Chapitre 9.1

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          C'est un mercredi beau et chaud qui s'annonce, quand j'arrive près de la boutique d'Annie. Je porte un simple jean et une blouse fluide beige, j'ai relevé mes cheveux avec une pince et j'ai mis juste un peu de mascara et une pointe de rouge à lèvres.

          Ma patronne m'a appelé hier en rentrant de ses « vacances » auprès de sa sœur, pour qu'on se retrouve ici ce matin. Elle avait l'air tendu, ou peut-être un peu triste d'être revenue. J'espère que tout c'est bien passé, je ne lui ai pas posé de questions au téléphone, elle aura tout le temps de m'expliquer quand on se verra, si elle a envie d'en parler, je ne peux pas la forcer à me dire ce qu'elle veut garder pour elle.

       Cela fait, maintenant trois jours que j'ai découvert la photo de moi, masquée, heureusement, dans le magazine et toujours aucune nouvelle du principal intéressé. Apparemment, je suis bel et bien une de ces filles qu'on « baise », et qu'on ne rappelle plus après. Désolé pour la vulgarité passagère, mais appelons un chat un chat.

          J'ai relu et conservé son petit mot, tout comme l'article, plus d'une dizaine de fois. Je ne sais pas si, c'est plus pour me faire du mal, ou pour me rappeler ce que je ne veux plus être, ce que je ne dois absolument plus faire.

        Bien sûr, il m'est déjà arrivé plusieurs fois de coucher avec des hommes sans lendemain, mais j'étais d'accord, je le savais et je le voulais, là, je me sens mal, à la fois triste et en colère. Mais je vais passer à autre chose, je suis jeune et bien entourée, je vais bien, je ne suis pas restée enfermée dans la chambre à déprimer, bien au contraire. Je me suis juste sentie comme un objet qu'on prend et qu'on jette à la poubelle dès qu'on s'en lasse.

         Annie m'attend déjà lorsque je passe la porte de sa petite boutique, elle a les traits tirés. J'ai du mal à reconnaître la femme souriante et pleine de joie de vivre que j'ai quittée, il y a un peu plus d'une semaine. La boutique est vide, il n'y a aucune fleur, mais ça ne m'inquiète pas, on va sûrement rouvrir demain donc, les livraisons se feront logiquement cet après-midi et les autres plantes doivent être dans l'arrière-boutique.

         Elle me prend aussitôt dans ces bras, je la sens très tendue, ce qui ne me rassure pas du tout.

- « Comment tu vas ma chérie ? » me demande-t-elle affichant un sourire que je devine forcé.

- « Je vais bien merci et toi ? » Je dois avoir à peu près le même sourire qu'elle, mais je ne veux pas l'ennuyer avec les histoires idiotes.

         Elle hésite quelques secondes avant de me répondre, et me fait signe de m'asseoir sur une des chaises près du comptoir, elle inspire et me répond enfin.

- « Je dois t'avouer que ça pourrait aller mieux, c'est d'ailleurs pour ça que je t'ai faites venir ce matin »

         Ce coup-ci, je m'inquiète vraiment, mais je ne dis rien, j'attends seulement de savoir avant de poser des questions idiotes ou de tirer des conclusions trop hâtives.

- « Comme je te l'avais dit, j'ai été rendre visite ma famille et en particulier à ma sœur car elle était malade »

         Sa voix tremble légèrement et j'ai l'impression que ces pupilles brillent comme si elle voulait retenir des larmes.

- « Elle va mieux ? » je lui demande posant ma main sur la sienne avant qu'elle ne continue à me parler.

- « Elle a eu un cancer, je le savais depuis un moment, mais lorsque je lui ai rendu visite, elle m'a annoncé qu'elle était en rémission, c'est un grand bonheur pour nous tous, on savait qu'elle était forte, mais avec ce genre de maladie, on ne peut qu'être inquiet »

- « Je suis heureuse pour elle, pour vous tous »

- « Merci ma puce, ce n'est pas uniquement pour t'annoncer cette bonne nouvelle que je t'ai fait venir malheureusement. » elle prend une grande inspiration avant de continuer « J'ai pris une décision très difficile, sache-le, mais cette épreuve m'a permis de comprendre que la vie ne tient qu'à un fil, et que je ne veux plus passer de temps loin d'elle ni du reste de ma famille. »

- « Je comprends » j'aime aussi ma famille et je n'imagine pas vivre sans eux, même si aujourd'hui la manche nous sépare, je sais qu'on se retrouvera.

- « J'ai vendu la boutique.. »

- « Oh » je reste bouche bée un instant sous le choc de cette annonce.

- « Cela faisait un moment qu'un concurrent voulait l'a racheté et j'ai finit par accepter. Je suis vraiment désolée car il ne peut pas te garder, il formait déjà du personnel en vue de l'ouverture d'un autre magasin, mais je vais faire mon possible pour t'aider et j'espère sincèrement que tu trouveras rapidement autre chose pour que tu puisses rester dans notre beau pays et réaliser tes rêves, tu le mérites tant. »

         Je suis encore un peu sonnée par la nouvelle, mais je la comprends, sa famille habite au nord de l'Angleterre, et elle veut pouvoir profiter d'eux.

        Je la prends dans mes bras, elle fond en larmes, je me doute que cette décision à été très difficile à prendre, elle possédait cette boutique depuis une vingtaine d'années et je sais que c'est une personne grand cœur et que ça l'ennuie vraiment de devoir me licencier, mais elle doit avant tout penser à elle et à son bonheur et s'il se trouve auprès de sa famille et bien qu'elle fonce, je suis heureuse pour elle.

- « Je vais parler de toi à mes connaissances pour t'aider à retrouver un emploi »

- « Je te remercie vraiment pour tout, sans toi, je ne serais déjà certainement plus là et j'ai vraiment aimé travailler avec toi, j'ai tellement appris en si peu de temps. Profite bien de ta famille, tu vas beaucoup me manquer. » les larmes coulent sur mes joues, je n'ai pas réussi à me retenir, et je suis trop sensible.

          Annie attrape une enveloppe sur le comptoir avant de me la tendre.

- « J'espère que ça t'aidera en attendant.. »

         Je la remercie avant d'ouvrir l'enveloppe pour découvrir un chèque de trois mille livres qui m'est adressé, je dois ressembler à une carpe, la bouche ouverte et les yeux écarquillés.

- « Annie... je ne peux pas accepter ... c'est trop »

- « Il est hors de question que tu refuses, tu m'as été d'une grande aide, toujours disponible peu importe quand je t'appelais, tu as été une employée-modèle, toujours souriante et joyeuse et tu es un peu comme une nièce pour moi, je te dois bien ça.. »

                                                 Attention, nouvelle crise de larmes en vue.

        Ça fait beaucoup de compliments à accepter, je la serre dans bras sans broncher, je sais que je n'aurais pas le dernier mot avec Annie.

- « Aller, maintenant on arrête de pleurer, il est midi passé, je propose qu'on aille au restaurant manger quelque chose pour fêter mon départ. Je vais me refaire une beauté, on ne sait jamais comment sera le serveur »

          Je pouffe de rire en essuyant mes larmes, je reconnais bien là, la Annie que j'ai rencontrée... pendant qu'elle se remaquille, je fais le tour de la boutique, comme pour m'imprégner de l'odeur, nostalgique, en repensant à mes premiers jours de travail auprès de cette patronne peu ordinaire.

- « Tu es prête ? » me demande Annie quand elle revient de l'arrière-boutique.

        J'acquiesce de la tête avant d'essuyer les quelques larmes qui continuaient de couler sans que je m'en sois rendue compte.

       C'est la dernière fois que je passe la porte de la boutique en tant que l'employée d'Annie, une page se tourne, annonçant, je l'espère un avenir radieux...

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À la folie 1 Émotions (Terminée)Where stories live. Discover now