Chapitre 7: L'orée de l'addiction

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Une drogue, j'en goutte. Pour l'addiction, je suis en route.

Harry

Ce soir, je décide de sortir pour échapper à cette routine qui m'emprisonne, comme un oiseau en cage. Une fois le grappin mis sur un bar, je m'installe à une table reculée. Le tapage dans le bar, l'odeur de la sueur qui émane du corps des danseurs, la chaleur qui se dégage de leur fièvre ne me sont pas inconnus. Je choisis de ne pas danser parce que je ne me sens pas d'humeur à ça, j'ai perdu cette envie depuis que je me suis perdu. Je me plonge encore une énième fois dans la lecture du chef-d'œuvre qui sera bientôt lu par le monde entier : « Le cercle de la dérision ». 

Cet auteur a un talent fou qui me captive et qui me rend accro à ses écrits, ses mots se détachent de leurs supports pour stimuler mes neurones, inhiber mes cellules. En plein milieu de soirée, je sens une présence en face de moi, remonte mon regard sur une frimousse enfantine sous une crinière noire crépue. Mon regard se détache de l'écran et se fige sur elle, elle est belle, non mignonne, excessivement adorable. Mes yeux restent fixés sur ses petites lèvres pulpeuses, ses yeux en amande à lanuance jaune doré, son petit nez retroussé. Je n'ai pas envie de compagnie ce soir, d'ailleurs je n'en ai jamais envie. 

C'est assez ironique si on tient compte de mon métier qui m'oblige à être en contact permanent avec des gens. Je ne suis pas allergique à eux — pas tant que ça, mais j'aime la solitude. Il n'y a que mon amour pour le livre qui m'aide à former cette armure d'homme souriant et sociable, tout le contraire de ce que j'ai toujours été. La joie je ne la connais pas, je ne la connais plus. Dans le monde des livres, tu es libre et personne ne contrôle ton monde, tu es l'auteur et eux les lecteurs. Au fond, je suis seul et je ne m'attache pas. 

Je n'arrive juste pas à éprouver une réelle affection pour les autres, elle est toujours factice, forcée, du moins à quelques exceptions près. Le petit soleil en face de moi me sourit, je ne le lui rends pas. Ce n'est pas de ma faute, mon corps ne m'obéit pas tout le temps. Il s'est refroidi et endurci, détaché et isolé.

— Vous êtes seul ? me demande-t-elle.

Non, avec mon beau manuscrit que je lis et que tu interromps. Je ne lui réponds pas, mes yeux la fixent toujours, ils ne peuvent se détacher d'elle.

— Vous êtes un vampire ? Parce que vous leur ressemblez beaucoup, continue-t-elle.

Je reste surpris par sa question, mais comprends que c'est un personnage doré d'une épaisse couche d'atypisme. Je ne parle toujours pas parce que je suis plus actif mentalement que physiquement. 

Mes pensées, comme des cellules en effusion se démultiplient chaque seconde, comme la moisissure, s'imposent à une vitesse fulgurante, or mon corps, morose ne s'exprime pas. Elle soupire d'exaspération et se lève. Mon masque d'homme sociable ne devrait pas rester accroché à mon visage d'homme perdu dans ce bar, il devrait le laisser respirer. Je n'ai pourtant pas envie qu'elle parte, elle captive mon attention.

— William et toi ? lancé-je involontairement.

Je ne veux pas qu'elle parte, mais elle n'a pas besoin de me connaître. Ce faux prénom sert à ça. Elle a l'air satisfaite puisqu'elle finit par s'installer de nouveau.

— Olivia, ment-elle.

Je lis facilement à travers les gens, comme le lecteur perspicace lit à travers l'écrivain. Mon humeur bascule encore sans crier gare, se substituant à une humeur joueuse. Je la vois comme une personne égarée qui peut me servir à aller mieux, à découvrir de nouveaux horizons. Parce que ma vie ne se résume plus qu'à ça : trouver un remède pour éteindre le feu qui calcine mon cœur.

Tentation en éditionWhere stories live. Discover now