, il doit tout essayer. Il ne va pas se laisser faire. Il n'en avait pas le droit. Pas aujourd'hui, pas maintenant.

En quittant l'établissement, Marcel jeta un coup d'œil au vieil homme qui avait prit place au restaurant il y a quelques minutes. Il avait tout compris, il savait que ce crétin avait choisi le suicide pour épargner l'autre type. « Son frère » avait-il pensé. Marcel le fusilla du regard. Aucun d'entre eux n'oserait parler. Le vieillard trouvait tout simplement que ce n'était pas ses oignons et Marcel voulait éviter de réveiller Jacob. Alors il quitta l'établissement et atterrit au mini Market. Dehors, il croisa le regard sympathique de l'étalagiste.

- Z'êtes sûr que ça va, M'sieur ?

Marcel l'ignora, à la place, il jeta un nouveau coup d'œil à son ticket, comme pour éviter de se tromper.

Aller

3 heures 55

l'inscription ne l'atteint pas. Sa décision est déjà prise. À présent, rien ni personne ne pouvait l'arrêter. Comme le billet qu'il a filé à son frère avait dix minutes d'avance sur celui qu'il avait volé, l'homme pensa à se cacher quelque part. Quelque part où personne ne pourra le retrouver.

Un long couloir sortait du Super Marché jusqu'à une petite porte de couleur rouge. Marcel le fixa attentivement.

- C'est la pièce où sont rangés les souvenirs.

Marcel se retourna. L'étalagiste fixait la porte au fond du couloir, comme si lui aussi venait de la remarquer.

- Les souvenirs ? demanda Marcel, les souvenirs de qui ?

- Bah ! Des défunts, M'sieur, fit-il sans la lâcher la porte des yeux.

- Et, qui a accès à cette porte ?

- Bah ! Les défunts, M'sieur.

- Genre tout le monde ?

- Ici, présent, M'sieur répondit-il sèchement.

Marcel avança vers la porte. Hésitant, il fit un coup d'œil en arrière. « Les souvenirs des défunts » Il comprenait parfaitement bien ce que lui avait dit l'étalagiste, mais ne savait quand même pas à quoi il devait s'attendre. Il retourna sur ses pas, comme le type était resté là à fixer la porte, Marcel lui demanda une faveur.

- Si quelqu'un me demande, tu ne m'as pas vu. D'accord.

- Bien, M'sieur.

Marcel poursuivit sa route. Son cœur battait la chamade. Depuis 3 jours, c'était la première fois qu'il avait cette sensation. C'était bien de se sentir humain, même si honnêtement ça ne va pas durer. Puisqu'il va devoir traverser vers les enfers. Malgré la faiblesse physique, le sentiment de porter un lourd fardeau sur ses épaules, l'effet de l'alcool sur son estomac et le tournis, il se réjouit quand même. Au moins il n'aura pas à enlever l'âme d'un enfant de 7 ans et encore moins à chercher l'âme d'une jeune femme volée par deux ombres puissantes et extrêmement dangereuses. Tout en réfléchissant, La faucheuse lui traversa l'esprit. À part le mensonge sur son identité, qu'avait elle fait de mal ? Rien. Elle était toujours là quand il avait besoin d'elle, lui prodiguait les conseils nécessaires liés à l'exercice de ses fonctions, et détendait l'atmosphère de ses blagues, même si les moments étaient parfois mal choisis. Marcel ne peut s'empêcher de se sentir reconnaissant. La faucheuse a été un bon compagnon, oui, le temps que ça a duré.

La listeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant