et c'est même pas une métaphore.

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elle avait cinq ans, peut-être six et elle était un peu désireuse d'apprendre à connaître son voisin de classe, sûrement parce qu'il avait les dents en bordel et qu'il disait à qui voulait que c'était pas christophe colomb qui avait découvert l'amérique, mais les américains qui y étaient déjà. il collectionnait les cartes à jouer avec des dates dessus, d'ailleurs il lui avait donné celle avec carmen. quand il a débarqué à l'école elle lui a proposé de faire du toboggan avec elle parce qu'il avait l'air seul et triste, et que sa maman lui avait appris de ne jamais laisser les gens seuls et tristes. sa maman avait sûrement un peu trop perdu. mais eux, ils jouaient au loup derrière les poteaux de la cour et faisaient à chaque fois la course pour s'assoir en premier sur le banc de la salle. lorsque venait l'heure de la sieste – forcée – ils se parlaient en signant avec leurs mains au lieu de dormir, tous fiers d'avoir appris ensemble la langue des signes. et les parents étaient ravis d'avoir des gosses aussi calmes, le soir. s'ils savaient ! l'innocence de cet âge tant rabâché dans les livres, mais que pourtant plus personne n'arrive à décrire. il aurait peut-être fallu nous foutre un stylo dans la main à six ans.
et puis ; le temps éloigne. un changement de classe et l'incapacité à tenir une relation jusqu'au bout. et être juste là, impuissante. elle gardait la carte avec carmen dans un tiroir de sa chambre, mais la langue des signes s'échappait de son esprit. puis vînt le temps du feu, du vrai, de maisons brûlant à cause d'une guirlande mal branchée. les poumons hurlant à la mort, emily coincée dans sa chambre. elle a toujours eu le sommeil profond. cette fois-ci, peu importe l'heure, elle ne se réveillera pas. ça brûle, tout brûle, et on est coincé dedans, pourquoi, comment. le papa est prêt à perdre une jambe, il ne la laissera pas avec cette guirlande. et puis, c'est fini. le feu s'éteint. il ne reste que des cendres et quelques personnes persuadées d'en être. et elle, si extérieure à tout ça, c'est sa maman qui lui apprend les âmes brûlées le lendemain. elle ne dormira pas ce soir. il n'est pas revenu à l'école. des semaines plus tard, elle se lave les mains. les activités du mardi soir ont repris, aujourd'hui ils ont fait un gâteau à plusieurs étages. et il arrive derrière elle, il s'était mis du glaçage partout autour de la bouche. elle l'a trouvé très chouette. mais tout ce qu'elle voulait lui dire, c'était une suite interminable de questions, et des excuses aussi. mais elle n'en a pas besoin, elle demande juste ce qui s'est passé. « quand je dors, je continue de la voir brûler. » arrête, arrête. explose, explosons ensemble si tu le veux mais ne garde pas tout ça. partageons le poids du corps calciné d'emily. tu n'as jamais été responsable. viens, je vais t'aider à essuyer tout le glaçage sur ton visage. et tes larmes, aussi.
j'aurai aimé ne pas te laisser seul et triste.

l'effet merWhere stories live. Discover now