Chapitre 12: Piétine mon cœur

257 33 9
                                    

Libère-moi d'eux, éteins en moi ce feu.

˜˙∆˙˜

Harry

Elle doit me prendre pour un dérangé. Je suis parti de chez elle comme si j'avais le diable à mes trousses, je l'ai évitée toute la semaine, mais je finis par la contacter le weekend pour une mission. À vrai, dire je ne me comprends pas non plus.

J'ai compris bien assez tôt que Michelle serait différente de toutes les autres personnes que j'ai rencontrées, qu'elle était spéciale. Sa seule présence ces derniers jours m'a fait revivre ces belles choses que j'ai enterrées avec mon passé, ces choses que je fuie, mais qui me frappent le visage de plein fouet quand Ginger est dans les parages. Je ne sais pas ce que c'est.

Je n'ai jamais éprouvé cet intérêt pour une personne, accordé autant de valeur à une personne, parce que je me suis toujours considéré comme allergique à la société. Elle, avec son sourire candide, sa bienveillance et toutes les bonnes ondes qui se promènent dans son sac, brise les barrières qui se sont formées autour de moi. Ça m'effraie, je n'ai pas besoin de ça. S'attacher, c'est comme s'asseoir sous une épée, c'est comme boire un poison sucré, ça fait mal, atrocement mal.

C'est dangereux. Pourtant, plus j'ai voulu créer cette distance, plus elle s'est rétrécie entre nous. Michelle est devenue une drogue dont je n'arrive pas à me sevrer. L'excuse parfaite pour la revoir et faire comme si de rien n'était a alors été cette infiltration. D'ordre général, j'aime me charger de mes affaires tout seul. Vendredi soir, assis dans mon fauteuil favori, dans mon salon vide d'émotions — aussi impassible que moi, je me saisis alors de mon téléphone et compose le numéro d'Abdou.

— Yo, frérot, m'aborde-t-il directement.

J'ai peut-être exagéré en disant que personne ne me connaissait. Abdou me connaît, Audrey aussi, du moins, ils sont mieux informés que tous les autres. Mes mystères les plus fous restent enterrés sous mon cœur, un cœur qui a brûlé des années plus tôt.

— Demain, j'ai une investigation à faire, je voudrais savoir si tu peux conduire Michelle au parc, déclaré-je.

— Tu n'es pas malade par hasard ? me rétorque-t-il, la stupéfaction planant dans sa voix.

Il a déjà compris où j'en venais.

— Je vais bien oui, je pense juste que ce serait la couverture parfaite, expliqué-je.

— Je le ferai, répond-il, tu devrais te laisser aller, Michelle pourrait t'aider à...

— Non. Ne continue pas, le coupé-je un peu froidement. Je n'ai plus besoin de personne pour ça, c'est bien trop tard.

Il soupire, mais n'insiste pas. Il sait combien je peux devenir irritable quand l'on s'acharne à me replonger dans les vagues démoniaques du passé. La seule évocation qu'il vient d'en faire a déclenché un incendie dans mon cœur, réveillé de vieux squelettes momifiés qui tentent de me hanter et accéléré mon pouls. Le passé est enterré, Harry avec. Mais Michelle creuse, creuse encore et encore pour le déterrer.

Le lendemain, j'embarque avec Michelle et tout se passe à priori bien. Elle n'évoque pas trop le sujet qui fâche et je m'en réjouis. Lorsque le dénommé X comprend que quelque chose cloche, je me creuse rapidement les méninges puis débouche sur une échappatoire : me faire passer pour le mari possessif et jaloux, ce qui fonctionne bien. À la fin de notre entrevue, un bulldozer nous arrête.

— Monsieur, nous n'avons pas trouvé leurs noms dans le registre.

Michelle se tend tandis que la panique encercle son regard. Je ne cille pas, je m'y attendais. Je renfrogne la mine, lançant un regard noir à monsieur X.

Tentation en éditionWhere stories live. Discover now