wait je parle trop de bus.

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vous savez il est au même arrêt de bus que moi tous les vendredi soir, et puis un jeudi sur deux, oui j'ai compté.
honnêtement j'ai jamais remarqué quelque chose de particulier chez lui. alexis, il me semble, à moins que ce ne soit arthur ? non, alexis, c'est ça. il est grand, très grand, du genre à n'avoir qu'à tendre la main pour effleurer les nuages, oh, comme je l'envie. « un peu enrobé » comme disent ses amis, mais c'est vrai qu'il en a pas beaucoup, des amis. en y réfléchissant, quand je le croise dans les couloirs du collège, il est souvent tout seul. mais il a l'air d'être une personne magnifique avec des problèmes magnifiques.
et à chaque fois je me dis « merde, aborde le et demande lui ce qui résonne dans ses oreilles » et je ne le fais jamais. j'aime bien imaginer que ses écouteurs l'emmènent dans un monde un peu pareil au mien, peut-être bmth ou radiohead, et j'arrête tout le temps mes rêveries parce que faut pas déconner.
on dirait le genre de gars transparent pour les autres. quand les cons de quatrième s'amusent à jeter les chaussures de juliette sur le rond point et qu'elle doit courir en chaussette pour les rattraper, je me dis que c'est pas si mal d'être invisible. alexis et moi, y a personne qui nous dérange. peut-être nos écouteurs forment-ils une barrière entre le monde réel et un truc bien plus beau.
ce jeudi, il avait mis sa capuche sur sa tête, même s'il ne pleuvait pas. juste du vent qui soufflait assez pour nous faire grimacer. et lorsque le bus 11 s'est arrêté à l'arrêt, j'ai vu une rafale d'air rabattre sa capuche dans son dos. j'ai pas pu m'empêcher de sursauter parce qu'il avait tout un côté de son visage cassé. oui, cassé, c'est le mot. son visage était cassé et alexis l'était aussi. il a baissé la tête et s'est engouffré parmi l'amas de collégiens.

tout ça commence comme une romance bien niaise, j'en suis désolée.
de toute façon, un vendredi, il n'est pas venu.

et puis il n'a plus jamais été à cet arrêt.

et le lundi d'après, j'ai vu son casier au collège qui était rempli de fleurs et de petits mots. je n'ai pas compris. mais en connaissant ensuite l'histoire, j'ai trouvé ça affreux, des fleurs sur une tombe parce que la mort nous rend aimés. et puis les professeurs nous ont réuni dans le hall. il paraît que le père d'alexis le battait. il paraît aussi qu'un soir, son père ne s'est pas arrêté à quelques coups.
et puis merde, ma première pensée a été je ne pourrais jamais lui demander qu'est ce qui passait dans ses écouteurs.

l'effet merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant