Chapitre 3 Esteban

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On arrive devant la maison de Mamie cookie, c'est comme ça qu'on l'appelait. Apprendre sa mort c'était comme recevoir un coup de poignard dans la main, pas assez pour tuer, suffisamment pour me marquer à vie.

Ça m'a rendu mélancolique, elle a toujours été plus que la mamie de Baptiste, c'était une vieille amie, une personne à part entière dans ma famille spirituelle, et la famille spirituelle a toujours eu une plus grande place dans mon cœur que mes liens de sang vides de sens.

Sa maison est vieille, presque ridée, mais elle respire les souvenirs heureux et la bonne odeur des gâteaux sortis du four. La façade faite de tuffeau s'effrite à certains endroits, je ne le vois pas dans la nuit mais j'y ai passé suffisamment de temps pour apprendre par cœur chaque petit détail de son âme. Les volets sont bleu roi, rayés de rouge bordeaux qui s'envole à la moindre tempête, et laisse du blanc grisâtre derrière lui.

Baptiste pousse doucement le petit portillon comme s'il avait peur de faire du bruit.

-Tu ne risques pas de réveiller qui que ce soit tu sais... 

Il sursaute en entendant ma remarque, je crois qu'il ne s'en était pas rendu compte. Maintenant il me regarde avec un air compliqué. Je comprends, quel trouillard celui-là alors, je passe devant lui en ébouriffant ses cheveux bruns. Ses yeux gris bleu me regardent avec un air vexé. J'aime notre langage sans mots, j'aime encore plus l'embêter. J'aurais aimé qu'on soit frères depuis toujours.

Je passe le portillon en faisant de grandes enjambées, je ne me retourne pas mais je sais qu'il est presque à courir derrière moi, rien que cette pensée me donne le sourire. La porte est verrouillée, je sors le double de mes poches, je mets la clef dans la serrure, je tourne, la porte s'ouvre.

Baptiste me regarde avec un air bouche-bée.

-Appelle moi James Bond

-Mais ... comment ? Depuis quand ?

-Information confidentielle.

Je ricane et entre dans la maison, j'adore faire ça. Je plaque mon poing sur l'interrupteur avec énergie, les pièces s'illuminent.

Mon sourire retombe, je suffoque, comme si on m'avait placé un uppercut entre les côtes.

Tout a été laissé comme si elle était encore là, en train de dormir.

Ça fait mal, je sens que Baptiste est dans le même état. Sans rien dire, on traverse l'entrée et ses souliers soigneusement éparpillés, elle n'arrivait jamais à retrouver les paires et en piochait souvent deux au hasard. Sauf ses chaussures du dimanche. Elles trônaient en haut de l'étagère, blanches, fines, recouvertes de fleurs. Elle les appelait chaussures du dimanche, mais en réalité je ne les ai jamais vues ailleurs que sur l'étagère, entre deux chiffons poussiéreux. On traverse le salon, son canapé en cuir usé, sa télé d'un autre siècle. Les escaliers grincent sous nos pas. On monte sans s'arrêter au premier étage, on va dans le grenier.

Je sais ce que je cherche. Une vieille boîte en bois aux lisières dorées, pas plus grande que ma main.

Baptiste n'en sait rien, Mamie cookie m'en avait parlé un jour alors  qu'elle rendait visite à sa famille. Elle avait peut-être trop bu, peut être que c'était des paroles en l'air, mais elles sont restées gravées à tout jamais dans mon esprit, depuis 6 ans au moins.

« Tu sais Estéban, un jour je serai partie, si je pars, je veux que tu ailles chercher mon collier. Pas pour me le donner, mais pour que, avec Baptiste, vous alliez le remettre à sa place. Je n'ai jamais eu le courage de le faire, mais je sais que vous deux, vous y arriverez. »

Keep it magicalWhere stories live. Discover now