Chapitre 10

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Je pense pouvoir dire sans mentir que je suis la fille la plus heureuse du monde. Chose que mes parents m’ont d’ailleurs fait remarquer lorsque je suis rentrée.

- Eh bien, s’exclame ma mère en me voyant arriver, que nous vaut ce sourire ?

J’hésite. C’est trop tôt pour leur dire, beaucoup trop tôt. En même temps, je n’aime pas leur mentir. Mais je n’ai pas le choix, je savais depuis le début que ce serait difficile. Et maintenant il faut assumer les risques que je prends en sortant avec M. Ste… Nathan.

- Rien de spécial, j’ai eu une journée plutôt correcte, c’est tout.
- Ca change de ta mauvaise humeur de ces derniers temps, me dit mon père avec un sourire.

Ah, ils l’avaient remarqué ? C’est vrai qu’avec toute cette histoire avec mon prof, je n’ai même pas tenté de sauver les apparences en faisant comme si tout allait bien. Ils ont dû remarquer mes yeux rouges et gonflés, la tristesse infinie sur mon visage, mon silence alors que j’étais perdue dans mes pensées.

Mais c’est du passé aujourd’hui.
Désormais, Nathan m’aime.
Et c’est plus que tout ce que je pouvais demander.

Je ne réponds pas à mes parents, mais leur offre un sourire qui vaut plus que toutes les paroles du monde et monte dans ma chambre. En me laissant tomber sur mon lit, je sors mon téléphone pour rentrer le numéro de Nathan dans mes contacts. Aussitôt, l’image de son téléphone vibrant sans qu’il ne réponde me revient à l’esprit. Je ne comprends pas pourquoi cela m’intrigue autant, mais j’ai un sentiment bizarre en y repensant. Comme un mauvais pressentiment…

Je chasse cette image de mes pensées, et regarde ma main gauche, où le numéro de Nathan est toujours inscrit. C’est marrant comme cette simple inscription peut me transporter à l’instant précis où il m’a attrapée par le bras pour me noter ça sur la peau… Non vraiment, je suis la fille la plus heureuse du monde. C’est un rêve qui est devenu réalité, peu importe les conséquences que ça peut avoir, peu importe les sacrifices que l’on devra faire. Je l’aime et il m’aime, on s’en fout du reste.

Comme pour me faire comprendre qu’il faut que je revienne à la réalité, mon portable vibre. J’imagine pendant une seconde qu’il s’agit de Nathan avant de me souvenir que je ne lui ai pas encore envoyé de message et qu’il n’a donc pas encore mon numéro. « Alex », me signale mon portable alors que j’ouvre le message.

- Salut ! Alors cette entrevue avec M. Stevan ?

Que répondre ? Dois-je lui mentir, à lui aussi ? Ou mérite-t-il ma confiance ? Ne sachant que faire, je lui envoie la réponse la plus recherchée du monde.

- …
- … ou … ? me répond-il en quelques secondes.

Je souris un peu plus, et tape à toute vitesse sur l’écran.

- …
- Ahah ! Je t’avais dit que ça allait bien se passer.
- Mieux que tu ne peux l’imaginer.
- A savoir ?

Je réfléchis quelques secondes avant de me dire qu’Alex ne m’a pas trahie alors qu’il savait ce que j’éprouvais pour mon prof. Il mérite de savoir.

- Tu avais raison. Il m’aime. On va dire que nous sommes ensemble, mais ça doit rester secret. Personne ne sait, pas même mes parents, sauf toi pour le moment. Tu ne diras rien, hein ?
- Promis.

Je pousse un petit soupir de soulagement. Je savais que je pouvais compter sur lui. Je décide alors d’envoyer un message à M. St… à Nathan (il va falloir que je m’habitue à l’appeler comme ça et à le tutoyer, mon dieu).

- Coucou, dis-je sans préciser de qui il s’agit.

Sa réponse me parvient tout de suite.

- Salut !
- Alors comme ça, j’ai entendu dire que tu étais amoureux d’une de tes élèves. C’est mal, tu sais ?
- J’espère que c’est toi Joy, sinon je suis dans la merde.
- Ahah, on se calme, c’est bien moi.
- J’ai presque eu peur durant deux secondes.
- Froussard.
- Froussard amoureux. Tu me manques.

Je relis son message plusieurs fois, mon cœur faisant un bond à chaque fois. Je lui manque… C’est incroyable comme il peut me rendre heureuse avec trois mots. Et il est amoureux. Amoureux de moi. Je n’arrive pas à m’en rendre compte. J’ai toutes ces images de nous deux qui me reviennent en tête, qui tournent en boucle, m’arrachant un sourire un peu plus grand à chaque seconde.

- Tu me manques aussi.

Nous parlons ainsi toute la soirée par messages, et je suis incapable de me concentrer sur autre chose. Plusieurs fois, je rigole toute seule en voyant ce qu’il me dit, regardant autour de moi sans comprendre la chance que j’ai. Les quelques secondes qui passent entre chaque message sont les plus longues du monde et je suis incapable de lâcher mon portable alors que je dois aller manger. Ma mère me le fait d’ailleurs remarquer.

- A qui parles-tu ainsi au point de ne pas lâcher ton téléphone même pour manger ?
- A… A Céline. Nous parlons du contrôle d’histoire.
- Et c’est ça qui te fait sourire à ce point-là ?
- Euh… Oui, elle est sympa et on est toutes les deux aussi désespérées l’une que l’autre.
- Je vois…

Elle me sourit légèrement mais je vois bien qu’elle n’est pas dupe. Mon père non plus d’ailleurs, qui me demande de poser mon portable au moins le temps de manger. Je préviens Nathan que je serai indisponible durant un bout de temps, et me dépêche de manger pour reprendre ma conversation avec lui. Finalement, vers 23 heures, il me dit :

- Faudrait que tu ailles te coucher, tu te lèves tôt demain.
- Ah, tu veux te débarrasser de moi ? Déjà qu’on ne se voit pas avant mercredi…
- J’ai juste pas envie de transformer ma copine en zombie, surtout qu’elle doit être concentrée pour ses cours ! On peut se voir rapidement à 10 heures si tu veux.
- En étant discrets alors, d’accord. Et je ne suis pas un zombie !
- Un très beau zombie. Qui doit aller dormir, même si j’aimerais bien qu’elle reste !
- Mouais… Bonne nuit alors.
- Bonne nuit mon ange, je t’aime.

Ah, comment ne pas craquer quand on reçoit ça ? Il est adorable. Et il prend soin de moi en plus. Et il est gentil, et drôle, et beau, et… Bon, d’accord, j’arrête de baver mais c’est pas tous les jours qu’on a une chance pareil. Après un dernier message, je finis par aller me coucher mais mets longtemps à m’endormir, me repassant en boucle tous les évènements de la journée. Je finis tout de même par plonger dans le sommeil, me perdant dans un rêve merveilleux où Nathan et moi sommes ensemble.

En me réveillant le lendemain, je m’aperçois que pour une fois, mes rêves ne valent pas la réalité. Celle-ci est meilleure. Car elle existe. Elle est vraie.

En arrivant au lycée, je vois Céline arriver en courant vers moi.

- Joy ! J’ai voulu t’envoyer un message hier, mais je préférais te parler en face ! Ca va ?
- Ca va très bien, lui dis-je en souriant.
- Comment ça s’est passé ? … Attends, ton sourire veut tout dire je crois. Est-ce que toi et lui vous…
- Chut ! Pas aussi fort, on ne doit pas nous entendre. Mais oui, tu as tout compris. Il m’aime Céline ! On doit se cacher mais on s’aime vraiment, c’est…
- C’est génial ! Enfin je veux dire, ça va être super dur mais c’est trop bien que vous soyez enfin ensemble. Je m’en doutais !

Je lui fais tout le récit de la journée d’hier, mais je suis obligée de recommencer quand Alex arrive. C’est marrant, plus je leur dis tout, plus je me sens heureuse, comme si raconter me permettait de revivre tout ça. Nous finissons tout de même par aller en cours pour aller affronter mon insupportable prof de maths. Si il y a bien une chose de sûre, c’est que je ne risque pas tomber amoureuse de ce prof-là.

- Ah, mademoiselle Carmaux ! Je vous attendais.
- Allons bon.
- Avez-vous été mise en retenue par votre professeur principal pour votre comportement inacceptable de la semaine dernière ?

J’hésite. Dire non montrerait l’incompréhensible gentillesse de M. Stevan à mon égard, et beaucoup se demanderaient pourquoi il ne m’a pas collée comme il devrait normalement le faire. Mais dire oui serait mentir. Au même moment, Céline se plante face au prof, qui la regarde sans bienveillance :

- Un problème Céline ?
- Monsieur, il faut que je vous parle, tout de suite.

Je la regarde, paniquée. Que va-t-elle dire ? Va-t-elle me trahir ? Elle ne peut pas faire ça, pas alors que je lui fais confiance à elle aussi…

- Ecoutez, dit-elle en chuchotant très vite, je suis quasiment certaine de ne pas avoir mon bac si vous ne m’aidez pas…
- Pardon ? Mais tu as 14 de moyenne, répond-il en fronçant les sourcils. Je veux bien que votre classe soit lamentable en mathématiques mais tout de même…

Marrant, il la tutoie, elle. Définitivement, il ne vouvoie que les gens qu’il n’aime pas. Je soupire doucement de soulagement en voyant que Céline ne semble pas vouloir me trahir. Elle me jette un coup d’œil presque imperceptible que le prof ne semble pas voir puis reprend :

- On peut en parler rapidement maintenant s’il vous plaît ?
- Très bien.

Ils sortent de la salle et j’en profite pour aller m’asseoir, remerciant mentalement Céline de m’avoir tirée de ce problème. Mais bon, tel que je le connais, cet abruti de prof ne me laissera pas tranquille pour autant. Au bout de deux minutes, ils reviennent et je décide d’être silencieuse et attentive durant tout le cours pour qu’il n’ait rien à me reprocher. Au bout d’une demi-heure de cours, le prof lâche :

- Bon, rigolons un peu… Mademoiselle Carmaux, allez au tableau pour faire l’exercice 34.

Je m’exécute en souriant et le prof fronce les sourcils en grognant :

- Bon, tout semble juste… Allez vous rasseoir.

Je lui offre un nouveau sourire narquois et je ressens sa haine encore plus que d’habitude, mais il ne dit rien et je m’en fiche. Lorsque la fin des deux heures sonne, je me lève et sors en première de la classe, suivie par Céline.

- Mais qu’est-ce que tu lui as dit en fait ? m’exclamé-je lorsque nous sommes assez loin.
- Que j’avais très peur pour mon bac parce qu’à chaque contrôle, je stressais et j’oubliais tout, et qu’il me fallait absolument des cours particuliers…
- Quoi ?!
- Ben ouais, je t’ai vue dans la merde alors j’ai voulu aller te sauver. Du coup, je lui ai demandé une heure de soutien le mardi à midi, parce que je savais pas quoi lui dire d’autre.
- Oh mon dieu ! Oh j’suis désolée, sérieusement !
- Tu peux ! Enfin, il a dit non, mais j’ai failli me pourrir tous mes mardis pour t’aider, imagine !
- T’es incroyable, merci beaucoup ! Tu m’as sauvée la vie là… Mais du soutien en maths quoi !

Nous rions toutes les deux et elle me lance :

- Allez, va voir ton amoureux, il doit t’attendre je pense !
- Céline… Sincèrement, merci beaucoup. T’es géniale.

Elle me sourit et je sais que je peux désormais la compter comme une véritable amie.

Je m’éloigne pour monter au premier étage retrouver Nathan, presque en courant tellement j’ai envie de le voir, avant de me rendre compte que je n’ai aucune idée de sa salle… Je lui envoie un sms pour lui demander où il est, mais il ne répond pas.
Au même moment, une voix me lance :

- Tiens Joy, qu’est-ce que tu fais là ?

Je me retourne et vois Sarah arriver. Il ne manquait plus qu’elle…

- Je me ballade, j’ai pas le droit ?
- Oh si. Ca, tu as le droit… Pas comme certains autres trucs, tu vois ? Quand t’es élève, y’a beaucoup de choses qui te sont interdites, si tu vois ce que je veux dire.

Je la regarde droit dans les yeux. Que sait-elle ? Elle n’a pas pu nous voir avec Nathan, je ne devrais pas avoir peur…

- Non, je ne sais pas de quoi tu parles, Sarah. Mais on s’en fiche. Qu’est-ce que tu fais là, toi ?
- Je me ballade, j’ai pas le droit ?

Au moment où je m’apprête à lui répondre d’un ton cinglant, mon portable vibre et affiche « Nathan Stevan : Salle 107. » Je vois Sarah loucher sur mon portable et le verrouille pour ne pas qu’elle puisse voir le nom de mon interlocuteur.

- Si, t’as le droit, dis-je en haussant les épaules. Bref, je dois y aller, salut.

Je me détourne pour prendre les escaliers et Sarah me lance un « Tu vas où ? » auquel je ne prends pas la peine de répondre. Il faut juste que je fasse attention à ce qu’elle ne me suive pas. Arrivée au premier étage, je regarde derrière moi, mais elle n’est pas là. Prudente, je lance encore quelques coups d’œil dans mon dos alors que j’arrive devant la salle 107 mais il n’y a personne. Tant mieux.

Je toque et ouvre la porte. Nathan est là. L’espace d’une seconde, mon cœur s’arrête tant mon amour pour lui est fort, et je suis tout juste capable de lui sourire en refermant la porte derrière moi.

- Salut, me lance-t-il avec un sourire.
- Coucou…

Il s’approche de moi et m’embrasse alors que je suis collée à la porte.

- Tout va bien Joy ? Tu es toute pâle…
- Je viens de croiser Sarah et… Je crois qu’elle sait.

Le sourire de Nathan disparaît.

- Quoi ?
- Elle m’a fait de drôles d’allusions à propos de choses qu’un élève n’a pas le droit de faire…
- Ah… Ecoute, elle n’a pas pu nous voir, j’ai vérifié qu’elle n’était pas là hier… Elle a peut-être compris que tu m’aimais par contre et là, elle bluffe. Si on fait attention tout ira bien, d’accord ?
- Oui… Mais si elle savait ?
- Elle ne saura rien.

Inquiète, je hoche la tête et il me prend dans ses bras. Aussitôt, je me sens mieux, comme s’il avait ce pouvoir absolu de me calmer. C’est incroyable à quel point je me sens bien quand je suis avec lui.

- Ah, et mon prof de maths a voulu savoir si tu m’avais collée comme tu aurais dû le faire, mardi dernier. Mais Céline a détourné la conversation donc tout va bien pour le moment.
- Je peux te mettre en retenue si tu veux ce mercredi après-midi, mais ça sera chez moi.

Je le regarde sans comprendre et il sourit :

- Ben quoi ? Tu veux pas venir demain après-midi ? J’ai envie de passer le plus de temps possible avec toi…
- Euh… Si, oui pourquoi pas.
- Imagine, toute une aprem sans être obligés de vérifier que personne ne nous voit, ça serait…

Au même moment, son téléphone sonne et il appuie directement sur le bouton « raccrocher » avant que je ne puisse voir le nom de l’appelant.

- C’était qui ?
- Rien d’important mon ange.
- Nathan…
- Eh, fais-moi confiance…

Je m’écarte légèrement de lui et il a l’air blessé.

- Si c’est pas important, pourquoi tu veux pas me le dire ?
- Mais en quoi ça t’importe autant…? C’est juste un coup de téléphone, et j’ai pas envie de décrocher parce que je suis avec toi, c’est tout !
- Bah je vais te laisser, tu vas pouvoir rappeler comme ça.

Sans répondre, il s’approche à nouveau de moi et m’embrasse tellement passionnément que j’en ai le souffle coupé. Au bout de plusieurs instants, il me murmure :

- Arrête d’être jalouse, c’est toi que j’aime, quand est-ce que tu vas le comprendre ?
- Probablement jamais.

Il me fait un tel sourire que je ne peux résister et que j’arrête de lui en vouloir. Au moment où je me rapproche de lui, la cloche sonne, annonçant la reprise des cours.

- Déjà ? dis-je, déçue.
- Visiblement… Allez, va en cours d’accord ? Et garde un œil sur ton portable, histoire de pas louper mes messages, ok ?
- Ca risque pas. Je t’aime, à tout à l’heure.
- A tout à l’heure, Joy.

J’ouvre la porte, lui souris une dernière fois, et me rend en espagnol. En chemin, je croise Alex qui me demande ce qui me vaut ce sourire.

- Oh, rien. J’ai juste enfin rencontré la personne qui aura changé ma vie. Et je souhaite que ça t’arrive aussi. C’est le plus beau sentiment au monde.

Déchirure -Relation prof-élève-Where stories live. Discover now