Chapitre 10 Rose

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Cinq jours. Cinq jours que j’ai fait ce drôle de rêve sur mon père. La lune est passée du premier quartier à une pleine lune totale. Cela me permet de faire de longues balades la nuit, éclairée par cette face livide. Je pense beaucoup lors de ces balades. Mon père, l’arme, ce que je dois faire. Je suis perdue, presque sonnée par ce qui s'est passé. Lorsque je réussi à dormir, ce sont les images et les paroles de mon pseudo père qui me reviennent.  J’ai peur de confondre rêve et réalité. Si seulement Nathan était là pour m’aider, il me manque terriblement. Il devrait, cependant, sortir d’ici peu de la prison.  J’espère, si ce connard de directeur se décide enfin à signer les papiers.
A part mes balades nocturnes, je reste chez moi la journée. Je me repose, je réfléchis, je lis. Presque une vie de chat, dormir, manger, respirer. Les seuls moments sociaux que j’ai pu passer c’est avec Marie-Ange. Cette femme qui m’a appelé suite à mes annonces que j’ai déposées dans les magasins. Elle a besoin d’aide pour son jardin, son immense jardin.
Quand je suis arrivée chez elle, j’ai cru rentrer dans un livre de princesse. De vieux arbres fleuris, des lierres rampants sur les murs, des fleurs magnifiques exposées sous leur meilleur jour, un court d’eau qui ondule paisiblement, remplis de gros poissons orange, les oiseaux qui chantent, une grande volière de tourterelles, des écureuils, des lapins... un petit rêve éveillé.  Seules les herbes hautes et les mauvaises herbes chassent la magie du lieu.
Je me suis dirigée vers la grande demeure en pierre blanche, entourée de rosiers rampant, aux fleurs d’une senteur incroyable. Une dame du certain âge se trouvait sous le porche, dans une rocking chair en bois d’érable. C’était Marie-Ange. Elle m’a expliqué les choses à faire. Toutes les deux semaines, passer pour tondre sa pelouse et retirer les mauvaises herbes.
Alors j’ai remonté les manches afin de commencer mon petit boulot. J’y ai passé mon après-midi, mais le résultat final en valait la peine. Le jardin a retrouvé son charme féerique.
En revenant vers la maison pour déclarer mon travail terminé, j’ai vu la porte entrouverte. J’ai décidé de rentrer afin de retrouver Marie-Ange. L’intérieur était aussi magique et fantastique que le jardin. De vieux bibelots étranges trainaient sur les étagères en dessous des grands tableaux colorés, entre les animaux chimériques empaillés qui semblaient me fixer avec attention. Une odeur de rose fanée se mêlait à celle de fleur d’oranger et flottait dans l’air, comme imprégné dans le papier peint fleuri.
Je retrouvai la propriétaire assise dans de grand canapé, deux tasses fumantes face à elle. Elle m’avait expliqué qu’elle avait vu une sorte de trouble et de mal-être en moi. Elle avait donc fait une tisane à base de trèfle rouge, de scutellaire, un « tonique nerveux par excellence » selon elle et de bétoine, un autre tonique nerveux qui calme les tensions du corps. Ainsi qu’un ingrédient “Secret” qui m’aidera à dormir.
J’avais décidé de faire confiance à cette vielle dame et de boire cette concoction “magique” tout en parlant avec elle.
J’ai découvert que Marie-Ange était tombée amoureuse très jeune d’un homme prénommé André. Celui-ci était aussi fou amoureux, mais c’était un jeune caporal de l’armée de terre. Ils ne se sont jamais mariés car lorsqu’elle a eu 19ans, il a dû partir en mission pour la guerre du Vietnam. Il n’en est jamais revenu. Entre temps elle s'est rendue compte qu’elle était tombée enceinte d’André. Mais la grossesse s’est mal passée, le bébé est mort. Elle a perdu l’homme qu’elle aimait et le fruit de leur amour. Je trouve que Marie-Ange est dotée d’un courage impressionnant. Mais elle a su remonter la pente, ne pas se laisser abattre, elle s’est mariée avec un homme raisonnable pour faire plaisir à ses parents. Elle n’a jamais voulu avoir d’enfant, à cause du premier perdu. Elle a vécu des années et des années au bras d’un homme pour qui elle n’avait pas de réel sentiment. Cet homme qui, lui, était amoureux ; qui lui a pourtant tout offert, cette maison, une vie de luxe, et tout son amour. Pourtant le cœur a ses raisons que la raison ignore ... Il n’était pas André, aucun homme n’avait jamais été pareil. Son mari est mort il y a maintenant 5 ans et elle vie grâce à l’argent qu’il lui a légué.
Alors qu’elle me racontait cette incroyable histoire, j’ai bu toute ma tisane sans broncher. Hypnotisée par la force et le courage de cette femme.
Je suis partie avec un bon chèque de 90€. J’étais comme ... pressée de revoir cette femme dans deux semaines. Pas pour l’argent, mais pour elle. Cette personne remplie de magie, de vaillance, de courage m’attire.  Je veux en découvrir plus, pouvoir être comme elle. Notre discussion a duré jusqu’à la tombée de la nuit. J’ai pourtant l’impression de n’avoir parlé que quelques minutes avec elle. Cependant le fond de tisane froide me prouvait le contraire.
Je suis partie, suis rentré chez moi et j’ai dormi comme un bébé. Je n’ai pas repensé à toute cette histoire de dieux, d’arme et de père depuis hier. Ce matin, je me suis réveillée tranquillement, je ne m’étais pas sentie aussi en forme depuis un certain temps. Je regarde le reflet de lumière dans ma tasse de café, et j’y plonge un sucre. Le liquide noir amère absorbe le sucre blanc instantanément, et celui-ci se décompose en dizaines petits grains translucides.
Dans la salle de bain, je m’observe un peu avant de mettre mes lentilles. Tant de moqueries ont fusées sur mon cœur et corps. A chaque fois que je me regarde dans le miroir, je réentends ces mots blessants. Aujourd’hui, j’ai l’arme pour me battre : Erastis. Une balle rouge au cœur de ceux qui m’ont détruit.  “la personne aura des problèmes dans ses relation amoureuses. Mais pendant seulement deux mois pour éviter une sentence trop lourde “. Deux mois, c’est peu, beaucoup trop peu comparé à ce que j’ai subi.
Je tire sur ma paupière pour mettre ma lentille marron, terne, au-dessus de mon œil vert. Mais je reste figée, je réfléchis, mon œil commence à s’assécher. Je repose ma lentille. Non, je ne serai pas normale aujourd'hui. Aujourd’hui, je suis Rose, en entier.
Je prends Erastis et la bourse magique. Je sors de chez moi, déterminée à enfin pouvoir punir ceux qui ont fait couler mes larmes. Personne ne voit l’arme que je caresse du bout des doigts, personne d’autre que moi. La seule menace qu’ils verront sera ma colère au fond de mes yeux. J’avance à grands pas, je m’engouffre et me dissous peu à peu dans cette ville sombre aux mille et un visages. Je cherche à reconnaitre des personnes qui auraient pu me blesser, me blâmer, me briser. Je chasse, j’observe mes proies. La haine coule en moi, elle envahit chaque cellule de mon corps. Mon sang est chaud, bouillant. Je prends les balles dans mes mains, la blanche, la rose, la rouge et  la normale. Je fixe celle qui peut donner la mort. Et si ...
Ma sonnerie de téléphone me fait sursauter et me sort de ma transe. Merde qu’est-ce que je faisais ? Me venger ?  J’essaie de jeter mon arme. Mais je n’y arrive pas, je la tiens trop fermement, j’y tient trop fort. C'est le cadeau de mon père, le cadeau d’un dieu. Le pouvoir qu’il m'a transmis, mélangé à cette ancienne haine, a fait surgir une mauvaise partie de moi qu’il faudra que j’apprenne à contrôler. Le souffle haletant je range mon arme et ma bourse dans le sac et en sort mon téléphone qui n’a pas fini de sonner.      
-Oui, allo ? Décrochais-je la voit éreintée par les émotions.
-Salut Pâquerette, je ne te dérange pas j’espère ?
Je reconnais le ton enjoué d'Estéban. Depuis qu’il m’a déposé chez moi après l’hôpital je ne l’ai ni revu, ni reçu d’appel. Mais je sais que je lui dois quelque chose, alors j’étais sûr que tôt ou tard on aurait retrouvé contact. Et ce petit papillon blanc m’a clairement fait comprendre qu’il aura un rôle important dans ma vie.
-Bonjour Estéban, non tu ne me dérange pas
Surtout merci de cet appel qui m’a permis de revenir à moi-même.
-J’aurais... un petit service à te demander...
-Evidemment. Je t’écoute...
- Génial, rendez-vous demain matin au café des trois trèfles sur la place du marché, je paye le petit déjeuner. A 7H30 et vient bien habillée, enfin du genre BCBG. Bref, à demain !
Nul temps de répondre ou de protester qu’il a déjà raccroché. Je n’ai pas d’autre choix que de faire ce qu’il m’a dit j’imagine...
Je profite que je sois sortie pour déposer mes deux chèques, celui de Jean-François et celui de Marie-Ange.  C’est drôle, on dirait que les prénoms composés ont besoins de mes services en échange d’argent.
Après être passée à la banque, je prends un plat de nouille sautées que je mange sur le trajet en rentrant chez moi. Leur gout me rappelle les soirées film et nouille sautée que l’on se faisait le samedi soir avec Nathan et ma tante... Ils me manquent. Nathan devrait revenir d’ici lundi, enfin j’espère. Tout de façon, les sorties de prison ne doivent pas avoir lieu le dimanche j’imagine.
Je reste chez moi pour tenter de trouver une tenue assez “BCBG”, je dois dire que ce n’est pas tellement mon genre. Je dois bien avoir une chemise unie quelque part …

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Coucou,
Petit retour de Rose😍
Que pensez vous de cette Marie-Ange ?
Aujourd'hui pas d'image de tête de chapitre rocambolesque, alors voici un autre dessin de Su' qui n'a rien à voir avec l'histoire.
N'hésitez pas à la suivre du Instagram sous son pseudo @grumpy_pandora.
Aller, à la semaine prochaine 🤗

Aller, à la semaine prochaine 🤗

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04/11/2018

Keep it magicalWhere stories live. Discover now