Chapitre 14 Esteban

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Je suis allé chez Baptiste à pieds, j’y vais rarement en moto tout de façon. J’aime bien marcher, ça me permet de penser, remettre de l’ordre dans mes idées. Dernièrement, il s’est passé tellement de choses ... l’anniversaire d’Hana, la mort de Mamie, Rose … j’ai l’impression que tout me tombe dessus en même temps, il est temps de souffler. Je me rends compte que je n’ai rien offert à ma petite Hana, les pensées trop occupées par le reste. Je vais devoir me dépêcher pour me rattraper … peut-être une fête ? J’en parlerai à Baptiste. Plus important qu’organiser des fêtes, en ce moment mes pensées sont censées être tournées vers mon futur. Je soupire, quelle plaie … pourquoi maintenant ? J’ai 19 ans, 18 de moyenne en maths et en physique, et c’est la deuxième année que je suis confronté à ce dilemme. L’année dernière j’ai simplement décidé de me laisser encore du temps, mais maintenant je dois choisir … et j’ai l’impression que plus le temps passe plus je suis perdu, même plus sur de vouloir vivre au-dessus de 30 ans, effrayé par la routine. J’ai peur que ma vie devienne normale ; c’est tellement insensé, vivre par ce qu’on est nés, par ce que c’est comme ça qu’on doit le faire... j’aurais aimé que les pensées soient physiques, que je puisse les laisser prendre la poussière dans un coin, les chasser d’un haussement d’épaules. Mais non, j’ai l’impression qu’elles me hantent et qu’à chaque silence un peu trop long elles en profitent pour se jeter sur moi.
Je relève la tête, je regarde les arbres qui commencent timidement à se couvrir de vert, les petits bourgeons encore cachés. Je passe devant chaque semaine de chaque année depuis si longtemps … je sais que leurs fleurs blanches et roses s’ouvriront dans quelques semaines. C’est ma période préférée de l’année, c’est toujours magnifique, à couper le souffle. Dommage, les fleurs sont éphémères et au bout de deux semaines, il n’en reste que quelques pétales fanés sur le sol en béton.
J’arrive devant le mur qui fait le tour de la propriété des parents de Baptiste. Je ne passe pas souvent par le portail, j’ai ma propre entrée. Je saute sur le dossier du banc en fer forgé et m’agrippe à la branche du chêne. Je me retrouve rapidement de l’autre côté. Je souffle un peu et me dirige vers la grande maison.   

Je croise Charlotte en rentrant dans la demeure, elle me salue d'un sourire chaleureux :
-Bonjour Estéban, si tu cherches Baptiste il est dans sa chambre. Fait attention en traversant, Hana est en plein cours de Maths.
-Je ferai attention, merci.
Je traverse l’entrée et monte les grandes marches de marbre rose en faisant le moins de bruit possible. J’ouvre la grande porte en bois noir avec précaution, elle ne fait aucun bruit, ne grince pas. Rien ne grince jamais dans cette maison, tout a toujours été silencieux et j'ai toujours trouvé ça étrange. Hana me voit et me fait signe de ne pas faire de bruit, Rose me fait un signe de main discret. Je leur réponds par un sourire amical et traverse la pièce.
J'entre dans la chambre de Baptiste, suffisamment rapidement pour le voir sursauter et se tourner vers moi. Je lève automatiquement les mains en signe d'innocence.
-Détends toi vieux, je suis dénué de toutes mauvaises intentions.
Il me regarde avec un air soulagé et soupire, avant de faire la moue.
- Frappe avant d'entrer s’il te plaît.
Je ne pose pas plus de questions, il a l’air sérieux. Je m’assois sur son lit en baillant. Baptiste me regarde et retrouve le sourire.
- J’allais me baigner, tu viens ?
- Evidemment !
J’aime nager, encore plus dans de l’eau chauffée à 30 degrés alors qu’il en fait 10 dehors. Je ne vais jamais à la piscine municipale, l’idée d’être dans la même eau que des gamins incontinents et des vieux graisseux ne m’attire pas vraiment. Baptiste ouvre un tiroir et en sort nos maillots de bain et deux serviettes. Je passe devant, il a l’air réticent à l’idée de passer dans la grande pièce où travaillent Rose et Hana.
-On va les déranger, ou pourrait peut-être faire le tour ?
Je hausse un sourcil, pas envie de faire le tour de cette maison, elle est trop grande. Et puis je m’en rends compte.
-T’as peur de passer Rose ?
Il détourne le regard, touché. Je m’esclaffe, il exagère un peu là.
-C’est bon elle va pas se jeter sur toi, relaxe. T’es un peu trop tendu en ce moment. Au pire ignore la, je m’occuperai de te trouver une excuse pour qu’elle ne te déteste pas.
Il soupire
-J’ai bien peur que ça ne soit trop tard …
-Oooh, il va falloir que tu m’expliques ça, Rose est plutôt pacifique si je me souviens bien.
-…
Il a l’air d’hésiter à me dire quelque chose, je note dans un coin de ma tête de lui demander plus tard. En attendant, je n’ai pas envie de faire le tour.
-T’as qu’à te cacher derrière moi
Il a l’air vexé, il hésite un peu et à mon grand étonnement il finit par accepter en soupirant.
-Je dois être désespéré.
Je souris, il se place dans mon ombre. J’ouvre la porte délicatement, Rose se retourne, elle semble remarquer Baptiste et elle se retourne vivement. Ma curiosité est piquée à vif, j’ai hâte de savoir ce qui se passe. Arrivés devant les escaliers, je sens mon ami se détendre, on traverse rapidement le grand hall d’entrée et on prend le chemin de la piscine. L’air est frais, je ne regrette pas mon gros sweat. La piscine est dans un grand bâtiment qui comporte des vestiaires, on s’y dirige et on se retrouve rapidement devant le grand bassin d’eau limpide.
Je m’assois sur le bord, les jambes trempées dans l’eau tiède. Je ferme les yeux … les rayons du soleil traversent le dôme transparent et me caressent la peau. Je me sens apaisé. L’odeur de l’eau est douce, son contact aussi. Baptiste entre dans l’eau, de petites vagues viennent me lécher les genoux, on n’entend que les bruits de l’eau qui résonnent contre les parois de la piscine. Je fixe la lumière…elle ondule tranquillement dans le fond bleu… tout est si calme, loin de la tempête. Je me relève, Baptiste finit sa longueur. Je brise le silence avec une voix intriguée.
-Alors, qu'est qui s'est passé avec Rose ?
Il soupire, et me regarde avec un air dépité.
-Laisse tomber …
On sourit tous les deux par ce qu'il sait pertinemment que je n'abandonnerai pas.
-Une course ? Si je gagne tu me racontes.
-Ah oui ? Et si c’est moi qui gagne ?
-Je t'en parle plus.
Il hésite un peu, et me toise. J’ai beau être plus grand que lui, il a ses chances, le combat est équitable.
-D'accord.
-Un aller-retour, on compte le départ en même temps, on part au zéro.
-Ça me semble juste.
Je glisse dans l'eau et me positionne à côté de lui, les mains sur le bord. Nos deux voix résonnent à travers la pièce, et on s’élance avec la même force quand le décompte est fini.
J’ai toujours une certaine avance au départ, que Baptiste a l'habitude de rattraper dans la dernière ligne droite, quand je suis à bout de souffle. Mais cette fois-ci, j'essaye de garder un peu d’énergie.
J’arrive au bout du bassin, j'entends Baptiste qui doit être à un mètre de moi. Je me retourne en poussant un maximum sur mes jambes, entraîné par l’adrénaline. Il se rapproche dangereusement, encore quelques mètres…
Je ne ressens plus que mes muscles qui me tirent, l'eau s’efface. Le monde s'efface.
Baptiste s'efface.
Je touche le bord du bassin, et j'ai le temps de relever la tête et voir Baptiste émerger de l'eau. Ça s'est joué à si peu. Je souffle, et affiche un sourire triomphant.
- Et c’est une victoire !
-Raaah, j'y étais presque !
-Tu vas devoir me raconter tout.
Il soupire, exaspéré et s'assoit sur le bord, je le rejoins. On souffle quelques instants.
-Bon …
Il cherche ses mots.
-J'ai commencé par l'ignorer en rentrant…
C’est à moi de soupirer, c’est vraiment un cas. Il continue.
-Elle est rentrée dans ma chambre, j’étais en train de dormir…
Je commence à dessiner le reste dans ma tête.
-Tu vois comment je suis quand on me réveille…
-Ouais, j’ai déjà fait l’expérience.
Peut-être la seule fois lors desquelles j’ai vu Baptiste en colère. Je le regarde et m'esclaffe.
-Tu as engueulé Rose ?
-Oui…
-Bon, j’imagine que ça explique pas mal de choses…
Il enfouit son visage entre ses mains tachetées.
-J’ai honte de moi.
-T'inquiètes, je vais essayer d'arranger ça… comme je peux. Mais tu pourrais y mettre du tiens !
Il ouvre la bouche pour répondre mais on est interrompus par une petite tornade de cheveux bruns.
- Baptiste, Baptiste, c’était trop bieeen !!! Je veux que Rose elle vienne tous les jours !
J’échange un regard avec mon ami, j’ai un sursaut de rire devant son air ennuyé.
-Bonne chance pour la faire changer d’avis…
Il soupire, bien conscient que quand sa sœur a ancré quelque chose dans sa petite tête, il est quasiment impossible de la lui faire sortir.
-Je veux que Rose vienne à mon anniversaire !!
-Ah oui c’est vrai, ton anniversaire…
Je reçois une peluche rose dans la tête, que je rattrape de justesse avant qu’elle ne plonge dans l'eau.
-Hey qu’est ce que c’est que cette violence ?
-C’est pour remuer ton cerveau mou.
Baptiste rigole, mais pas pour longtemps.
-Pour mon anniversaire je veux une grande fête !!! Avec mes amis et avec Rose !
-D'accord, j'organiserai ça pour princesse Hana alors …
Baptiste me supplie du regard et se tourne vers sa sœur.
-Mais Rose tu viens à peine de la rencontrer … et puis elle est grande, elle va s'ennuyer.
A sa grande déception, Hana hausse les épaules.
-Je m’en fiche. Et puis je voudrais qu'elle fasse des jeux, je lui ai déjà demandé et elle a dit oui !
Là ça m’étonne, je lance un regard interrogateur à Hana.
-Vraiment ?
-Bah elle a dit qu’elle y réfléchirait, ça veut dire oui !
-J'en suis pas si sûr …
-Pourquoi tu tiens tant que ça à l’inviter ?
Pauvre Baptiste.
-Par ce qu’elle est super gentille et qu'elle connait des jeux trop bien !!
Elle saute en l'air comme une petite puce sous extasie. Je lance un regard désolé à mon ami.
-C’est ton anniversaire, c’est toi qui décides. Je lui demanderai, si t'y tiens tant que ça. Et demande à ta mère aussi.
-Oui oui !! Merci tête d’aubergine !
Tête d'aubergine ? Pas mal…
-Un plaisir, le Gremlins.
Je lui lance la peluche qu’elle essaye de rattraper. Elle la ramasse à ses pieds et elle me tire la langue. Elle repart, son rire résonne contre les parois transparentes. Mon regard se pose sur Baptiste et ses yeux de chien battu
-Ne me regarde pas comme ça, je ne lui ai rien offert pour son anniversaire, et puis elle a besoin de se changer les idées.
-Mais …
-Allez, c’est l'occasion de te faire pardonner. Pense à ta sœur aussi, tu peux bien faire ça
Il soupire et plante ses yeux gris bleuté sur moi.
-D'accord, mais tu ne m'obliges pas à aller la voir.
-Si tu veux.
J'essayerai quand-même. Mais on verra ça plus tard, pour le moment je dois réfléchir à un moyen de convaincre Rose. J’entends des petits pas autour de moi, on dirait que le Gremlins s’est changé en une fraction de seconde. Avant que je m’en rende compte, je me retrouve dans l’eau, j’ai à peine le temps de remonter la tête qu’une vague me submerge, j'en avale un peu au passage. Je rigole en voyant Baptise taper dans les petites mains d'Hana, juchée sur les épaules de son frère.
Le reste de l’après-midi passe tranquillement, dans notre petit havre de paix.
De retour chez moi, j'envoie un message à Rose.
Moi : Hey ! Alors d’après ce que j'ai entendu ça s'est plutôt bien passé ?
Elle met du temps à répondre, j’étais déjà passé à autre chose quand j'entends mon téléphone vibrer.
Rose : Oui, oui, aucun problème. C’est quelque chose Hana, elle a un sacré caractère
Moi : Ah ah, et encore t'as rien vu ! Et d’après ce que j’ai compris elle voudrait que tu viennes animer son anniversaire.
Rose : … Je suis pas sûre d’être libre.
Moi : Pas besoin de mentir Pâquerette, je sais tout.
Rose : Comment ça tu sais tout ?
Moi : Je suis devin. Allez, ça sera bien payé et ça lui fera plaisir. 🙂
Rose : … Combien ?
Moi : Je suis sûr qu’on pourrait se débrouiller pour un 20/30 euros de l’heure...
Je la sens hésiter, quelques minutes passent.
Rose … ce serait quand ?
Moi : Samedi prochain ?
Rose : D’accord …
Moi : On pourrait faire une petite soirée après ? 
Rose : Euh, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Je ne suis pas très à l’aise chez les Walckenaer. …. J’y réfléchirai.
Moi : Comme tu veux. Ah et tu ferais peut-être bien d’amener de l’aide, il risque d’y avoir pas mal d’enfants.
Rose : Tu ne peux pas m’aider toi ?
Moi : Ah non ! Je ne veux pas te décourager mais les enfants j’aime pas trop.
Rose : Bon … Je te redirai ça dans la semaine. Salut
Moi : Salut
Je pose mon téléphone et m’allonge sur mon lit en fixant le plafond, je baille et mes pensées m’assaillissent
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Coucou!
Petit plongeon avec Baptiste et Esteban dans la piscine😊
Et la préparation d'une soirée... Ça semble prometteur !
N'hésitez pas à laisser un message, ça nous permettra toujours d'évoluer😊❤️
Aller, passez une bonne semaine !
02/12/2018
PS: une bonne saint Nicolas pour ceux qui la fêtent !
   

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