Chapitre 25

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C'est décidé, je déteste la neige. Il fait beaucoup trop froid. Je deviens un glaçon, j'ai peur d'avoir des engelures. Ma robe n'est pas assez épaisse pour ce climat, même avec un manteau. On pourrait croire qu'avec l'arrivée imminente du printemps et la neige qui commence à fondre, il ferait meilleur, mais c'est un bel euphémisme. Quand il fait encore assez froid pour que la neige tienne, c'est qu'il ne faut pas se promener en forêt sans savoir où dormir. Je rêve de retirer ces menottes pour me créer un portail vers le château et me jeter au coin d'un feu.

Je lance des regards courroucés à Éros. Je lui ai demandé s'il avait réfléchi à la question de la nuit. Je n'ai reçu aucune réponse, ce qui me fait croire qu'il n'avait pas pensé une seule seconde à dormir en forêt alors que nous sommes encore en hiver. J'insiste en me tournant vers lui :

— J'espère que tu as conscience que je n'ai pas d'aptitude et que je suis aussi fragile qu'une enfant. Je ne peux pas me réchauffer seule ou même créer un feu... il ne dit rien. Es-tu en train d'épuiser les tiennes pour te réchauffer ?

Je fronce les sourcils et m'apprête à en rajouter une couche quand il place sa main entre nous.

— Tais-toi. Je n'utilise pas mes aptitudes. Laisse-moi nous chercher un abri pour la nuit.

— Et tu comptes manger quoi ? De l'écorce et de la neige.

— Eh bien, tu seras à la diète, ça t'empêchera peut-être de parler.

Je reste coite devant un tel manque de considération. Et pourtant mon esprit de rébellion n'a pas envie de lui offrir le loisir que je me taise. C'est manifestement ce qu'il désire et je ne lui offrirais pas le silence qu'il attend à ce point.

— Tu peux me rappeler comment tu vas faire pour nous éviter de mourir congelé ?

— Je n'aurais pas à m'en soucier si tu avais créé un portail allant directement en Nostraria.

Je lui tends mes mains avec nonchalance.

— Oh, mais je peux te créer ce portail sans soucis, il suffit que tu me retires ces bracelets.

— Mais prends-moi pour un idiot. Tu crois que je te fais confiance ?

Il est étrange de se dire que nous ne nous faisons plus confiance. À une époque, je lui aurais confié ma vie... À une époque, il a donné sa vie pour moi... Je repousse ses pensées au plus profond de mon être. Je préfère lui sourire niaisement avant de lui lancer d'un ton jovial :

— Oh, mais tu devrais ! Je t'emmènerais au palais si tu le désires si ardemment.

Et une fois que je t'aurais poussé dans ce portail, je volerais ma dague que tu as accrochée à ta ceinture pour me faufiler derrière le roi et le massacrer. Il fronce les sourcils comme s'il cherchait l'erreur dans ce que je viens de dire, comme s'il essayait d'entendre la phrase que je viens de penser.

— Tu mens comme tu respires. Tu n'es qu'une ennemie parmi tant d'autres. Tu penses que je serais prêt à t'écouter parce qu'une Varas Kare a dit que nous étions liés et que tu as confirmé, mais ça n'a aucune importance. Même si c'était la réalité, même si je croyais en ces foutaises, je peux toujours renier un tel lien.

— Alors, fais-le !

Nous nous sommes arrêtés encore une fois et nous dévisageons. Je le défie du regard alors que ma conscience me hurle de l'empêcher de faire une telle chose. J'essaie de paraître confiante alors que je sais que mon moment de faiblesse face à sa cicatrice de toute à l'heure restera gravé dans sa mémoire. Il m'a vu sur le point de faillir... dès qu'il s'agit de lui, mes émotions sont décuplées. Il fronce les sourcils et tourne rapidement la tête. Ses lèvres forment des mots qu'ils ne prononcent pas, comme s'il se parlait à lui-même. Et sans que je n'aie de réponse, il se détourne et reprend la route.

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant