14 - La gare

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-    Et c'est qui ce « IL » ? Vous parlez de Dieu, n'est-ce pas ?

Pour la énième fois, l'homme éluda sa question.

-    Nous sommes des dieux ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

Une voiture venait dans leur direction, Marcel s'empressa de se retirer au milieu de la route. Le vieil homme sourit. Sous son regard amusé, Marcel retourna à côté de lui.

-    Même dans cet état, tu crains La mort, mhm.

Ils marchèrent côte à côte, au beau milieu de la route. Au milieu des voitures et des motocyclettes.

-    Tu vas faire quoi, maintenant ? lui demanda le vieil homme. Maintenant que tu fais encore face à cette même situation ?

Marcel réfléchissait à cent à l'heure. Il pouvait, certes, éluder la question, mais ce serait une très mauvaise idée. Comment berner le Dieu de la mort, non, La MORT elle-même ? Comment passer outre sa volonté alors qu'on est à sa merci ? Comment ?

Il grimaça.

-    Quelle situation ? demanda-t-il, pour augmenter son temps de réflexion.

Le vieil homme sourit, et s'arrêta.

-    Nul ne le peut, répondit-il aux interrogations silencieuses de Marcel.

Étonné, il formula rapidement une autre question.

-    Pourquoi suis-je toujours obligé de choisir entre moi et quelqu'un d'autre ?

-    Pas une obligation, dans ce genre de situation, je dirais plutôt, le droit de choisir, c'est l'un des principes de la vie.

-    Ah ! Le libre arbitre, c'est ça ? Mais comment peut-il y avoir liberté si à la fin il y a une conséquence à nos actes ? Prenons le cas de l'enfer par exemple.

Un sourire se dessina sur les lèvres du vieil homme. Comme il l'avait dit au début de leur conversation, il aimait bien ce mortel, cette âme en quête de résurrection, ce faucheur qui, désespérément veut sauver tout le monde. Quitte à se perdre lui-même. Comment peut-il être altruiste même dans une situation pareille ? Définitivement, l'être humain est un être fascinant.

-    Avoir la liberté ne vous donne pas le droit d'agir de façon abusive et impulsive. On récolte ce qu'on a semé.

-    Mais dans mon cas...

-    Tu abuses, mais tu ne comprends toujours pas la leçon.

Comme Marcel était inquiet pour son frère, il laissa tomber la discussion. Honnêtement, comment pouvait-il remporter cette manche ?Avec quoi comme argument ?

-    On peut retourner à l'hôpital ? fit-il.

-    Si tel est ton désir.

Demi-tour. Au cours de la route du retour, aucun d'eux n'oserait parler. Honnêtement qu'est-ce qu'il pouvait dire ? Dans la chambre où était poser son corps et celui de son jeune frère, il vit les médecins exécuter des pirouettes pour le rebrancher. Jacob lui, semblait être dans un état plutôt stable.

-    Bon, comme tu n'as toujours pas compris, on passe à l'étape suivante, dit le vieil homme.

***

-    Allo ! Patie, tu m'entends. Allo !

Une porte qui claque, des pas rapides, un cœur qui s'emballe. À perdre haleine, Evelyne venait d'enjamber les escaliers menant à la salle à manger.

-    Allo!

Tout à l'heure, au téléphone, la voix de Patricia l'avait secoué. La jeune fille n'était pas claire dans ses dires, mais sa voix avait suffi pour effrayer Evelyne. À présent, elle ne s'inquiétait pas pour Jacob, il était réveillé depuis bien longtemps et ils s'étaient même embrassés il y a quelques minutes. Seul Marcel était en danger. Seul Marcel pouvait laisser sa peau. D'après le ton de la voix de Patricia, c'était peut-être le cas.

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