Chapitre 6 : Dénigrement.

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Chapitre 6.4 : Dénigrement.

          Sophie Renard était assise à la grande table de l'office, aux côtés d'Elise Dupuis qui demeurait silencieuse, cousant l'une des vestes d'Edouard De Villiers. La femme de chambre jeta un coup d'œil à son amie, qui semblait plutôt morose ces derniers temps. Sophie savait parfaitement pourquoi, nul besoin d'être un génie pour le comprendre.

Depuis l'arrivée de Mademoiselle Leclaircie, Elise arborait un visage terne, dépourvu d'éclat. Elle demeurait calme, se tenant légèrement en retrait par rapport à d'habitude. Sophie reporta son regard sur les argenteries des quartiers des invités qu'elle polissait depuis des jours entiers. Mademoiselle Leclaircie leur avait demandé, à elle et aux autres femmes de chambre, de polir toutes ces pièces d'argenterie. Officiellement, elle avait bien évidemment raison. Ces objets avaient longtemps été négligés, mais cela représentait également une charge de travail considérable. Même si la jeune femme les aidait chaque fois qu'elle le pouvait, passer une journée entière à nettoyer le château pour ensuite s'asseoir à la table de l'office pendant des heures pour frotter des objets n'était guère réjouissant.

Sophie n'avait rien contre Mademoiselle Julia Leclaircie, la nouvelle gouvernante, mais les autres demandes exigeantes de la femme, telles que le dépoussiérage de chaque étagère de l'immense bibliothèque, ainsi que l'aversion de son amie Elise pour cette femme, l'amenaient elle aussi à ressentir quelque chose envers elle. Même si elle accomplissait son travail de façon remarquable.

Revenant à son ouvrage, frottant avec détermination l'une des chandelles en argent, Sophie songea à l'amour impossible d'Elise. Elle savait que tout le monde en était conscient. Jamais la jeune femme ne lui avait parlé directement de son attirance pour Henri Deveau, mais cela avait toujours été clair. Il suffisait d'observer Elise quelques instants pour se rendre compte du regard qu'elle posait sur le jeune homme. Mais il suffisait également d'observer Monsieur Deveau, le majordome et leur supérieur hiérarchique, pour se rendre compte qu'il ne ressentait pas la même chose.

Peut-être éprouvait-il une sorte d'amitié ? S'était-il même rendu compte des sentiments d'Elise ? Ils passaient tout de même pas mal de temps ensemble, discutant notamment dans la cour extérieure, alors avait-il réellement rien remarqué ? Certainement que non, c'était un homme bon, malgré son apparence vieux jeu et stricte, s'il avait réellement remarqué quoique ce soit, il n'aurait jamais laissé Elise croire en cette histoire. De plus, les regards qu'ils lançaient à Mademoiselle Leclaircie étaient plutôt clairs, malgré leurs nombreuses disputes. Il la cherchait sans arrêt, la disputant sur tout sujet possible.

Pour Sophie, il était clair qu'il la désirait, et c'était tellement étrange à imaginer. Pas seulement parce qu'imaginer Henri Deveau amoureux était une idée particulière, mais aussi parce qu'elle travaillait dans cette maison depuis une dizaine d'années et que jamais elle n'avait entendu le mot « amour » résonner dans ces couloirs jusqu'à présent. Mis à part Elise, qui imaginait une histoire qui n'arriverait certainement jamais.

Sophie entendit un bruit venant de la porte de l'office qui menait à la cour arrière. Se retournant, elle fut surprise de voir Henri Deveau lui-même, alors qu'elle pensait tout juste à lui, entrer dans l'office. Sophie et Elise se levèrent immédiatement, comme l'exigeaient les conventions, marquant ainsi un respect envers le majordome de la maison.

Monsieur Deveau leur sourit et fit un geste vers le bas pour leur indiquer de se rasseoir. Sophie lui rendit timidement le sourire avant de reprendre place et de saisir le chandelier qu'elle nettoyait plus tôt, dans ses mains gantées.

Le jeune homme se dirigea vers la sortie de la grande salle à manger d'un pas rapide et confiant, un tire-bouchon en métal serré dans la main. Certainement revenait-il de la grande et luxueuse cave à vin du Duc, qui se trouvait à quelques pas de l'entrée de l'office, sur la gauche, vers un chemin sinueux bordé d'arbres.

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