Chapitre 4

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La salle d'entraînement est vide. Alex se précipite vers les fenêtres et ouvre la première qui vient. Il siffle et attend que mon dragon fasse son apparition. Je regarde la verrière au-dessus de nous, elle est recouverte de neige et ne laisse quasiment pas passer la lumière. Les seuls endroits où un rayon du soleil arrive à s'insinuer c'est où la neige a fondu. J'allume le plafonnier. Alex se recule et Fëanáro entre dans la pièce.

Il a l'air heureux de pouvoir à nouveau entrer dans le château. Il tourne sur place et s'allonge en boule. Je le laisse où il est et vais chercher des bandes. J'en lance deux à Alex. Avant d'arriver, nous avons pris le temps de passer nous changer dans nos chambres. J'enfile rapidement mes bandes. Je n'arrive pas à m'empêcher de penser à mes parents. Ils ont tout fait pour nous et je suis là, obligée d'attendre pour agir. J'imagine ma petite sœur dans le bureau du monstre à Sa place. L'image de Lui se faisant fouetter m'était déjà insupportable, mais d'imaginer ma sœur à sa place me tue littéralement. Elle ressemble à Gaspard, elle est naïve et gentille, beaucoup trop douce pour ce monde, pour cette réalité. À cause de moi, de ce que je suis et de mon besoin de liberté, elle est en danger. Tout est de ma faute. J'aurais dû rester sagement enfermée dans ce palais sans échappatoire. Ma sœur ne serait pas entre les griffes d'Horos et Il ne serait pas mort.

Je regarde Alex avec détermination et il me fait un geste du menton m'incitant à commencer. J'ai besoin de me défouler. Je m'approche et nous tournons quelques minutes. On s'observe, je ne me suis jamais battue contre Alex et je l'ai rarement vu combattre. En revanche, lui, il a souvent assisté à mes combats contre Eryk. Je ne peux pas jouer la carte de la bleue qui ne sait rien faire, alors je lance mon poing en direction de son visage. Il évite avec rapidité. Mon deuxième poing passe à côté de sa pommette. Il essaie de me rendre mes coups, mais j'esquive également. Fëanáro lève la tête avant de la reposer, jugeant cette démonstration inutile. J'essaie de le faucher, mais Alex saute. L'image des phalanges blanchies de ma sœur accrochées au bureau du roi Horos me brouille la vision. Mais ce ne sont pas celles de Lua, elles appartiennent à un homme aux cheveux blancs que je ne connais que trop bien. Ses yeux bleus glaciers me transpercent. Il encaisse les coups de fouet sans avoir l'air de ressentir la moindre douleur. Quelque chose m'échappe, c'est comme si ce n'était pas la même personne. Je veux prononcer un son, mais Il me devance :

— Tu ne devrais pas être là.

Je ne perçois aucun signe pouvant attester qu'il reçoit des coups de fouet. Je fronce les sourcils sans comprendre. Le roi se stoppe en entendant la phrase qui vient de sortir de la bouche de son fils.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

Je n'ai pas le temps d'en voir plus. Ce moment d'égarement m'est fatal. Alex me frappe dans la mâchoire et ma lèvre explose. Le goût métallique du sang emplit mes sens. Je me laisse aller quelques secondes à la douleur, je l'accueille avec une facilité déconcertante. Je préfère ressentir mille fois cette douleur physique que de ressentir les millions d'émotions qui m'assaillent. Les larmes me montent aux yeux et ça n'a rien à voir avec ma lèvre. Alex le remarque et s'arrête. Je relève les yeux vers lui et essuie ma lèvre fendue en interdisant à mes larmes de couler.

— En effet, tu sais te battre, mais ça ne va pas m'empêcher de te rendre la pareille.

Je lance mon poing et cette fois il atteint sa cible parce qu'Alex a baissé sa garde. Je profite de son inattention pour attraper son bras et le reverser. Il tombe lourdement sur le torse, je garde son bras en main et me maintiens levé dans son dos. Il frappe deux fois le sol et je le lâche rapidement. Il se relève en vitesse et m'attrape le menton pour me regarder dans les yeux.

— Je t'ai fait mal ?

— Quoi ? Non.

— Mais tu allais pleurer.

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant