Chapitre 21

644 40 9
                                    

Ayden sera en colère. J'ai pris la direction de mon bureau, mais sans me rendre invisible et sans utiliser de portail... La vérité c'est que je souhaite ardemment tomber sur les intrus pour avoir des réponses aux questions qui m'assaillent. Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Pourquoi sont-ils là ? Est-ce la garde du roi Horos venue gâcher mon couronnement et récupérer le prince par la même occasion ?

Égoïstement, je pense d'abord à ce que ça me ferait de le voir disparaître à nouveau, avant de penser au fait qu'il est notre monnaie d'échange pour récupérer ma mère. La culpabilité menace de m'étouffer. Je n'ai vu personne. J'ouvre la porte de mon bureau et la claque en fermant à clé. Je me retourne tout en me demandant comment je vais pouvoir faire passer le temps parce que je suis bien incapable de rester sagement dans une pièce en laissant les autres se battre à ma place... Je suis sur le point d'envoyer un message mental à Alex pour m'assurer qu'il va bien, mais je me retrouve plaquée contre la porte avec une main humide sur la bouche. Je relève lentement les yeux vers cette personne afin de l'identifier. J'ai un hoquet de surprise en le voyant. Il m'indique avec un long doigt ensanglanté que je dois me taire. Le goût du sang m'assaille les papilles. La main sur mon visage est humide à cause du sang dont elle est recouverte. Ses cheveux blancs sont partiellement recouverts de sang et son visage en est également taché. Il retire sa main de ma bouche et je n'émets pas un son, trop interloquée par cette vision d'horreur.

— Où est ta rune de communication ? me demande Éros.

Il observe déjà mes bras et passe ses doigts sur chaque bande de peau découverte laissant du sang partout où il met ses mains. Il attrape la dague que m'a confiée Ayden et la balance à l'autre bout de la pièce sans que je ne puisse réagir. Il trouve enfin ce qu'il cherchait sur mon bras gauche. Il place sa main dessus et je récupère enfin l'usage de mes facultés. Je me connecte rapidement à Ayden et appelle son nom avant qu'une vive douleur au niveau du bras ne me coupe dans mon élan. J'essaie de me dégager de la poigne d'Éros. Il place à nouveau une main sur la bouche tandis que l'autre me brûle le bras. Je hurle tout contre sa main. Je sens des larmes de douleurs dévaler mon visage. Je me débats comme une forcenée. Une odeur de cochon grillé assaille mes sens. Sa main relâche enfin mon bras, mais je sens toujours la morsure de ce qu'il vient de m'infliger. Mon regard tombe sur mon bras mutilé.

Il vient de faire fondre ma peau par la magie et ma rune a totalement disparu. J'essaie d'appeler à nouveau Ayden, sans succès. Je passe à Alex et c'est le même résultat. Seul le néant me répond. J'ai l'impression de hurler leurs prénoms dans un puits sans fond. Éros attrape à nouveau mon bras et je panique. Mes yeux doivent sortir de leurs orbites.

— Ne t'inquiète pas. Je vais te guérir.

Il applique à nouveau sa main sur ma plaie à vif. Je n'ai aucune confiance en lui à présent donc je mords la main qu'il garde sur ma bouche. Je sais qu'il n'est pas doué avec les aptitudes de guérison et vu ce qu'il vient de me faire endurer je n'ai pas envie qu'il me touche encore. Pourtant, la douleur disparaît. Il recule de quelques pas sous le coup de la morsure et m'observe. Je jette un coup d'œil à mon bras, la rune a disparu tout comme la brûlure. Ma peau est d'une blancheur immaculée, si on omet les traces de sang. .

— Va là-bas.

Il m'indique le fond de la pièce d'un geste de la tête. Mon regard explore en quelques secondes mes différentes options. La dague qu'il a lancée est trop loin, les armes sous mes jupons sont inaccessibles. Mais ce qui importe réellement c'est de savoir si j'ai envie de me battre contre lui. J'essaie de projeter mes aptitudes vers le verrou de la porte pour le défaire lentement. Je sais qu'il entendra le déclic au même moment que moi et alors je n'aurais qu'une demi-seconde pour agir.

« Clac »

Je me retourne aussi vite que je le peux et je me rue sur la porte. Je ne vais pas assez vite, je sens ses mains sur mes hanches et plus rien. Mes pieds ne sont plus en contact avec le sol et je prends conscience qu'il vient de me jeter à l'autre bout de la pièce quand mon dos frappe violemment mon bureau. J'entrouvre la bouche sous le choc et relève les yeux vers lui... Je tousse quelques fois. Je suis trop secouée pour réagir. Ça fait deux fois en moins de quelques minutes qu'il me violente volontairement. Je reste coite sous le coup de la stupéfaction. Je n'aurais jamais pensé Éros capable de me faire du mal, mais j'oublie trop facilement qu'il n'est plus le même, que je ne suis personne pour lui, si ce n'est la reine du pays ennemi. Il a le mérite de paraître étonné par son geste. Mon dos me lance aux différents points de pressions qui sont entrés avec trop de force en contact avec mon bureau. Je me relève en m'appuyant sur le meuble. Je souffle bruyamment pour évacuer l'exaspération et la colère que ce geste a éveillées en moi.

— Je n'ai pas envie de te faire de mal, mais je te demande juste de faire ce que je dis...

— Il est peut-être un peu tard pour dire ça...

— Il faut dire que tu n'es pas la personne la plus obéissante.

Je le regarde avec une colère non feinte. Je ne suis pas prête à l'écouter plus longtemps. Je tends mon bras et déploie mes aptitudes pour attirer la dague d'Ayden à moi. Quand le couteau touche ma peau, je me jette sur Éros. Je ne réfléchis plus, ce n'est pas un combat contre mon âme sœur, mais contre un homme qui vient de me brûler le bras et de me jeter sur mon propre bureau. Je frappe et il esquive encore et encore sans se défendre. Cette absence de combativité de sa part m'étonne et je ralentis. Il en profite pour m'attraper le poignet et le tordre de manière à ce que je lâche mon arme. Il me retourne et mon dos se retrouve plaqué à son torse. Je me doute que je dois à présent être couverte de sang à mon tour. La lame d'un poignard s'abat sur ma gorge et je ferme les yeux sous la honte et le dépit. Je sens son souffle près de mon oreille et j'essaie de m'éloigner de lui sans succès.

— Comme je le disais, je veux juste te demander une ou deux choses et je te laisserai tranquille.

Je garde le silence en me mordant l'intérieur des joues.

— Bon je prends ton silence pour un assentiment. Je voudrais que tu me dises où se trouvent les menottes que vous m'avez mises avant de m'enfermer dans une geôle humide.

— Elles ne sont pas ici.

— Tu mens très mal. Donne-les-moi.

Je souffle bruyamment.

— Est-ce que je peux avancer ou je risque de m'entailler le cou si je bouge ?

Il me lâche et je fais un pas en avant. Je lui lance un regard dédaigneux avant de passer derrière mon bureau, j'ouvre l'un des tiroirs et en sort le cadeau d'Heikas. Je les tends à Éros. Il essaie de les attraper, mais je retire ma main rapidement en la plaçant derrière ma tête.

— Maintenant, tu pars.

Je prie pour que dans sa fuite des gardes arrivent à le stopper ou qu'il tombe sur Ayden. Je lui tends lentement les menottes, il les saisit.

— Oui, mais non, je veux que tu fasses encore une autre petite chose pour moi.

Son petit sourire arrogant me donne envie de lui hurler dessus. Il poursuit :

— J'ai été témoin de quelques-uns de tes exploits. Je veux que tu crées un portail pour moi.

Je serre les poings et contracte la mâchoire. Je contourne à nouveau le bureau. Je lui donne un coup d'épaule en passant à côté de lui. Sans plus de cérémonie, je fais ce qu'il me demande et m'écarte pour le laisser passer. Il fronce les sourcils comme s'il ne me faisait pas confiance et je peux tout à fait le concevoir. Je lui offre un faux sourire et lui indique le portail de la main. Il s'avance jusqu'à la boule de lumière bleue en mouvement et s'arrête à côté de moi.

— Je suis désolé, mais hélas, je suis un menteur.

Il m'attrape le poignet et me tire dans le portail avec lui. J'ai juste le temps d'apercevoir un sourire malsain se dessiner sur ses lèvres. Je retiens mon souffle avant de passer le portail et lui sourit à mon tour sachant pertinemment où il nous mènera.


Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant