Chapitre 16

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— Je peux rester ?

Le regard que me lance ma petite sœur me fait craquer. Ses grands yeux violets sondent mon âme et tentent de percer ma carapace. Je suis assise à mon bureau. Après ma rencontre avec Eryk et Alex, je suis revenue me faire bombarder de questions et de suggestions par mes conseillers. À présent, j'analyse nos forces armées en frontière et celle de l'ennemi au vu de nos renseignements. Une confrontation musclée a eu lieu dans le sud. Heureusement, nous n'avons pas de mort à déplorer, mais je sens que les tensions se font de plus en plus présentes en frontière. Nous étions dans une zone de flou depuis une dizaine d'années, les batailles se sont réduites au fil des ans, mais depuis quelques semaines ce genre de confrontations s'accumulent et j'ai conscience qu'une action doit être mise en place, sans pour autant savoir quoi faire.

L'obscurité recouvre lentement la pièce alors que le soleil termine sa descente dans le ciel. J'ai allumé quelques bougies. Ma sœur avance d'un pas dans la pièce en attendant ma réponse. Elle a les bras croisés dans le dos et porte l'une de mes robes. Je les mets peu souvent et surtout pour me donner l'allure d'une héritière, Lua a l'air plus à l'aise que moi dans cette tenue.

— Tu peux rester sans problème, mais je finis ça avant.

Le sourire qu'elle m'offre illumine la pièce. Elle referme la porte derrière elle et va s'asseoir dans le coin bibliothèque de mon bureau.

— Et est-ce que je pourrais dormir avec toi ?

Je détourne à nouveau le regard des feuilles étalées devant moi. Depuis qu'elle est arrivée, je sais qu'elle a dormi toutes les nuits dans la chambre de notre frère, sans doute pour se rassurer. Je pense que veiller sur Lua a également aidé Léandre, il se sentait tellement coupable quand nous avons appris que nos parents et notre sœur étaient détenus par le roi. Elle poursuit sans attendre ma réponse :

— Léandre a dit que tu serais d'accord... Et ce ne serait pas la première fois qu'on dort ensemble, elle déblatère sans savoir quand s'arrêter. Tu sais quand tu es partie ça m'a fait bizarre de ne plus t'avoir dans la chambre, elle paraissait trop vide sans toi...

— Lua ? je l'interromps.

Je ne pensais pas qu'elle avait mal vécu mon départ. J'étais tellement focalisée sur ce que j'allais vivre et sur l'angoisse de les quitter que je n'ai pas pensé à ce qu'ils ressentaient de me voir partir.

— Oui ?

Ses grands yeux sont fixés aux miens.

— Tu peux dormir avec moi. Il faut juste que tu saches que je me réveille fréquemment. Parfois, je vais me promener dans le château, donc si tu te réveilles et que je ne suis pas là, ne me cherche pas et ne t'inquiète pas.

Elle hoche vigoureusement la tête et me sourit. Face à son entrain, je me rends compte qu'elle a vraiment besoin d'une présence pour dormir. Je penche la tête sur le côté.

— Quand est-ce que les gardes du roi Horos sont venus vous chercher ?

— C'était il y a deux semaines, je dirais.

— Comment est-ce arrivé ?

— Nous nous cachions dans une ferme isolée depuis plusieurs jours. Nous avons dû changer quelques fois... Léandre nous a demandé de fuir l'endroit qu'il avait trouvé pour nous cacher. Ce jour-là, il avait retrouvé notre trace et nous avions reçu un message de lui disant qu'il viendrait bientôt nous chercher, mais j'ai été tiré du lit. Plusieurs gardes m'ont attrapé, j'ai entendu maman hurler, ils m'ont mis un sac sur la tête et je ne me souviens de rien à part mon réveil.

— C'est-à-dire ?

— Je me suis réveillée toute seule dans une chambre immense. Papa et maman n'étaient pas avec moi. J'ai essayé d'ouvrir les portes sans succès. Il y en avait une recouverte de coups de couteau, comme si quelqu'un avait déjà essayé de fuir.

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant