10 - Dernier Recours

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Une Suzuki grand Vitara écrasa le parking désert de l'hôpital. A l'intérieur, Julien Emile se fixa dans le rétroviseur central. Sourcils fournis, peau mate, lèvres épaisses, pommettes saillantes et nez allongé. Dans la boîte à gants, il tira son portefeuille et frotta ses paupières. Qu'est-ce qu'il faisait là ? Ici. Maintenant. C'est vrai qu'il avait laissé son numéro, mais honnêtement il espérait qu'on ne l'utilise pas. Il était sous le choc, il y a une heure, le docteur Janvier lui avait contacté concernant l'état de sa maîtresse. Il l'avait déposé à l'hôpital hier vers 7 heures du soir. Ils se sont parlés ce matin, puis il y au moins deux heures, ils avaient conclu de se retrouver au rez-de-chaussée. C'était inimaginable.

Il quitta la voiture, devant l'entrée, le type en charge de sécuriser la barrière l'arrêta pour des vérifications qui prirent à peine deux minutes. À l'accueil, il donna son nom à la dame aux lunettes d'écailles et après un court moment, on le transféra dans le bureau du docteur Janvier.

Lorsqu'il frappa la porte indiquée, il sentit un frisson lui parcourir l'échine. Le son d'une petite cloche lui donna accès à pénétrer dans le bureau. C'était une pièce sombre, monotone et sans vie, pas grande où s'élevait une forte odeur de tabac.

-    Désolé pour toute cette fumée, s'excusa le docteur Janvier, je vous prie, asseyez-vous.

Le docteur se mit debout et ouvrit les fenêtres afin d'aérer la pièce. D'un coup, l'espace se métamorphosa en une élaguante pièce. Sur la droite, une peinture de Jean-Claude Garoute était accrochée au mur, juste à côté, un diplôme au nom du docteur Gustave Janvier et d'autres distinctions. Sur la gauche une bibliothèque saturée de livres divers et une armoire remplie de cartables jaunes.

-    Monsieur Julien Emile, je suis navré pour cette perte, on a fait tout ce qu'on pouvait, tu sais...

Tout en s'exprimant, il tira, dans un plateau à documents, le dossier de Cindy Saint-Cyr. Sa voix sonnait étrange, vide d'émotion, comme un discours tout fait. La mort de Monique lui avait rendu comme ça. Un peu froid.

-    Où est-elle ? demanda Emile sans attendre la fin de son discours.

Il s'interrompit.

-    À la morgue, tu sais, on ne pouvait pas la laisser dans la...

-    J'aimerais la voir.

Remarquant que le type n'était pas la pour les formalités d'usage, le docteur se mit debout avec son cartable en main.

-    Bien, dans ce cas, on y va.

Devant la porte, Gustave Janvier lui tendit le dossier de Cindy. Il ne prit même pas la peine de le visionner. Ensemble ils se rendirent à la morgue. C'était au fond du couloir dans une pièce glaciale pleine de tiroirs. Sur une table, Julien remarqua le corps de Cindy. Son visage était beau et serein. Elle semblait dormir paisiblement. Julien éclata en sanglot. Le docteur Janvier resta de marbre. Cependant cette fois, il pensa au jour où il avait pénétré la salle d'opération. La déception sur le visage de ses confrères, le sang sur leurs mains, le silence de la pièce qui en disait long. LA MORT lui avait volé sa petite famille.

-    Elle souffrait de quoi ? demanda Emile avec des larmes dans la voix.

-    D'après les tests, rien qui pouvait aboutir à une mort si...

Il semblait choisir ses mots.

-    Brusque, dit-il enfin. Elle devait rentrer, tout allait parfaitement bien.

-    Tu insinues que sa mort n'est pas naturelle ?

-    Je suis médecin, monsieur Emile. La superstition ne fait pas partie de mes cordes.

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