Chapitre 2

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Tous les visages se tournent vers nous. Je m'apprête à les regarder un par un pour essayer de déterminer la gravité de la situation, mais Ayden se place devant moi un sourire faussement accueillant plaqué sur les lèvres. Je le repousse et mon regard croise celui d'Alex qui est fuyant, il a la mâchoire contractée. Ignace est assis dans son fauteuil habituel et il se masse les tempes. Mon frère fait les cent pas le long des fenêtres, c'est comme s'il ne m'avait pas vu. Mélya est dans le fond de la pièce adossée au mur. Mon regard tombe finalement sur ce qu'Ayden essaie de me cacher.

Gaspard.

Il est en sang avec un œil tellement tuméfié qu'il peut à peine l'ouvrir. Sa joue droite a triplé de volume et sa lèvre est fendue. Il se tient les côtes douloureusement. Cali me lance un regard affolé alors qu'elle essaie de retirer le sang qui couvre Gaspard. Je me dirige vers le soldat que j'ai appris à connaître et dont le côté maladroit a fini par m'attendrir. Au cours des mois précédents, il est devenu évident que je l'appréciais. Je me suis sentie dans l'obligation de le protéger, il est trop naïf, trop gentil pour cette vie. Il est devenu garde en Nostraria parce que la loi l'exige, mais ça ne lui colle pas du tout à la peau. Son seul atout dans ce métier était son allégeance à... au prince. Gaspard était prêt à donner sa vie pour Lui... Il n'en a pas eu l'occasion au vu des événements. Au moment où l'ancien garde de Nostraria a compris que le roi Horos avait fait tuer son fils, il n'a pas hésité à me donner sa confiance. Je me précipite vers lui et me place à genoux face à lui.

— Qui t'a fait ça ?

Une pointe de rage se fait entendre dans ma voix. Je vois qu'il essaie de me répondre, mais parler à l'air douloureux, alors je me tourne vers les autres pour qu'il y en ait un qui se décide à parler. C'est Alex, dont la mâchoire ne s'est pas décrispée, qui prend la parole :

— Ce sont des soldats nostrariens, semble-t-il.

Je me lève lentement et me désintéresse de Gaspard. Cali prend ma place pour continuer de le nettoyer.

— Semble-t-il ?

— C'est ce qu'il nous a dit, intervient Ayden. Mais ce n'est pas tout.

— Oh parce que ce n'est pas suffisant ? Des soldats nostrariens ont pénétré nos terres et ils ont battu l'un des nôtres, mais ce n'est pas tout ?! 

Une rage froide me consume.

J'entends un sanglot étranglé provenant de mon frère, je tourne les yeux vers lui. Il a stoppé ses cent pas et s'adosse au mur entre deux fenêtres. Il attrape ses cheveux et se laisse glisser lentement au sol, le visage baigné de larmes qui coulent silencieusement. À part son sanglot, je n'aurais pas deviné qu'il pleurait. Son comportement m'effraie et fait retomber ma colère aussi rapidement qu'elle est arrivée. Léandre laisse difficilement ses émotions l'emporter surtout à ce niveau, sauf quand il s'agit de moi ou de notre famille. Je perds patience et hurle :

— QU'EST-CE QUE JE NE SAIS PAS ?

— Ils devaient faire passer un message, dit faiblement Cali.

Ayden m'attrape par les épaules et me regarde droit dans les yeux. Mon cœur bat la chamade, je me mords la lèvre inférieure en attendant la révélation.

— Le roi Horos détient ta famille. Il a trouvé tes parents et Lua.

Je me fige quelque temps. J'essaie d'assimiler ce qu'il vient de me dire. Quand ses paroles arrivent à traverser la brume qui entoure mon cerveau et que je comprends les retombées d'une telle information, je me sens partir. J'ai l'impression que mon corps me lâche, que je chute dans un puits sans fond. Ça fait des semaines qu'on cherche à les rapatrier ici. Ils nous ont pris de court. Horos m'a pris de court. Comment est-ce possible ? Léandre les avait cachés. Ils étaient censés être en sécurité. Ce n'est qu'en manquant d'oxygène que je me rends compte que j'ai arrêté de respirer. Cet homme compte-t-il tout me prendre ?

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant