Jour 10 (suite)

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Je me réveillais brutalement, un goût âcre dans la bouche. Je relevais la tête lentement, constatant que j'étais allongée dans un liquide collant et poisseux. Je passais la main sur ma joue sale, l'odeur écoeurante me frappant de plein fouet. C'était du sang. Mais qu'est-ce que je faisais là ? Je me relevais violemment et reculais le plus vite, m'éloignant du cadavre maintenant froid de Levi. J'haletais, me posant beaucoup de questions dont je ne connaissais pas la réponse. Comment avais-je pu me déplacer autant dans mon sommeil ? Je reposais mon regard sur le cadavre de Levi, et ce que j'y vis me chamboula. Ce n'était plus Levi. Ce n'était même plus un cadavre. Ce qui avait pris sa place était une carcasse sanguinolente, la chair à vif, des morceaux d'os apparents. Et du sang, du sang partout. Sur le sol, sur les murs, sur les meubles. Sur mes mains. Et c'est ainsi que l'évidence me frappa. La sensation de faim ne me tiraillait plus le ventre, je me sentais au contraire lourde, fatiguée, comme si je digérais quelque chose. Ou quelqu'un. Un haut-le-coeur me secoua, mais je ne rendis rien sur le sol, contrairement aux autres fois. Je me mis à trembler, tandis que la culpabilité et le dégoût m'ébranlais. Ma gorge se tordit dans un hoquet, mais mes yeux restèrent secs. Je restais prostrée pendant un temps qui me parut aussi court qu'interminable. Je ne pouvais pas me transformer en cette chose, qui me faisait faire des choses dont je n'avais même plus conscience. Je ne voulais pas me transformer. Je réfléchis longuement à ce que je devais faire. Devais-je trouver les amis de Levi et me livrer à eux ? Devais-je leur rapporter le cadavre ? Je fixais scrupuleusement la carcasse, imprimant dans mon esprit tous les détails des restes de Levi, qui ressemblait plus à un morceau de viande qu'au jeune garçon sarcastique que j'avais connu. Un sourire tordit mon visage quand je repensais aux moments que j'avais vécu avec cet abruti fini. Puis je me levais, décidée à l'honorer comme il se devait. Je soulevais le corps de mes mains déjà tâchées de sang et le posais sur une le matelas, le recouvrant avec le drap immaculé, qui ne le resta pas. Je pris ensuite son sac à dos, déposant toutes ses affaires autour de son corps. La boussole, les habits, le plan et les paquets de gâteaux entourèrent son corps, tel des offrandes. J'allais ensuite chercher, dans le fond du cellier, toutes les bouteilles de gaz qu'il restait, et les ouvrit toutes. J'attendis, chantonnant longtemps, parlant toute seule et mangeant la dernière tablette de chocolat qu'il me restait aux côtés de mon défunt ami. Je rigolais un peu aussi, probablement abrutie par les circonstances, un peu atteinte par la folie aussi. Puiss, une fois que l'air fut tellement chargé de gaz que chaque respiration m'étouffais, j'ouvrais le paquet d'allumettes, tremblotante. J'en cassais trois, rigolant nerveusement à cause de la fin imminente, puis parvint à lancer une flamme. Un grand bruit eu lieu, puis mes soucis s'éteignirent en même temps que le feu ravageait mon corps et celui de Levi.

Une lumière blanche m'aveugla, et je vis une silhouette au loin me faire signe, portant un sac à dos, un plan dans une main et une boussole dans l'autre. Un grand sourire éclaira mon visage. Heureusement que j'avais pensé aux paquets de gâteaux.


InfectéeWhere stories live. Discover now