Chapitre 24 - Eros

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Je me méfie d'elle. Une voix me hurle de ne croire aucun son sortant de sa bouche, elle me hurle de la bâillonner ou de lui arracher la langue et pourtant je reste là à écouter ce qu'elle a à dire.

— Et qu'est-ce que le roi Horos a fait pour que tu deviennes leur héritière ? Ça paraît assez incongru.

C'est peu de le dire, c'est du pur délire. Mon oncle était-il un idiot à ce point ? Sans même l'avoir rencontré, je le prends pour un abruti.

Tu l'as rencontré.

Cette voix m'insupporte, c'est celle qui me demande de protéger la petite peste en permanence, c'est la voix d'un homme faible. Elle essaie de me faire croire à des affabulations. Comment Hestia peut-elle encore être dans ma tête avec ces menottes ? Elle lève les yeux au ciel sans me répondre. Nous marchons quelques minutes durant lesquelles elle a l'air de faire face à un dilemme. Je l'observe à la dérobée. Je me décide à lui reposer la même question. Elle contracte la mâchoire avant d'ouvrir enfin la bouche.

— Parce que j'étais sa prisonnière... Et j'ai fui le palais de Nostraria pour me retrouver en Edryae.

Encore une ineptie. Je n'aurais jamais laissé mon père enfermer mon âme sœur. Ce qui prouve qu'elle ne l'est pas. C'est Anna-Livia, ton âme sœur, une fille gentille, simple et faite pour monter sur le trône. Il est vrai que je ne l'aime pas, mais ce n'est pas une nécessité.

Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi cette femme essaie de me faire croire que je lui suis destiné. Espère-t-elle me faire baisser la garde ? Et ce que je comprends encore moins, c'est ce besoin irrépressible que je ressens, celui de l'embrasser quand elle fait cette moue boudeuse. Vas-y, fais-le !

— Arrête de parler !

— Je n'ai rien dit, espèce d'idiot.

Elle me lance un regard meurtrier. Je fais comme si je ne venais pas de hurler à ma voix intérieure de se taire et reprends l'exploration de la forêt. J'espère rejoindre la frontière rapidement. Sur place, j'obligerais les soldats à contacter mon père.

— Tu avais des questions et tu n'en poses plus finalement... Quelle perte de temps.

Mais c'est qu'elle ne me laisse aucun moment de répit. Je n'aurais jamais dû lui dire que j'avais des questions. Elle ne m'aide en rien, à part ne faire que confirmer le fait que nous ne pouvons pas être faits l'un pour l'autre.

— Ok. Je te pose des questions alors. Tu disais que je t'ai entraîné, comment ?

Léandre en a également fait mention... Elle ne pourra répondre à cette question que si nous nous sommes réellement entraînés ensemble.

— Tu m'as envoyé tuer un Senka à ta place...

Son ton blasé m'indique que ce n'était pas sa meilleure expérience. Mes lèvres ne forment qu'une ligne parce que je me reconnais dans ce type d'exercice, que ce soit un Senka, ou une autre créature néfaste... Cette question ne m'avance à rien.

— Parle-moi du souvenir qui t'a le plus marqué au palais.

— Je ne pense pas que tu veuilles l'entendre.

— Pourquoi ?

— Parce qu'il est tout sauf positif...

Son regard se perd dans le vide et pendant une seconde mon cœur se serre à l'idée qu'elle ait pu vivre des atrocités chez moi...

— Parle.

— Je... J'étais dans le bureau du roi...

Une peur panique s'insinue en moi. Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi de se retrouver en tête à tête avec mon père dans son bureau. On s'en fout ! C'est tout ce qu'elle mérite. Elle est ton ennemie. Elle reprend alors que la voix continue de dire des insanités.

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant