ÉPISODE 119 - (partie 9/12)
Le prélude était une composition conjointe des Beat'ONE et Edvin. La salle, plongée dans un éclairage subtil, se laissa envahir de notes dramatiques. La touche d'Edvin survint lorsque le poème symphonique devint cinématographique. À mesure qu'il distribuait les rôles et définissait les répliques de chaque instrument, il troquait sa veste de chef d'orchestre compositeur avec celle de metteur en scène.
L'ouverture s'écoutait avec attention, pour ne rater aucune clé de l'intrigue. Deux trouble-fêtes créèrent les premiers rebondissements. Les guitares puissantes de Korgan et Red imposèrent un rythme à l'envolée mélodique. Avec l'aisance de l'assurance, le chef d'orchestre accéléra le tempo, lorsque la formation rock au complet s'inséra dans la symphonie. Transporté, le public retint son souffle.
Solennelle et grave, la tragédie lyrique devint extatique. Elle n'aurait pas déparé en bande-son de blockbuster. Les notes funestes et sentencieuses se coloraient d'exubérance, sans perdre en majesté. L'orchestre concoctait la formule musicale de l'exaltation. Le rock et le classique se lançaient un défi : marier l'harmonie et l'erratique. Faire flirter la symphonie avec le hiératique.
Il fallut arbitrer ce duel, tâche que s'arrogèrent des doigts de fée sur les touches du piano. L'entrée d'Heidi apporta une seconde sous-intrigue. Ce nouveau souffle donné à l'ouverture arracha des frissons, autant sur scène que dans le Palais d'Opale. L'acoustique de la salle de spectacle changeait le jeu en épique et parait le son d'un manteau de fantasy. L'univers imaginaire de la pianiste prit vie.
L'arrangement, sublime, inspirait l'ovation. Grisé par la grandiloquence de la symphonie, le public fit un triomphe aux musiciens. La soirée s'annonçait spatiale. Un break survint de manière inattendue.
— Ce soir, je serai un peu égoïste, commença Red. Je vais surtout chanter pour moi. Votre présence le changera en moment de partage, je l'espère. Mais avant, je voudrais dédier le prochain titre à mon alter-égo.
Le public s'excita. Sifflements et spéculations. On évoqua un éventuel amant, on émit l'hypothèse de son coming out. Dean remua la tête, consterné par le galop de ces imaginations. Red sourit.
— Je vous vois venir. Je dédie LOVE, KISSES & ADORE à ma meilleure amie. C'est une chanson que je n'aurais pas pu écrire sans la venue au monde de mon filleul.
À la surprise du groupe, il se trouva des fans de Mìo Poppy-Garett dans l'assemblée. Red leur accorda cinq secondes d'expression puis embraya :
— Sacha, j'admets que les gars et moi sommes souvent lents à la détente, d'où ta manie chiante de tout prendre en main. (Il suscita quelques rires.) Mais je n'aurais jamais pensé que le jour viendrait, où notre ouragan Sacha nous manquerait. Tu veux bien rentrer à la maison ?
Des murmures intrigués emplirent le Palais d'Opale. Sacha se mordit la lèvre inférieure et lutta contre ses larmes. Le retour de la pénombre lui préserva quelques pans de dignité.
— Ces idiots vont me le payer ! Ils font couler mon maquillage.
Une lueur bleue, ténue, émergea de la scène, en même temps que les premières notes du piano. Le jeu des projecteurs, synchrone à la musique, permettait la lecture des partitions mais surtout de suivre la direction du chef d'orchestre. Lorsque la mélodie s'ébranla, Red avait quitté sa place et s'était délesté de sa guitare. Il n'y toucherait plus jusqu'à la fin du spectacle. Son meilleur instrument restait sa voix ; cette voix qui parlait au cœur des gens.
"Love, kisses and adore
Are what you're made for
I have dreamt of you
An angel sent to me
To always be with you"Sweet, sweet lullaby
Whispered from the heart of a mother
Little, little butterfly
Gently flying upon an innocent dreamer
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HOT CHILI - saison 4 ▄ PARTIE II
Romance. Quand le rock se marie au classique, les Beat'ONE font des rencontres bénéfiques à l'évolution de leur carrière. Mais l'une d'elles semble vue d'un mauvais œil par Dean, qui pressent des complications pour son couple. ...