Chapitre 15: Tenter

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Harry

La voir devant cette porte me glace le sang, mon pouls s'accélère tandis que mon cœur feint de s'arracher de ma poitrine. Respirant difficilement, je l'arrête puis la conduis vers sa chambre tout en m'assurant de lui donner un de mes T-shirts. J'ouvre de nouveau la grande porte pour vérifier que tout est « intact ». 

Une fois fait, je la referme doucement puis me rends dans la mienne. Dès que ma tête touche l'oreiller, mes pensées pulsent dans ma boite crânienne. Le baiser. Il est collé à mes lèvres, imprégné à mon esprit. Imprévisible, tendre, désespéré. Michelle n'a pas le droit de me faire ça, d'être attirée par moi. Elle n'a pas le droit de tout gâcher... de me pousser à tout gâcher. Je sais que ça signifiait beaucoup pour elle, que je n'aurais jamais dû l'embrasser une première fois dans le bar, mais jamais je n'aurais pensé qu'elle le prendrait ainsi. 

En dépit de ça, à la voir si vulnérable, si contraire à la Michelle d'habitude, si brisée, mon cœur s'est mêlé à sa souffrance. Je n'ai voulu qu'une chose : la prendre dans mes bras et l'étreindre pour toujours, l'étreindre jusqu'à ce que nos corps fusionnent. La protéger du monde, de la douleur, du vice. La rendre heureuse. Elle doit se sentir à présent rejetée de tous, même par moi qui lui chantais il y a quelques minutes qu'elle était parfaite... elle l'est. Peut-être même trop. 

Tellement que je n'ai pas vu les imperfections que cachait cette perfection. Son parfum est verrouillé dans mes narines, chaque mouvement que je fais amplifie cette gêne en moi, cette envie dont je n'avais pas connaissance... cette tension, la tentation. Ce n'est pas possible. Je n'ai jamais ressenti ça. Pourquoi maintenant ? Je passe une main nerveuse sur mon visage en grognant faiblement. Mes idées sont embrouillées. Je ne sais pas comment agir. Audrey est amoureuse de moi, je n'ai jamais pu la combler.

 Michelle se hisse sur la même pente glissante. Suis-je condamné à faire du mal aux autres ? Pourquoi faut-il qu'elles soient attirées par la personne la moins bien placée, celle qui ne sait rien des vraies relations humaines, qui passe sa vie à jouer un rôle, à se glisser dans la peau du personnage qu'il n'est pas. Je ferme mes yeux pour implorer la visite de Morphée, mais une seule image s'impose à mes paupières fermées : Michelle, ses lèvres, son baiser. Elle ne me plait pas, Michelle n'est qu'une amie. Un remède ne doit pas se convertir en infection, non.

*

Après mon rituel matinal, je fais le petit déjeuner. Michelle descend quelques minutes après, flottant dans ma chemise, les cheveux en bataille et le visage serré : énormes cernes, yeux rouges, bouche pâteuse.

 On dirait presque qu'elle a veillé et pleuré toute la nuit, je l'aurais entendu si c'était le cas. Je crois. Elle se frotte doucement les yeux et pose son regard sur moi. Mes poils se hérissent, je me crispe et reporte mon attention sur la table. Je porte ma tasse de café brûlant à ma bouche, le liquide me brûle, mais je prends sur moi ne pas grimacer.

— Bonjour, ! commencé-je.

Elle s'installe, nonchalante. C'est bien la première fois que je vois une fille aussi peu inquiète de son apparence du matin. Le pire c'est qu'elle est encore plus attirante comme ça. Attirante ? J'ai associé le mot << attirante >> à Michelle ? Oui. Je crois que je suis malade. Je me mords violemment les lèvres pour effacer ces idées de ma tête.

— Bonjour, Harry ! J'espère que tu as bien dormi, me répond-elle à travers un sourire.

Son sourire et son ton complaisant me poignardent en plein cœur. J'ai été acerbe avec elle. Le lendemain, elle me sourit comme si de rien n'était. Je n'insiste pas. Je ne veux pas que nous allions sur ces sentiers sombres qui ternissent les relations. L'attache, l'affection... l'amour rendent faibles, vulnérables et dangereux. Mon regard s'attarde sur son visage, j'ai l'impression de le redécouvrir. 

Tentation en éditionDonde viven las historias. Descúbrelo ahora