Chapitre 9 Baptiste

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Je fixe l'étrange pierre aux reflets bleus et roses. Entre mes mains, le métal froid du pendentif se réchauffe, je laisse mon pouce aller et venir sur les écailles du serpent à deux têtes. Il aurait pu me sauter à la gorge, le réalisme est saisissant, captivant. Cela fait maintenant une semaine qu'on a découvert le collier. Estéban est retourné en cours, mais il avait l'air troublé, une pointe de nostalgie dans le fond de ses yeux, de regret. Mais j'ai pensé bon d'attendre qu'il se livre par lui-même, il finit toujours par le faire, il lui faut juste le temps d'y penser. Je sursaute quand la poignée de ma porte grince, une petite tête brune apparait dans l'ouverture de la porte, une boule de poil beige sur l'épaule.

- Baptiste, maman veut te parler.

Elle a une voix toute penaude, elle a dû se faire gronder.

- Dis-lui que j'arrive.

Je repose le pendentif sur ma table de nuit acajou, et je me lève et parcours les couloirs, descend l'escalier, j'arrive dans le salon. Maman m'y attend, elle n'a pas l'air fâchée contre moi, mais elle a un air sévère et sec. Sa voix l'est tout autant.

- Baptiste, ta sœur a des problèmes de compréhension en maths.

- ... Tu voudrais que je l'aide ?

- Non, toi tu dois te concentrer sur tes études. Mais je voudrais que tu lui trouves un professeur de confiance qui vienne pendant les vacances, et peut-être la semaine.

- Estéban ?

- Non.

Le ton de sa voix de laisse aucune ouverture. Je ne lui demande même pas pourquoi, peut-être a-t-elle entendu parler de son redoublement ? Si elle voulait bien m'écouter à son sujet, j'aurais pu lui expliquer pourquoi, qu'il ne sait juste pas quoi faire après le BAC, qu'il l'a fait intentionnellement mais que s'il le voulait il pourrait aller dans n'importe quelle école. Je me contente d'acquiescer.

- D'accord, je chercherai.

- Merci.

Pas un mot de plus, depuis la mort de mamie c'est comme si elle voulait économiser ses paroles, parler le moins possible. Comme si les muets étaient immortels. Elle crée des silences qui m'assèchent la gorge, que j'ai du mal à supporter, alors je lui tourne le dos et je pars. J'ai envie d'aller voir Estéban, sortir de cette maison, maman ne remarquera pas mon absence tout de façon. Hana m'attend derrière la porte, elle a un regard de chien battu.

- Tu es sûr qu'Estéban pourrait pas venir ?

Aurait-elle peur de rencontrer une nouvelle personne ?

- Maman a dit non, t'as bien entendu ... d'ailleurs c'est pas bien d'écouter aux portes.

- Oui oui ... mais tu trouveras quelqu'un de gentil hein.

- Je vais aller demander à Nathanaël s'il peut me trouver un tueur d'enfants qui donne des cours de maths.

- Baptiste t'es pas gentil.

Elle boude, ça y est. Je souris, amusé, Nathanaël est un ami de mon père qui s'occupe des pires criminels de la prison. C'est lui qui m'a, indirectement, permis de rencontrer Estéban. Un instant d'inattention de sa part, celui qui allait devenir mon meilleur ami s'échappait de la salle destinée aux visites, se perdait dans les couloirs de la prison et atterrissait dans le bureau de mon père. Je souris, il a bien changé depuis, il sait qui il est maintenant.

J'ébouriffe les cheveux de ma sœur et marche vers la porte d'entrée, elle tourne autour de moi comme un chiot attendant sa promenade.

- Où tu vas ?

Keep it magicalWhere stories live. Discover now